Derrière cette dépendance structurelle, un faisceau de difficultés étouffe la production locale : coûts de production élevés, équipements vieillissants, concurrence féroce des circuits informels et fiscalité “asphyxiante”, selon les industriels.
Résultat, malgré environ 50 milliards FCFA d’investissements cumulés, les usines tournent à 20% de leurs capacités, et ne génèrent qu’à peine 8 milliards FCFA dans un marché évalué entre 125 et 200 milliards FCFA. Une marge qui expose un gouffre industriel… et un potentiel colossal.
Contrefaçon et contrebande : un fléau à 33 milliards FCFA
Comme si les importations massives ne suffisaient pas, le secteur doit affronter un autre ennemi : la contrefaçon.
Entre 2020 et 2024, 8,6 milliards FCFA de faux médicaments ont été saisis au Cameroun. Le ministère de la Santé publique a multiplié les opérations de contrôle et le démantèlement des circuits clandestins, tandis que le suivi des plateformes en ligne s’intensifie.
Mais le phénomène prend des proportions alarmantes.
Selon l’ONUDC (2023), les médicaments falsifiés causent environ 500 000 décès par an en Afrique subsaharienne. Au Cameroun, le site Lurgentiste.com estime que 20 à 25% des médicaments en circulation seraient contrefaits, faisant du phénomène un problème sanitaire national, bien au-delà d’un simple enjeu économique.
Le ministre de la Santé publique, Dr Manaouda Malachie, multiplie les interpellations publiques, appelant l’Ordre national des pharmaciens à “protéger la confiance du citoyen envers le médicament” et à s’impliquer davantage dans la lutte.
La commande publique, dernier espoir de l’industrie locale
Face à la double concurrence – formelle et illicite –, l’Association des industries du médicament plaide pour une réforme profonde de la commande publique.
Sa présidente, Loe Gisèle Etame, propose une restructuration du Syname, avec une Cename réorientée pour réserver une partie de ses appels d’offres aux fabricants nationaux, en fonction de leurs capacités.
Une telle réforme permettrait de garantir un débouché régulier, notamment pour les génériques essentiels, et de stimuler la production locale.
Mais encore faut-il que la Cename règle ses fournisseurs dans les délais.
Or, sa réputation en la matière reste problématique : paiements tardifs, ressources limitées, trésoreries fragilisées.
Sans fiabilisation des règlements, la commande publique restera un levier théorique, incapable de transformer la structure du marché ou de réduire le recours massif aux importations.
Un secteur stratégique en quête de souffle
L’industrie pharmaceutique camerounaise évolue aujourd’hui dans un paradoxe : un marché dynamique, mais largement capté par l’étranger ; un potentiel industriel considérable, mais sous-exploité faute d’un environnement favorable ; une urgence sanitaire liée aux faux médicaments ; et une dépendance chronique aux importations, destructrice pour la balance des paiements.
Pour les experts du Comité de compétitivité, la relance passe par :
- une réforme du cadre fiscal,
- un meilleur accompagnement industriel,
- une réorganisation de la commande publique,
- et une offensive nationale contre les circuits illicites.
Des arbitrages clés à un moment où la souveraineté sanitaire n’est plus une option, mais une nécessité.
Cameroon’s Pharmaceutical Industry: Huge Potential, Yet Critically Underused
A new report from the Competitiveness Committee under the Ministry of Economy highlights a stark reality: local manufacturers supply only 5% of Cameroon’s pharmaceutical market, while imports cover an overwhelming 95% of demand.
These imports have surged from 69.5 billion CFA francs in 2010 to 170 billion CFA francs in 2024, significantly straining the country’s foreign reserves.
Local producers cite high production costs, aged equipment, competition from illicit markets, and a burdensome tax system as key obstacles.
Despite nearly 50 billion CFA francs invested, factories operate at 20% capacity and generate only 8 billion CFA francs in a market valued between 125 and 200 billion. A glaring mismatch that exposes a massive untapped potential.
Counterfeit and Smuggled Medicines: A 33-Billion-CFA Crisis
Between 2020 and 2024, Cameroon seized 8.6 billion CFA francs worth of counterfeit medicines. Authorities have intensified surveillance at borders and online, but the underground market continues to thrive.
The health implications are dramatic.
According to UNODC (2023), falsified or substandard medicines cause about 500,000 deaths annually in sub-Saharan Africa. In Cameroon, estimates suggest 20–25% of medicines in circulation are counterfeit.
Health Minister Manaouda Malachie has repeatedly urged the National Order of Pharmacists to take stronger action to restore public trust in medicines and curb the phenomenon.
Public Procurement: A Critical Lifeline for Local Industry
To counter both legal imports and illicit competition, the Association of Pharmaceutical Industries advocates greater inclusion of local manufacturers in public procurement.
Its president, Loe Gisèle Etame, suggests restructuring the national generic supply system (Syname) so that Cename reserves part of its tenders for domestic producers based on their capacity.
However, persistent delays in payment by Cename threaten the viability of this approach. Without more reliable cash flow for suppliers, public procurement will remain an ineffective tool for strengthening local production.
A Strategic Sector in Urgent Need of Reform
Cameroon’s pharmaceutical industry stands at a crossroads. It needs:
- a reformed and more supportive tax framework,
- industrial modernization,
- stronger border surveillance,
- and a procurement system that genuinely empowers local producers.
At stake is not just economic competitiveness, but the country’s health security and sovereignty.
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Mouahna Divine