Afrique. Alain Foka et AFO Media: Une lueur d'espoir pour l'Afrique francophone, mais quel doit être le vrai combat ?
Le lancement d’AFO Média, la chaîne de télévision panafricaine d’Alain Foka, est un événement à saluer avec enthousiasme et espoir.
Depuis des décennies, ce journaliste hors pair a su, par son engagement, sa rigueur intellectuelle et sa maîtrise des enjeux africains, éveiller des consciences à travers son travail sur Radio France Internationale.
Ses émissions emblématiques comme "Archives d’Afrique" ont contribué à réhabiliter l’histoire de figures africaines longtemps méconnues, si ce n’est mal comprises, et ont ouvert des débats nécessaires sur la mémoire et l’identité du continent.
Avec cette nouvelle plateforme, AFO Média, Alain Foka semble vouloir aller plus loin dans la réappropriation des récits africains, en se positionnant comme un média résolument pro-africain, prêt à dénoncer les forces impérialistes qui continuent de peser sur le développement du continent, qu’elles viennent de l’Occident ou de l’Orient. Ce projet, en apparence ambitieux et courageux, mérite des félicitations. Mais alors que l’Afrique francophone, et plus particulièrement le Cameroun, traverse des crises politiques et sociales majeures, il est essentiel de se demander quel devrait être le vrai combat pour un média tel que AFO Média, à ce moment précis de notre histoire.
𝐔𝐧 𝐜𝐨𝐦𝐛𝐚𝐭 𝐧𝐞́𝐜𝐞𝐬𝐬𝐚𝐢𝐫𝐞, 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐬𝐞𝐜𝐨𝐧𝐝𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐚𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐝’𝐡𝐮𝐢
La critique de l’impérialisme occidental, qu’il soit économique, culturel ou monétaire, est un combat légitime. Depuis des décennies, l’Afrique francophone souffre de relations économiques inéquitables, symbolisées entre autres par le maintien du Franc CFA, une monnaie perçue comme un outil de domination néocoloniale. Des voix, parmi lesquelles celle d’Alain Foka, se sont élevées pour dénoncer cette dépendance monétaire et plaider pour la souveraineté économique des États africains. Ce combat est noble et important, mais il ne constitue pas aujourd'hui l’urgence la plus pressante pour les pays d’Afrique francophone.
Le Franc CFA et la présence de puissances étrangères sur le sol africain ne sont que des manifestations d’un mal plus profond. Le véritable problème auquel l’Afrique francophone fait face réside dans la faiblesse de ses institutions et la complicité de ses élites dirigeantes. Depuis environ trois décennies, les discussions autour de la sortie du FCFA se multiplient, mais aucun dirigeant n’a encore pris la décision courageuse de rompre avec ce système monétaire. Pourquoi ? Parce que ceux qui dirigent nos États sont bien souvent les chevaux de Troie de ceux-là mêmes qu’ils prétendent combattre. Ils profitent du statu quo, maintiennent leur peuple sous contrôle et n’ont aucun intérêt à remettre en question un système qui les enrichit et les maintient au pouvoir.
𝐋'𝐮𝐫𝐠𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐝𝐞́𝐦𝐨𝐜𝐫𝐚𝐭𝐢𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐢𝐭𝐮𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐟𝐨𝐫𝐭𝐞𝐬
Ce dont l'Afrique francophone a besoin aujourd'hui, ce n'est pas seulement de sortir du FCFA, mais surtout de bâtir des institutions fortes et de se doter de dirigeants patriotes et visionnaires. Des dirigeants capables de prendre des décisions courageuses, non pas pour eux-mêmes ou pour plaire à des puissances extérieures, mais pour l'intérêt de leurs peuples. Sans institutions démocratiques robustes et sans une classe dirigeante prête à se sacrifier pour l'avenir de son pays, les luttes idéologiques contre l’impérialisme resteront vaines.
Il est devenu clair que les régimes en place, qu’ils soient en Afrique de l’Ouest ou en Afrique centrale, ne sont plus au service de leurs populations. Ils se sont accommodés des structures néocoloniales et continuent de jouir des privilèges qu’elles leur offrent. Ces dirigeants, accrochés au pouvoir depuis des décennies, bloquent toute avancée vers une véritable émancipation africaine. Comment un pays pourrait-il se libérer du joug impérialiste si ceux qui le dirigent sont eux-mêmes complices de cet ordre établi ?
La situation au Cameroun est un parfait exemple de ce blocage. Avec 42 ans au pouvoir, Paul Biya incarne l’un des derniers vestiges des régimes autoritaires africains. Sous sa présidence, le Cameroun a plongé dans des crises sociales et politiques profondes, notamment la guerre dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NoSo), la corruption généralisée, et les fraudes électorales répétées qui maintiennent le pays dans une stagnation inquiétante. À l’approche de l'élection présidentielle de 2025, il est crucial que les médias, comme AFO Média, se positionnent clairement pour la démocratisation et dénoncent ouvertement les dérives dictatoriales et les abus de pouvoir.
𝐋𝐚 𝐫𝐞𝐬𝐩𝐨𝐧𝐬𝐚𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐝𝐞𝐬 𝐦𝐞́𝐝𝐢𝐚𝐬 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞 𝐜𝐨𝐦𝐛𝐚𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐚 𝐝𝐞́𝐦𝐨𝐜𝐫𝐚𝐭𝐢𝐞
Alain Foka a eu raison de souligner que la neutralité des médias est un leurre. Aucun média ne peut prétendre à une totale objectivité ; il reflète toujours une certaine vision du monde. Mais si les médias africains doivent choisir un camp, qu’ils le fassent pour défendre les intérêts de leurs peuples. AFO Média doit devenir une voix puissante pour la liberté, la démocratie, et la transparence dans des pays où ces valeurs sont continuellement bafouées.
L'année 2025 sera une année charnière pour le Cameroun et pour l'Afrique francophone. C'est une occasion historique pour que des médias comme AFO Média prennent position en faveur d’une véritable alternance politique. Ce média doit non seulement dénoncer les fraudes électorales, mais aussi soutenir activement les initiatives politiques et sociales qui visent à libérer démocratiquement les peuples d'Afrique francophone des régimes autoritaires qui les oppressent.
𝐋𝐞 𝐯𝐞́𝐫𝐢𝐭𝐚𝐛𝐥𝐞 𝐜𝐨𝐦𝐛𝐚𝐭 : 𝐑𝐞𝐧𝐯𝐞𝐫𝐬𝐞𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐢𝐦𝐩𝐨𝐬𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬.
Si Alain Foka, à travers AFO Média, veut réellement contribuer à la libération de l'Afrique francophone, il doit concentrer son énergie sur l’urgence première : renverser ces régimes autoritaires qui se sont installés comme des monarchies et qui privent leurs peuples de l’opportunité de se gouverner eux-mêmes. Le Cameroun, comme de nombreux autres pays africains, ne peut espérer se libérer des chaînes de l’impérialisme occidental ou oriental tant qu’il est dirigé par des imposteurs, des dirigeants qui ont transformé les palais présidentiels en royaumes personnels, se perpétuant au pouvoir grâce à des mécanismes de répression et de manipulation électorale.
L'Occident, comme l'Orient, n'aura plus rien à craindre d'un peuple qui passe son temps à critiquer les puissances extérieures, mais qui laisse ses dirigeants voler les richesses nationales et museler toute opposition. Ce dont ils ont véritablement peur, c'est d’un peuple déterminé à élire des dirigeants patriotes qui ne plient pas sous les pressions étrangères et qui gouvernent dans l’intérêt de leurs citoyens. C’est contre ces régimes corrompus et autoritaristes que le combat doit d’abord être mené.
Kand Owalski