Cameroun - Economie. Fiscalité internationale : le Cameroun s’ouvre au règlement amiable des différends, entre sécurité juridique et incertitudes structurelles
La Direction Générale des Impôts (DGI) du Cameroun vient de franchir un pas décisif dans la modernisation de son cadre fiscal international.
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À travers la circulaire n°033/MINFI/DGI/DLRFI/CRF1 du 22 octobre 2025, l’administration institue une procédure amiable de règlement des différends (MAP) issus de l’application des conventions fiscales bilatérales.
Un tournant attendu, censé renforcer la sécurité juridique des investisseurs et prévenir les litiges liés à la double imposition — mais qui, à l’épreuve des standards internationaux, demeure encore perfectible.
Un cadre national pour apaiser les différends tirés des conventions bilatérales
Le texte ouvre une voie de recours aux résidents fiscaux, personnes physiques ou morales, s’estimant victimes d’une imposition « non conforme » à une convention fiscale.
Ils disposent désormais d’un délai de trois ans à compter de la notification de la mesure litigieuse pour saisir la DGI.
La circulaire couvre un large spectre d’impôts : impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu, taxe minimum, contributions liées au logement, ainsi que les rémunérations issues d’assistance technique ou financière.
Elle s’applique également aux litiges relatifs à la résidence fiscale, à la requalification des revenus, aux prix de transfert ou à l’attribution des bénéfices entre entreprises liées.
Une fois la demande déposée, la DGI doit accuser réception sous 30 jours et instruire son admissibilité. Trois issues sont alors possibles :
- une intervention unilatérale de l’État ;
- une consultation bilatérale avec le pays partenaire ;
- ou la constitution d’une commission mixte.
Objectif indicatif : 24 mois pour parvenir à une solution. Cependant, cette procédure ne suspend ni les contrôles fiscaux ni les recouvrements internes, et reste distincte des recours judiciaires.
Un mécanisme conforme aux standards OCDE… mais sans arbitrage contraignant
La démarche camerounaise s’inspire de l’article 25 du modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui régit les procédures amiables (MAP).
Selon les données OCDE 2024, la durée moyenne mondiale de traitement d’un dossier MAP est de 27,4 mois, avec un taux de résolution complète de 76 %.
Mais le revers du modèle, que reproduit la DGI, est l’absence d’arbitrage obligatoire.
La procédure demeure une obligation de moyens, non de résultat : l’administration peut négocier, sans être tenue d’aboutir à un accord.
Le contribuable reste donc exposé à une certaine incertitude juridique, surtout dans un contexte où les capacités de négociation varient fortement entre États.
Un équilibre fragile dans le contexte d’une gouvernance fiscale mondiale en mutation
La circulaire camerounaise voit le jour alors que se tiennent à Nairobi les négociations sur la future Convention-cadre des Nations Unies sur la coopération fiscale internationale, incluant un protocole sur la prévention et le règlement des différends.
Les acteurs de la société civile plaident pour un modèle véritablement multilatéral, transparent et équitable, capable de corriger les asymétries entre pays développés et pays en développement.
Or, la multiplication d’approches bilatérales inspirées de l’OCDE risque de renforcer un système fiscal mondial à deux vitesses.
Pour le Cameroun, ce nouveau dispositif représente donc un pas en avant vers la sécurité juridique, mais aussi un test de souveraineté fiscale à l’heure des rééquilibrages globaux.
Une avancée administrative majeure pour les contribuables camerounais, mais un mécanisme encore fragile, suspendu entre volonté de modernisation et contraintes diplomatiques.
Cameroon introduces an amicable tax dispute procedure — a step toward legal certainty, amid global fiscal power imbalances
Cameroon’s General Directorate of Taxes (DGI) has unveiled Circular No. 033/MINFI/DGI/DLRFI/CRF1 of October 22, 2025, creating an amicable procedure for resolving tax disputes arising from bilateral tax treaties.
The move aims to strengthen legal certainty for investors and avoid double taxation conflicts — yet remains fragile in light of international standards.
The mechanism allows residents and companies to contest any taxation they consider “non-compliant” with a bilateral tax agreement, within three years of notification.
It applies to corporate income tax, personal income tax, minimum tax, housing-related contributions, and payments for technical or financial assistance.
Three possible outcomes exist: unilateral intervention, bilateral consultation, or a joint commission — ideally within 24 months. However, the procedure does not suspend domestic audits or tax recoveries and offers no binding arbitration, making it a mere obligation of means.
The initiative aligns with OECD Article 25 standards, yet without the guarantee of outcome. As the United Nations debates a global tax cooperation framework in Nairobi, Cameroon’s move reflects both progress and vulnerability — signaling ambition, but also dependence on asymmetric international dynamics.
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Didier Cebas K.
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