Cameroun - Education. quand Bernard OuandJi Prédisait, dePuis 2015, le retOur à l’aJustement struCturel: « au rythme où la nouvelle dette s’accumule, le Cameroun s’achemine tout droit vers un nouveau plan d’austérité dicté par le Fmi »

Sans Détour Mardi le 04 Juillet 2017 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Dans une étude qu’il avait présentée lors d’une réunion des cadres de son parti l’Upc en mars 2015, et que nous avions publiée comme une tribune libre dans notre édition N° 193 du 23 janvier 2017, l’économisteprévisionniste tirait la sonnette d’alarme, sur le retour au plan d’ajustement structurel dicté par le Fmi. Plus de 2 ans après, comme bon nombre de ses prévisions, le Cameroun vient de signer un nouvel accord triennal avec l’institution de Brettons Wood, avec des sévères conséquences attendues sur le front social. Nous publions de nouveau in extenso cette libre antenne afin de permettre aux lecteurs de comprendre les raisons de ce retour au Fmi, mais aussi, afin de permettre aux décideurs de réajuster si nécessaire la politique économique de l’Etat.

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Doté d’atouts naturels considérables, le Cameroun est un pays à fort potentiel agricole et dispose d’un tissu industriel diversifié. Le revenu par habitant, mesuré par le Pib per capita, connaît une croissance annuelle soutenue de 3% à 4% depuis une décennie et s’établit à 1 200 dollars américains en 2013. Ce taux de croissance demeure en dessous du minimum de 7% par an nécessaire pour juguler la pauvreté, compte tenu du croît naturel de la population. Le Pib du Cameroun se chiffre à 27 milliards dollars américains en 2013. Une offre erratique d’électricité est cause de multiples pertes de production dans le secteur industriel et manufacturier. Le mauvais état des routes est également un handicap sérieux au développement des bassins agricoles.

Le Cameroun dispose d’une économie assez diversifiée. Avec un pompage de 80 000 barils par jour, il demeure un très modeste producteur de pétrole brut. Même à ce modeste niveau, le pétrole a un impact considérable sur les comptes. Durant les bonnes années, le pétrole a contribué 1,4 milliards de dollars au budget de l’Etat, soit 1/4 des recettes, et a représenté la moitié de la valeur des exportations.

A lui seul, le pétrole redresse un budget de l’Etat et une balance commerciale autrement déficitaires. 2015 sera donc une année très difficile sur le plan financier, en raison de la chute des cours du brut.

Les soldes constamment négatifs des comptes extérieurs sont objet de préoccupation. Le déficit de la balance commerciale se creuse, avec une nette progression des importations de produits alimentaires et avec l’importation des inputs liés aux grands chantiers de travaux publics. Il en résulte un compte courant extérieur dont le solde est constant mais négatif depuis 2011, - 4%. Ce déficit semble s’installer durablement.

L’admission du Cameroun au rang des Ppte en 2007, a eu pour effet la réduction très substantielle de sa dette publique extérieure. Ainsi, le ratio dette extérieure sur Pib est tombé de 170% du Pib en 2002 à 10% du Pib en 2010. Une fois le fardeau de la dette allégé, et libéré de ses conditionnalités imposées par le Fmi, le gouvernement s’est senti libre de formuler sa propre vision de développement et un cadre d’actions pour faire du Cameroun un pays émergent en 2035.

Le gouvernement a lancé en 2009 son Document de stratégie pour la croissance et l’emploi, censé résoudre les problèmes d’eau, d’énergie et démarrer des projets d’envergure.

Selon les chantiers constatés pour le moment, le Dsce apparaît comme un programme d’expansion des infrastructures énergétiques et portuaires en vue de favoriser les industries extractives et les mines. Malheureusement, ses objectifs et projets ont été arrêtés sur une base de propagande politique, et avec un excès d’enthousiasme, sans procéder à un calcul économique sérieux en fonction des données du marché international et des exigences du marché intérieur.

Il était prévu d’augmenter considérablement la production hydro-électrique afin de construire une nouvelle fonderie d’aluminium de 400 000 tonnes. Projet plus qu’ambitieux. En comparaison, il a fallu 50 ans pour porter à 100 000 tonnes la production de la fonderie existante, Alucam. Il était prévu de construire une ligne de chemin de fer de 800 kilomètres pour accéder au gisement de bauxite du Nord censé alimenter cette fonderie géante. Rien n’a été réalisé. Il en est de même du projet d’extraction de minerai de fer dans le Sud à évacuer par une ligne de chemin de fer de 600 kilomètres jusqu’à la côte. Rien n’a été réalisé. Au contraire, dans les deux projets, les partenaires se sont retirés. La construction du port en eau profonde de Kribi a été réalisée par la Chine entre 2011 et 2014. Mais ce port n’a aucun débouché, en l’absence de la bauxite et du fer susévoqués. Sur le tard, le Dsce a raté son objectif d’être un outil consensuel pour propulser l’ensemble du pays lorsqu’on s’est aperçu que tous les projets en cours de réalisation étaient localisés dans les régions du Sud, du Centre et de l’Est.

Toutes trois sont les aires géographiques des attaches familiales du chef de l’Etat. En session plénière du Parlement en décembre 2014, un député de la région de l’Extrême-nord, celle touchée par la sécheresse, les inondations et aujourd’hui ciblée par les terroristes, a déclaré que les retombées du Dsce n’arrivent pas dans sa contrée alors que sous un autre angle, le chef de l’Etat y puise la majorité de ses voix lors des élections. En sourdine, le public a compris que le fait d’avoir délaissé un allié électoral aussi important a fait le lit des rebelles ou terroristes, au choix. Dès lors, les jeunes de l’Extrêmenord, soit regagnent les rangs, soit émigrent vers le Sud, dans la seule ville de Yaoundé - la capitale. Près de 100 000 jeunes seraient arrivés en 3 ans.

Deux causes principales peuvent expliquer l’échec des projets miniers et du Dsce. La chute des cours des minerais observée depuis peu, a définitivement relégué l’exploitation de la bauxite, du fer, du cobalt aux calendes grecques. Secundo, ce fut une erreur de faire appel à des partenaires pour explorer ces gisements connus de tous avant l’indépendance. Car, ces nouveaux venus étaient mus par une politique mercantiliste dont la perspective de cours élevés avait aiguisé les appétits, pas pour longtemps. L’option de développement par les mines n’est pas une réponse appropriée aux multiples défis relevés plus haut.

Finances publiques

Par manque d’une véritable stratégie de ré-endettement, le gouvernement n’a pas su profiter de la réduction de la dette pour équiper le pays et s’est plutôt engouffré dans de multiples engagements qui sont pris au coup par coup ; l’on observe la grande propension à s’endetter à court terme auprès de banques commerciales locales et internationales. La programmation des dépenses publiques obéit maintenant à une multitude de plans dont on ne sait pas s’ils se superposent, se complètent ou s’annulent. Le gouvernement a ainsi lancé un Plan d’urgence évalué à 925 milliards Fcfa, dès le lendemain de l’adoption du Budget 2015 par l’Assemblée nationale, et cherche son financement par le biais d’emprunts internationaux.

Le gouvernement éprouve de sérieuses difficultés à réaliser les projets inscrits dans le budget d’investissement public ; dans certaines régions le taux de réalisation atteint à peine 30%. De l’aveu du président lui-même, cette faible performance est expliquée par le manque de coordination entre services administratifs et la lourdeur des procédures de passation des marchés.

En réalité, l’administration se caractérise par une forte concentration au niveau national ou régional, et c’est la voilà la source des lenteurs.

Les besoins de financements liés à la réalisation des grands projets d’infrastructures ajoutent une charge supplémentaire à un trésor public qui peine à trouver son équilibre de base, malgré l’annulation de la dette extérieure. Simultanément, la dette intérieure a continué de s’accumuler, sans qu’une solution ne soit trouvée en vue son apurement. En effet, c’est dès 2011 qu’est apparu un solde négatif des opérations financières du Trésor public, avec un déficit primaire de 4% du Pib. Ce qui a amené le gouvernement à émettre des bons du trésor périodiquement pour se financer.

Le déficit budgétaire atteindra 7% du Pib en 2015. Afin de combler ce déficit de trésorerie, le président de la République a fixé à 900 milliards Fcfa le plafond des bons du trésor à émettre en 2015. Or, à ce niveau, le risque est grand de déborder les ratios prudentiels des banques.

Les dépenses de l’Etat continuent de galoper et même la chute des cours du pétrole brut n’a pas obligé le gouvernement à se réajuster. Le budget 2015 prévoit un déficit de 7% du Pib. Etant donné que le cadre de convergence macro-économique limite à 3% le déficit budgétaire tolérable, le Cameroun se retrouvera cette année hors normes au niveau de la Banque centrale des pays de la Communauté de la sous-région.

Vers un nouveau plan ou cadre de souveraineté économique Les conditions objectives à la souveraineté économique sont connues depuis les années 1960.

D’un plan quinquennal à l’autre, les projets destinées à réduire les importations, à valoriser le potentiel humain et agricole du pays avaient vu le jour : Camair, Camship, Camsuco, Cellucam, Société des Tabacs de l’Est, Zapi, Sodenkam, Tannerie de Ngaoundéré, etc. Les projets fermés ont été imputé au passif du régime précédent, mais le nouveau régime n’a pas fait preuve de perspicacité pour formuler de nouveaux projets. En 33 ans, la demande de transports internationaux a été multipliée par 8, la demande de sucre a été multipliée par 14, celle de papiers d’emballage et d’écriture a été multipliée par 11, la quantité de peaux disponibles pour tannerie a été multipliée par 3.

L’ancien régime avait initié un certain nombre de projets dans le but proclamé d’affirmer la souveraineté ; éviter ainsi d’être accusé de suppôt du néo-colonialisme. Tour à tour, l’Etat entrera dans le capital de sociétés stratégiques coloniales : Brasseries, Sodecoton, Safacam Sic- Cacao, et prendra le contrôle de Cdc, Hevecam, Socapalm, Sonel, Snec, Regifercam, Ocb - banane de Penja, etc. De nos jours, toutes ces sociétés ont été remises à leurs anciens maîtres, souvent via des prête-noms.

L’ancien régime avait également initié un certain nombre de projets dans le but de s’assurer une autosuffisance par rapport à des denrées et services stratégiques : Sonara, Semry, Camsuco, Camair, Camship, etc. De nos jours, Semry végète.

Sonara survit pour siphonner les ressources nationales au profit du parti au pouvoir et ses réseaux. Le cas de Camair qui végète avec deux avions, mérite attention. En 1982, Camair avait une flotte de 4 avions à réaction, Ethiopian Airlines aucun. En 2014, Ethiopian possède 30 avions à réaction.

Les contraintes à la souveraineté économique viendront de l’intérieur comme de l’extérieur.

Le gouvernement s’est finalement résigné à signer l’Accord de partenariat avec l’Union européenne à la mi 2014, après moult tergiversations et controverses. Mais aussitôt, a multiplié les Accords de partenariat à portée limitée avec d’autres pays. Par exemple pour construire des centres commerciaux de luxe qui, à la fin, serviront à importer les biens de consommation. Estce là la meilleure manière de ne pas s’enfermer dans un pacte avec les anciens colonisateurs ?

L’aggravation des disparités régionales représente un risque à la formulation de plans de développement et d’affirmation de la souveraineté; les régions plus défavorisées se trouvant être les régions de l’Extrême- nord et de l’Est et offrent un lit aux menaces armées observés depuis 10 ans. La partie septentrionale du pays attire l’attention sur le plan humanitaire et sécuritaire, et représente un sérieux risque à la cohésion nationale. Depuis quelques années, les inondations récurrentes affectent négativement les modes de vie dans le voisinage du lac Tchad, quand ce n’est pas la sécheresse.

Toute la partie septentrionale vit sous le coup de l’insécurité depuis plus d’une décennie, initialement sous la forme des coupeurs de route, et récemment sous les assauts de Boko Haram.

En somme, le plus grand risque pour la souveraineté économique est à trouver dans l’endettement du gouvernement. Au rythme où la nouvelle dette s’accumule, le Cameroun s’achemine tout droit vers un nouveau plan d’austérité dicté par le Fmi. Pour combler son déficit, le gouvernement mise sur un endettement sous forme de bons du trésor à hauteur de 900 milliards Fcfa. De plus, il est prévu une émission d’eurobonds à hauteur de 1,5 milliards américains, afin de financer le Plan d’urgence. C’est la toute première fois que le Cameroun envisage une émission internationale de titres mais le moment choisi est des plus périlleux, dans un contexte de baisse des recettes consécutive à la chute des cours du pétrole. Si le Gouvernement avait la maîtrise de la monnaie, nul doute que la planche à billets serait en train de fonctionner à pleine vapeur. Quant on contemple la qualité des dépenses publiques, très mauvaise, l’absence d’une monnaie nationale n’est plus une contrainte mais un garde-fou.

Bernard OUANDjI

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