Cameroun - Religion. Père Lado Ludovic:"Les propos du Grand Chancelier sont un tissu de mensonges,d’hypocrisie et de tribalisme primaire"

Jean Claude Fogno | L'Actu Mercredi le 25 Juillet 2012 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Quand on vous sort un tel rapport, où on insinue qu'il y a une pratique de discrimination et qu'on soupçonne un jésuite d'avoir fait signer un faux papier, c'est dire que les jésuites ne sont pas sérieux. Si j'ai réagi, c'est pour que l'on ne justifie pas mon départ par un tissu de mensonges et je mets quiconque aux défis de me prouver le contraire. Ils ont parlé du favoritisme par des marques sur des copies. Je suis prêt à sortir des copies pour que l'on nous montre ces insignes que l'on met sur les copies des ressortissants de l’Ouest, puisque c’est anonyme

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Pourquoi estimez-vous que votre départ de l'Ucac est lié à des raisons politiques et non professionnelles?

 
Le grand Chancelier a estimé que mes activités politiques sont incompatibles avec le poste que j'occupe ici, et il a demandé à mes supérieurs de me décharger de ce poste. Ce qui a été accepté. Ça fait pratiquement un mois et demi que je sais que je pars en Côte d'ivoire, puisqu'il me l'a dit. C'est pour cela que je parle de raisons politiques. Le problème reste au niveau de cette instrumentalisation de la lettre adressée au Doyen. Vous avez certainement lu sur internet, que c'est moi qui ai posté la note. Je n'ai jamais lu la lettre avant qu'elle ne se retrouve sur le net. Le Doyen de la Faculté des sciences sociales et de gestion (NDLR: Un burkinabé) peut le confirmer. Je l'ai appelé pour lui demander comment une lettre confidentielle peut se retrouver sur le net. Quand on m'a signalé l'existence de cette lettre avec des statistiques montées de toutes pièces, j'étais indigné. Au conseil qui suivait la lettre, comme c'était confidentiel, j'avais dit aux collègues que j'étais indigné parce que je m'étais rendu compte que le courrier avait été envoyé au Doyen avec une photocopie de cette fameuse fausse attestation de réussite où mon nom figurait. J'ai dit en conseil que ce document avait été photocopié dans la maison, et envoyé au grand Chancelier parce qu'on croyait avoir trouvé quelque chose pour enfin m'éclabousser.
 
Le grand Chancelier l'avait utilisé comme argument dans sa lettre, sans qu'aucune enquête ne soit ordonnée. Il a présenté cela sous forme de soupçon, puisqu'il ne dit pas clairement que je suis l'auteur. Le doyen m'a fait comprendre que la fuite ne vient pas de son service, c'est clair que cela vient de dehors. Je crois que c'était pour me dire, comme tu aimes bavarder, continues à le faire. Parce qu'on voulait me faire taire.

Pensez-vous à une manipulation du régime pour vous faire taire?

Je n'ai pas d'éléments objectifs pour le mettre dans le coup. Je sais qu'il y a des mains obscures tapies dans l'ombre qui tirent les ficelles. D'ailleurs, un journaliste m'a fait savoir qu'il y a des informations sur le net faisant état d'une lettre que j'aurais adressé à mes supérieurs pour reconnaître les faits. Voilà des mensonges grossiers que l'on fait circuler sur le net. Je me penche ici sur le contenu de ce tissu de mensonges et de rumeurs qui mettent finalement en cause l'intégrité de l'équipe de Jésuites à laquelle la gestion de la faculté est confiée depuis près de 20 ans. Un chrétien n'a pas de région, il a des frères et sœurs à aimer. Je suis entièrement contre cette approche. Heureusement que je m'en vais. Si je devais rester, je ne devais jamais accepter ce genre de choses.

Vous qualifiez les propos du grand Chancelier Tonye Bakot de tissus de mensonges, d'hypocrisie, de discriminations et de rumeurs dans l'optique de discréditer l'intégrité des jésuites. Comment cela?
 
Dans ma réponse, j'ai indiqué que j'ai toujours fait comme mes prédécesseurs. C'est la méritocratie! On a un concours unique, et les candidats composent dans les mêmes conditions, on retient les meilleurs. C'est pour cela que je dis dans ma note qu'ici, nous ne regardons que les notes et les noms. Ce qui fait que la planification telle qu'on entend dans d'autres concours dans notre pays, n'existe pas ici à l'Ucac. Alors, s'ils ont donné des instructions pour qu'il y ait une sorte d'équilibre, quels sont les critères? S'il s'agit de critères d’équilibre régional, que l'on nous dise par exemple qu'on va moduler au niveau des pourcentages. Peut-être c'est ce qu'ils comptent faire. De toutes les façons, nous avons géré le concours de cette année dont les résultats sont publiés comme nous avons l'habitude de le faire. Et, je ne suis pas sûr que les jésuites qui vont rester changeront de formule. Les propos du grand Chancelier sont un tissu de mensonges, d'hypocrisies et de tribalisme. Quand on vous sort un tel rapport, où on insinue qu'il y a une pratique de discrimination et qu'on soupçonne un jésuite d'avoir fait signer un faux papier, c'est dire que les jésuites ne sont pas sérieux. Si j'ai réagi, c'est pour que l'on ne justifie pas mon départ par un tissu de mensonges et je mets quiconque aux défis de me prouver le contraire. Ils ont parlé du favoritisme par des marques sur des copies. Je suis prêt à sortir des copies pour que l'on nous montre ces insignes que l'on met sur les copies des ressortissants de l’Ouest, puisque c’est anonyme.

Comment expliquer que dans votre département, 30 étudiants sur 42 sont originaires de Bafang à l'Ouest du pays?
 
Je ne sais pas comment il a compté, puisqu'il n'a pas donné l'année, ni le critère de détermination de cette ethnie.

Pourquoi circonscrire les observations sur la Faculté des sciences sociales et de gestion alors que l'institution compte plusieurs campus et sept facultés?
 

C'est la question que j'ai posé dans mon texte. Je crois qu'on s'est borné à dessein sur le campus d'Ekounou, et on a utilisé seulement les affaires des statistiques. D'ailleurs dans sa lettre de ce matin (Hier, NDLR) il dit que ça confirme ce qu'on pressentait. Pourquoi le faire seulement sur le campus d'Ekounou? Il fallait que l'on fasse une étude sur toute l'Université et on nous interpelle pour expliquer pourquoi les gens d'une région sont plus nombreux ici, si le problème devait se poser en ces termes là. Cela n'a pas de sens puisque le texte a dit que le conseil a demandé des statistiques, pourquoi se focaliser sur ce campus. Il y avait un processus de sabotage.
 
Comment se fait le recrutement à l'Ucac?

Le concours d'entrée en première année est supervisé par le Doyen et le Vice Doyen de faculté, appuyés par leurs assistants respectifs. Il est unique pour les deux campus, et toutes les filières de la Faculté. Le Décanat conçoit les épreuves et veille à leur confidentialité jusqu'à leur administration.
 
Pour ce qui est du recrutement des enseignants, c'est chaque décanat qui émet les besoins et une commission de recrutement siège. Il arrive souvent que les dossiers proposés soient rejetés à plus de 75 pour cent.
 
Comment vivez-vous cette réalité au quotidien?

J'ai fait cinq ans ici et je n'ai jamais senti une quelconque discrimination. Si la haute hiérarchie voudrait qu'on utilise la règle des quotas, qu'elle la rendre officielle et qu'elle détermine les règles. Si j'avais été saisi, je n'accepterai pas cet équilibre qui est un nivellement par le bas.
 
Ne pensez vous pas que cette lettre constitue une suite logique du tribalisme au sein de l'Eglise catholique au Cameroun?
 
C'est des réflexes camerounais, on ne peut pas construire un pays en rappelant aux gens leur origine. Ce n'est pas un problème propre à l'Eglise. Et il participe à la lenteur de notre pays à progresser dans l'intégration nationale, juste parce que le Cameroun n'est pas géré de sorte que chaque camerounais puisse se sentir fier. Le combat de ceux qui veulent être des camerounais et pas d'une région, doit continuer. Le maître mot du chrétien c'est l'amour.
 
Sur quel champ comptez-vous mener la bataille du moment où vous payez ainsi le prix de votre témérité avec votre affectation en Côte-d'Ivoire?
 
J'ai été promu maître de conférence et non professeur de 3e grade, ce qui est plus élevé. Je continuerai à écrire et à dénoncer l'injustice, même étant hors du pays. Car, la vérité est un devoir chez les jésuites. C'est moi qui suis le problème et non les jésuites. Je me suis fait beaucoup d'ennemis à cause de mon activisme politique. Mon horizon de service de l'humanité n'est pas une région, même pas le Cameroun, mais le monde! Pour les jésuites, la foi est inséparable de la promotion de la justice dans la cité.
 

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