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Émotion et suspicions : l'autopsie d'Anicet Ekane reportée, sa famille exige ses propres experts légistes

Dans un nouveau rebondissement posthume, la famille du leader du MANIDEM refuse une autopsie menée par les seuls médecins de l'État. Elle déplore le délai dans l'ouverture des enquêtes promises et prépare des initiatives judiciaires nationales et internationales.

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L’autopsie qui devait lever le voile sur les causes exactes de la mort d’Anicet Ekane n’a pas eu lieu ce mardi 2 décembre. Préparée dans la précipitation à la morgue de l’Hôpital Central de Yaoundé, l’opération a été suspendue in extremis à la demande expresse de la famille du défunt, par l’intermédiaire de ses avocats.



La défense, menée par Maître Hippolyte BT Meli, a obtenu le report de l'examen médico-légal. « Sa défense mandatée par la famille s'y est opposée », a indiqué l’avocat dans un communiqué cinglant, dénonçant une procédure unilatérale et non contradictoire. « La vérité [...] ne saurait être dite par les seules investigations non contradictoires de son administration dans un cas de mort suspecte où ses préposés sont fortement soupçonnés d'agissements criminels », peut-on lire dans le texte.



Cette suspension révèle une défiance absolue envers les autorités camerounaises, directement mises en cause dans ce qui est qualifié par l’opposition et la famille d’« assassinat politique ». La famille, par la voix de Mme Désirée Ekane, sœur du défunt, entend désormais désigner ses propres médecins légistes qui devront accompagner – et surveiller – ceux nommés par l’État. « Il est attendu que celle-ci se concerte pour désigner ses propres médecins légistes », précise Maître Meli.


Une enquête officielle qui tarde à démarrer


Dans son communiqué, la défense pointe également un autre écueil majeur : le délai dans l'ouverture des enquêtes promises la veille par le gouvernement. « Les enquêtes annoncées hier par le Gouvernement ne sont d'ailleurs pas encore ouvertes, ce qui est aussi attendu », relève l’avocat, alimentant les doutes sur la sincérité et la célérité des promesses officielles.



La famille, profondément meurtrie, manifeste aussi son désarroi. Gertrude Ekane, la petite sœur d'Anicet, a lancé un cri du cœur poignant, demandant simplement « à l'Etat de rester avec le corps de son frère », reflet d’une douleur mêlée à un sentiment d’impuissance face à une machine étatique perçue comme hostile.


L'ombre d'un discours prophétique


Ce report intervient dans un climat déjà extrêmement tendu, ravivé par la diffusion de propos historiques tenus par Anicet Ekane lui-même devant le Conseil Constitutionnel. S’adressant visiblement à un ex membre de son parti, il lançait un plaidoyer désespéré et prémonitoire : « Qu’il pense à tous ceux qui meurent faute de soins. » Énumérant les noms de camarades disparus – Abanda Kpama, Moussiki, Elela Matou, Dila –, il concluait : « Qu’il m’oublie ! Je lui demande pardon. [...] Mais pense aux autres. Pense au pays. »



Ces paroles, prononcées dans l’arène judiciaire, résonnent aujourd’hui avec une tragique ironie. La principale accusation portée par sa famille et ses soutiens est précisément qu’Anicet Ekane est « mort faute de soins » en détention, privé de son extracteur d’oxygène. Son propre discours semble dresser un constat préalable des pratiques qu’il subira à son tour.


Vers une bataille judiciaire internationale


Face à ce qu’elle considère comme un crime d'État, la famille ne compte pas en rester là. La défense annonce avoir constitué une équipe renforcée, intégrant des avocats internationaux de renom, dont Me William Bourdon et Me Julie Jukic, inscrits au Barreau de Paris. L’objectif est clair : engager des « initiatives, nationales et internationales, donnant des suites juridiques et judiciaires appropriées à l'affaire ».



Ce nouveau chapitre transforme la mort d’Anicet Ekane en une bataille judiciaire et médiatique de haute intensité. Le report de l’autopsie, loin d’apaiser les tensions, les exacerbe en soulignant le fossé de confiance abyssal qui sépare l’opposition et les proches du défunt des institutions officielles. La communauté nationale et internationale attend désormais la désignation des experts indépendants et le début réel d’une enquête crédible, seule capable – peut-être – de dire les conditions dans lesquelles s’est éteint ce vétéran de la lutte démocratique camerounaise.

 




Emotion and Suspicion: Anicet Ekane's Autopsy Postponed, His Family Demands Its Own Forensic Experts


In a new posthumous twist, the family of the MANIDEM leader refuses an autopsy conducted solely by state-appointed doctors. They lament the delay in the promised investigations and are preparing national and international legal initiatives.



The autopsy that was to reveal the exact causes of Anicet Ekane's death did not take place this Tuesday, December 2nd. Hastily arranged at the morgue of Yaoundé Central Hospital, the procedure was suspended at the last minute at the express request of the deceased's family, through his lawyers.



The defense, led by Barrister Hippolyte BT Meli, secured the postponement of the forensic examination. "His defense, mandated by the family, opposed it," the lawyer stated in a scathing release, denouncing a unilateral and non-adversarial procedure. "The truth [...] cannot be told by the non-contradictory investigations of its administration alone in a case of suspicious death where its agents are strongly suspected of criminal acts," the text reads.



This suspension reveals absolute distrust of the Cameroonian authorities, directly implicated in what the opposition and the family call a "political assassination." The family, through Ms. Désirée Ekane, the deceased's sister, now intends to appoint its own forensic experts who must accompany – and monitor – those appointed by the state. "It is expected that [the family] will consult to designate its own forensic doctors," specifies Barrister Meli.


An Official Investigation Slow to Start



In its statement, the defense also highlights another major hurdle: the delay in opening the investigations promised the day before by the government. "Moreover, the investigations announced yesterday by the Government have not yet been opened, which is also expected," notes the lawyer, fueling doubts about the sincerity and speed of official promises.



The family, deeply grieving, also expresses its distress. Gertrude Ekane, Anicet's younger sister, made a poignant plea, simply asking "the State to stay with her brother's body," reflecting pain mixed with a sense of powerlessness in the face of a state apparatus perceived as hostile.


The Shadow of a Prophetic Speech


This postponement occurs in an already extremely tense climate, revived by the dissemination of historic remarks made by Anicet Ekane himself before the Constitutional Council. Addressing a member of the institution, he made a desperate and prophetic plea: "Let him think of all those who die for lack of care." Listing the names of deceased comrades – Abanda Kpama, Moussiki, Elela Matou, Dila – he concluded: "Let him forget me! I ask for his forgiveness. [...] But think of the others. Think of the country."



These words, spoken in the judicial arena, resonate today with tragic irony. The main accusation leveled by his family and supporters is precisely that Anicet Ekane "died for lack of care" in detention, deprived of his oxygen extractor. His own speech seems to foreshadow the circumstances he himself would later endure.


Towards an International Legal Battle


Faced with what they consider a state crime, the family plans further action. The defense announces the formation of a reinforced team, including renowned international lawyers such as Mr. William Bourdon and Ms. Julie Jukic, members of the Paris Bar. The objective is clear: to undertake "initiatives, national and international, leading to appropriate legal and judicial follow-up to the case."



This new chapter transforms the death of Anicet Ekane into a high-intensity legal and media battle. The postponement of the autopsy, far from easing tensions, exacerbates them by highlighting the abyssal trust gap separating the opposition and the deceased's relatives from official institutions. The national and international community now awaits the appointment of independent experts and the real start of a credible investigation, perhaps the only one capable of revealing the conditions under which this veteran of Cameroon's democratic struggle died.



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Mouahna Divine 

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