Législatives 2012. Code électoral : vent de panique dans le sérail

Mutations Vendredi le 20 Avril 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Des actes de diversion et de restrictions de liberté se multiplient dans la foulée de l’adoption de la loi controversée.

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Selon l’article 31 (1) de la Constitution en vigueur au Cameroun, «le président de la République promulgue les lois adoptées par le Parlement dans un délai de quinze (15) jours à compter de leur transmission, s’il ne formule aucune demande de seconde lecture ou s’il n’en saisit le Conseil constitutionnel». A l’issue de ce délai, et après avoir constaté sa carence, précise l’alinéa 2 du même article, le président de l’Assemblée nationale peut se substituer au président de la République. Tout calcul fait, Paul Biya a donc jusqu’au 27 avril prochain (dans une semaine environ) pour promulguer la loi sur le code électoral, qui essuie de vives critiques dans les rangs de l’opposition et de la société civile.

Conscient des périls qu’aurait engendré la polarisation du débat public sur cette loi qui organise les mécanismes de dévolution du pouvoir, donc l’alternance au sommet de l’Etat, Paul Biya, d’après des analystes, a choisi lundi dernier de détourner l’attention des citoyens en livrant deux proies de luxe à l’ «épervier», en l’occurrence l’ex Premier ministre, Ephraïm Inoni et l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya. Le chef de l’Etat est, à la vérité, coutumier de ce genre de fait. En 2008 déjà, pour faire passer la pilule de la révision constitutionnelle, visant à faire sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel Paul Biya avait ordonné l’arrestation de deux anciennes grosses pointures du gouvernement, à savoir, Polycarpe Abah Abah et Urbain Olanguena Awono.

Mardi dernier à Douala, deux évènements ont rajouté une louche sur la frilosité qui s’est emparée du pouvoir au sujet du code électoral : la convocation du président national de Dynamique pour la renaissance nationale, Albert Dzongang, à la délégation générale de la sureté nationale pour le Littoral ; où il a été interrogé sur une lettre qu’il a adressée au président de la République, le 16 avril dernier, à propos du texte adopté.

« Je me permets une fois de plus de venir porter à votre haute connaissance le risque d’explosion auquel notre cher et beau pays est exposé (…) Je voudrai parler au chrétien que vous êtes, ainsi que vous l’avez souvent montré en fréquentant l’Eglise catholique et en recevant plusieurs fois son plus faut dignitaire le Pape dans notre pays. Je voudrais également m’adresser au Père de la Nation, comme on vous appelle souvent. J’interpelle ici le père de famille que vous êtes, soucieux du devenir de vos propres enfants. Je viens donc vous supplier, au nom de la grandeur, de la paix, de la cohésion et des impératifs de développement économique de notre pays, de ne pas promulguer cette loi», écrit le candidat à l’élection présidentielle. Pour la police, il s’agit-là d’une manœuvre susceptible de troubler l’ordre public.

Convictions

Motif analogue invoqué par le sous-préfet de Douala 1er pour interrompre une manifestation organisée le même jour par le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), qui entendait préparer une campagne de sensibilisation des citoyens camerounais sur le code électoral. Autre signe de panique du pouvoir, la célérité avec laquelle Jean Nkueté, le secrétaire général du comité central du Rdpc, a entrepris d’apaiser le courroux de Bello Bouba Maïgari, le président national de l’Undp, parti allié du Rdpc qui s’est «désolidarisé» du code électoral adopté vendredi. Il faut du reste noter qu’à la veille de l’adoption du texte querellé, une marche de l’opposition et de la société civile a été réprimée par la police à Yaoundé.

C’est donc dire que l’adrénaline monte dans le sérail. Approché à ce sujet, un politologue proche du régime, ayant requis l’anonymat, indique : « les faits décrits (plus haut) sont parlants. Cependant, il m’est difficile scientifiquement de déceler un lien entre la relance de l’opération épervier et l’effervescence autour du code électoral. Quand à l’interdiction du meeting du Manidem et la convocation du président Dzongang à la police, il s’agit d’atteintes à la liberté d’expression. Pour le cas précis du Manidem, même si l’on admet que l’interdiction de manifester court dans le Wouri depuis les évènements de 2008, il convient de signaler qu’aucune disposition dans la législation camerounaise ne prévoit l’interdiction générale à durée indéterminée de manifestation dans une unité administrative donnée. Cette décision peut être prise par décret présidentiel dans le cadre de l’état d’urgence pour un lieu et un temps déterminés. Par ailleurs, l’on peut se demander si la frilosité que vous notez, à raison, est institutionnelle ou le fait d’individus isolés», explique cet universitaire.
Lequel précise, à propos de la promulgation de la loi sur le code électoral, qu’ «on ignore les convictions du chef de l’Etat sur cette question.

Mais compte tenu de l’ambiance qui a prévalu lors de la séance d’adoption de cette loi, des revendications qui fleurissent et du consensus recherché ; M. Biya est en droit d’en tirer les conséquences. La Constitution l’autorise soit à promulguer cette loi, c'est-à-dire à faire un passage en force et donc opérer un retour à la case départ en matière de système électoral, soit de la renvoyer au Parlement pour relecture». La balle est donc dans le camp du «sphinx» d’Etoudi.

Georges Alain Boyomo

Encadré
Voici les principales revendications de l’opposition :
- Un scrutin présidentiel majoritaire à deux tours ;
- Un mandat présidentiel limité à 5 ans renouvelable une fois ;
- La majorité électorale à 18 ans ;
- L’avènement d’une commission électorale indépendante ;
- L’instauration d’un bulletin de vote unique ;
- La délivrance des cartes électorales au moment de l’inscription sur les listes ;
- La répartition équitable des sièges à l’Assemblée nationale en fonction de la démographie ;
- Un quota d’au moins 30% de représentation des femmes aux élections municipales et législatives ;
- L’interdiction de l’utilisation des moyens de l’Etat lors des élections ;
- Le maintien des cautions telles qu’elles étaient avant l’adoption du code électoral.
 

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