Cameroun - Politique. Renouveau: Les rapports incestueux entre l’argent public et le pouvoir

Le Messager Vendredi le 24 Aout 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Les affaires d’argent, de corruption, de dilapidation ont toujours étayé les relations de Paul Biya et ses proches avec les fonds publics.

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Pourquoi le président Biya s’est-il enfin réveillé de sa torpeur pour lancer l’opération Epervier ? Une opération mains propres qui apparaît au Cameroun à l’évidence comme le plus grand cannibalisme politique de tous les temps ! Pourquoi le président de la République a-t-il fait arrêter son ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la décentralisation, sachant que celui-ci n’est pas fait du bois dont on fait les holocaustes ?

Aujourd’hui où, sous le prétexte de lutte contre la corruption, deux secrétaires généraux/présidence de la République, un Premier ministre et plusieurs membres du gouvernement sont sous les verrous, Paul Biya est paradoxalement montré du doigt comme l’organisateur de tout ce fatras, désigné sans fioritures comme « le chef bandit ».

En effet, l’ex-secrétaire général à la présidence Marafa Hamidou Yaya, jugé pour détournement présumé de fonds dans le cadre d’une opération foireuse d’achat en 2001 d’un avion présidentiel, a affirmé jeudi 9 août dernier avoir accompli sa mission, indiquant que le président Paul Biya et son épouse étaient impliqués dans ce dossier.

Nous apprenons aussi que si l’intervention de la première dame était marginale portant notamment sur le choix de la qualité et des couleurs de l’habillage intérieur de l’appareil, celle de son époux était en revanche prépondérante, à travers ses proches collaborateurs.

La gouvernance trentenaire du président Biya n’a jamais été de tout repos.
Les affaires d’argent, de corruption, de dilapidation ont toujours étayé ses rapports avec les fonds publics. « Pendant qu’il invitait le peuple camerounais à des sacrifices avec ces incessantes promesses de l’avènement proche du « bout du tunnel », ses « serviteurs » et lui ont continué à vivre dans l’opulence, usant et abusant du bien public au mépris des souffrances et misères du peuple », a pu dire un internaute. Le serpent serait-il en train de se mordre la queue ? S’interroge un autre : « Ces affaires sont la preuve que le peuple a été abusé par M. Biya et ses hommes depuis 30 ans. Ils doivent tous aujourd’hui rendre des comptes, et vu la tournure que prend particulièrement l’affaire de l’avion présidentiel, il va s’en dire que M. Biya n’est pas celui qu’il aurait fallu à la tête de ce beau pays »


Arrêt sur images

Etrange fin de règne que celui du Renouveau. Tout avait pourtant bien commencé ce jour du 2 novembre 1982. Proche collaborateur du président Ahidjo, technocrate sobre et grand commis de l’Etat, l’Illustre inconnu en politique accéda à la magistrature suprême par ‘un coup de tête’ bien placé. Les Camerounais voyaient en lui un chef d’Etat moderne qui devait poursuivre en l’amplifiant, l’œuvre de son prédécesseur. Le bébé s’annonçait donc bien et le berceau était confortablement préparé pour une croissance sans problèmes. Las ! Le Canard enchaîné veillait au grain et lança le premier pavé dans la mare au sujet d’une acquisition immobilière en France, suivi quelques années plus tard par les révélations de Messi Messi sur les tripatouillages de fonds à la défunte Scb, littéralement mise à sac par le couple présidentiel à l’ère du Renouveau. Depuis, les chapelets de révélations plus ou moins corsées se sont égrenés au fil du temps. Paul Biya a-t-il des rapports incestueux avec les fonds publics ?

Arrêt sur images : « Quelque 800 000 euros. Le coût des vacances du président du Cameroun, Paul Biya, à La Baule fait grand bruit dans l'Hexagone, où le nom du chef de l'État a déjà été cité dans l'affaire dite des "biens mal acquis". Explication de texte en 2009 par FRANCE 24, France 3 Inter, le quotidien "Ouest France" et la station locale Radio Fidélité Nantes: « le chef de l’État camerounais, Paul Biya, et son épouse Chantal ont pris leurs quartiers d’été à La Baule (ouest de la France), depuis le 15 août. Jusque-là rien d’anormal. Sauf que ce petit séjour de trois semaines en bord de mer devrait coûter la coquette somme de 800 000 euros au président de l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. Le couple présidentiel, accompagné d’une équipe de plus de 40 personnes, s’est installé dans les hôtels L’Hermitage (5 étoiles) et Le Royal (4 étoiles) ». Selon les 5 médias, le coût de revient journalier de ces vacances s'est élevé à 25 millions Fcfa pour les 43 chambres occupées. A cela est venu s’ajouter « les frais liés à la restauration, les séances de thalasso, les casinos et le shopping ». "C’est la troisième fois que nous venons à La Baule. Nous y sommes très attachés et c’est sûr nous reviendrons", avait déclaré au quotidien "Ouest France", Paul Biya.

Toujours en 2009, un rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (Ccfd) pointait dans un rapport intitulé "Biens mal acquis, à qui profite le crime ?" les richesses qu'aurait accumulées Paul Biya en plus de 30 ans de règne à la tête du Cameroun. Le rapport évoquait l’achat de châteaux en France et en Allemagne, ainsi que de nombreuses sociétés dans les secteurs du bois et des mines. Évoquant alors une plainte contre le président Biya déposée par l’Uda – une association de ressortissants camerounais active en France et en Belgique – pour "recel de détournement de fonds publics Issa Tchirouma (déjà lui) dira à la presse française : "Biya a éradiqué la corruption" prenant pour preuve le "nombre de collaborateurs accusés de corruption et mis en prison". Le porte parole ajoutera : "La lutte contre la corruption est le cheval de bataille numéro un du président". C’est vrai que Nkollo Fanga était un oncle maternel de Chantal Biya et mieux c’est lui qui a accepté la dot chez les Nanga Eboko. Il est mort en prison pour détournement au ministère des Postes. A ce propos, les histoires de prévarications du couple présidentiel et de leurs proches reviennent comme une antienne dans les chroniques. On notera que l'association Survie avait accusé le très discret Franck Biya (fils du président) de "piller les forêts du Cameroun".


Sources d’enrichissement

Il est vrai que par ailleurs, le couple présidentiel dépense sans compter au travers de la Fondation Chantal Biya (Cameroun) créée en 1994. C’est une association « humanitaire, apolitique, non confessionnelle et à but non lucratif qui aide au quotidien les victimes des calamités naturelles ainsi que les démunis et déshérités à travers les différents centres d’accueil pour lépreux, aveugles, sourds-muets, handicapés moteur, orphelins, enfants abandonnés et vieillards. On peut ajouter à cela le Centre International de Référence « Chantal Biya » pour la recherche sur la prévention et la prise en charge du Vih/Sida (Circb) « Il entend participer à l’élan global de la communauté internationale pour accélérer des connaissances et la qualité des soins et services destinés aux personnes infectées et affectées par la pandémie ». Lors de son procès, Ondo Ndong a indexé directement la fondation Chantal Biya comme bénéficiaire de ces détournements. Dans une étude intitulée "Biens mal acquis, à qui profite le crime ?», qui dresse un rapport actualisé sur les avoirs détournés par les chefs d'Etat africains et leur patrimoine, le Ccfd s'interroge sur les nombreuses acquisitions du président, notamment celle de la "Villa Isis" sur la Côte d'Azur, qui appartiendrait à son fils, Franck Biya. "En mai 1997, l'Evénement du jeudi estime la fortune du président camerounais et de sa famille dans les 70 millions d'euros", le Comité rapporte également que le Cameroun a aidé financièrement l'Osti (ordre souverain du temple initiatique), une organisation ésotérique qui serait liée à la secte de l'Ordre du temple solaire. Le fondateur de l'Osti, Raymond Bernard, décédé en 2006, avait affirmé en 1998 que Paul Biya était président d'honneur du Circes (qui appartient à l'Osti).
A ce titre, le président camerounais se serait montré "généreux", offrant "5,6 millions de francs français le 2 mars 1990, puis 11,2 millions de francs de 1992 à 1998, le tout via la Société nationale des hydrocarbures (Snh) du Cameroun". Outre ces "cadeaux", le président Paul Biya aurait accordé à Raymond Bernard un prêt sans intérêt d'un montant de 40 millions de francs pour l'achat d'un appartement dans le XIVe arrondissement.

Le Comité estime que les sources "d'enrichissement familial sont multiples", notamment au niveau de l'Etat. "Selon un arrangement extrêmement commode, la loi de Finances autorisait le président, jusqu’en 1994, 'en cas de besoin, à prélever et à affecter par décret à un compte spécial hors budget tout ou partie des résultats bénéficiaires des entreprises d’État'", peut-on lire dans le rapport. Outré, le citoyen Hilaire Kamga, Secrétaire permanent et porte-parole de la Plate-Forme de la Société Civile pour la Démocratie avait exigé en son temps de M. Biya « d’une part de publier sans délai le décret sur l’organisation et le fonctionnement de la Commission de déclaration des Biens prévues à l’article 66 de la loi N°003/2006 relative à la déclaration des biens d’application, et d’autre part de déclarer ensuite ses biens auprès de la Commission qu’il aura créée. Il en est de même de l’urgence qu’il y a à déclarer les biens de Mme Chantal Biya ainsi que ceux des enfants Biya mineurs. »

Edouard Kingue


Fortune publique: Et John Fru Ndi alors…

Paul Biya et sa famille mangent-ils seuls ? Selon Africa Confidential d’octobre 2005, reprenant le travail d’une Ong londonienne, les largesses de Paul Biya serviraient aussi à amadouer l’opposition: le leader de l’opposition John Fru Ndi aurait ainsi accumulé une fortune de plus de 125 millions de dollars, dont « plus de 70 % de l’argent provient de ses deals politiques avec le chef de l’État camerounais en fonction », en particulier « entre juin 2002 et 2005 ». John Fru Ndi a nié. Certains soupçonnent également l’homme fort de Yaoundé d’utiliser des prête-noms pour gérer sa fortune, notamment en Suisse. Il y réside régulièrement et sa fille Anastasie Brenda Eyenga Biya fait ses études au Collège du Léman à Versoix, à quelques kilomètres de Genève. Le journal The African Independent, particulièrement critique envers le gouvernement Biya, estime par ailleurs que le fils du président, Franck Biya, a un rôle clé dans la gestion du patrimoine familial. Il gagnerait, selon ce quotidien en ligne, «9 milliards F Cfa par mois dans la mafia du bois». Son rôle dans l’exploitation forestière est, de fait, particulièrement décrié dans ce journal : « attribution des concessions à ses sociétés (dont Ingénierie forestière) dans la plus grande opacité, évasion fiscale, non respect des contraintes environnementales, gestion douteuse des fonds de ses sociétés… Naturalisé monégasque, le fils Franck serait propriétaire à Roquebrune-Cap-Martin, lieu de villégiature du Maréchal Mobutu, de la magnifique « Villa Isis », avenue Douine. Officiellement, la villa est au nom de « l’Immobilière du Sud Azur », une société au capital de 1000 euros sise promenade des Anglais à Nice, dont le gérant n’est autre qu’un certain Emmanuel Biya… le second prénom de Franck ». Enfin dans le cadre d’indemnisation des victimes du Nyong, le transfert de Saa est arrivé à la Sgbc au 29, Bd Haussmann. L’argent reçu a pris une destination sulfureuse, viré dans un autre compte bancaire sulfureux à Neuilly-Sur-Seine, comme celui du Bd Haussman de Jean Foumane Akame, au nom d’une société d’Etat sur laquelle, Paul Biya, a la haute main », fait savoir dans une lettre, Milla Assoute.



Verbatim

Plus personne ne croit à l’innocence du président Biya dans ce qui arrive au Cameroun, où la corruption endémique à miné tous les efforts de développement que l’on serait en droit d’attendre d’un Etat. Voici quelques perles de leaders d’opinion.


Olivier Bile: lancer la première pierre

Monsieur Paul Biya, malgré les apparences, notre pays est aujourd’hui au bord du précipice. Chacun peut désormais constater les conséquences du modèle de gouvernance que vous avez librement instauré, à dessein dit-on. Cette manière de concevoir la politique a produit une phénoménale corruption dont l’ampleur est sans précédent. Je parle de corruption au sens étymologique de l’altération de l’esprit et du mental, qui semble désormais être la chose du monde la mieux partagée dans notre pays. Mieux, si l’on considère seulement les récentes révélations sur l’affaire des 32 milliards destinés à l’indemnisation des victimes du crash d’un avion de la Camair en 1995, qui, y compris vous-même et malgré tout mon respect, peut prétendre pouvoir un-tant-soit-peu «lancer la première pierre» au sens de Jésus- Christ ?


Haman Mana: cannibalisme

« Que l’opération Epervier soit aujourd’hui une opération de lutte contre la corruption et les détournements de derniers publics, ou alors, une vaste entreprise d’élimination politique de valeureux prétendants à la magistrature suprême, le dénominateur commun reste la déliquescence d’un régime pris dans ses propres contradictions et qui se refuse à assumer la purulence de ses plaies et tente de se réfugier derrière un violent cannibalisme où il est contraint de se nourrir du sang de ses propres enfants dans ses derniers spasmes convulsifs »


 

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