Cameroun - Mines. Voyage au cœur d’une catastrophe géologique dans les mines de l'Est

cameroun24.net Mercredi le 04 Septembre 2019 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Des graves violations des règles environnementales qui engendrent les décès, la destruction de la flore et de la faune, la dévastation des vastes étendues de terres et les fleuves, ont amené le ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, Dodo Ndoke, à annoncer la fin de l’impunité à travers l’application froide de la loi lit-on dans les colonnes du quotidien Mutations.

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Que ce soit à Garoua-Boulaï, Bétaré-Oya, Ngouradans le département du Lom-et-Djerem, Ouli, Kétté et Batouri dans la Kadey où le ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologie (Minmidt), Gabriel Dodo Ndoke, s’est rendu du 20 au 23 août, la destruction de l’environnement a été constatée comme l’une des conséquences les plus criardes de l’exploitation anarchique et sauvage des produits du sous-sol dans la région de l’Est. Au niveau du chantier « Popom » appartenant à Jérôme Mining à Ouli, la situation est tout simplement catastrophique. Sur le site jeudi 22 août, vers 11 heures, le propriétaire du chantier est introuvable. L’on peut constater la présence de quelques riverains venus récupérer de l’or dans des trous abandonnés. En plus, l’on peut percevoir des montagnes de sable issu du lit du fleuve Kadey qui a été dévié et exploité sur plusieurs kilomètres. « C’est très grave. C’est une catastrophe écologique ici », observe un membre de la délégation.

Dans la foulée, le maire de la commune d’Ouli, Lévy Abah, s’inquiète du fait que ses populations ne pourront plus jamais consommer le poisson provenant du fleuve Kadey et n’auront plus jamais d’eau à boire du fleuve Kadey déjà pollué alors que l’exploitation dévastatrice en question n’apporte rien à sa commune. Au niveau de Kambélé 3 à Batouri, le chef du village, Baba Bell, explique que « nous sommes victimes de l’exploitation à travers des titres fictifs qui ne tiennent pas compte de l’intérêt des riverains depuis 1952 ». En effet, selon un rapport  de mission d’inspection environnementale de 2016 de la délégation régionale  de l’Environnement, et de la Protection de la nature et du Développement durable de l’Est dont copie est parvenue à notre rédaction, «aucune règle environnementale n’a été respectée dans tous les sites miniers à Bétaré-Oya,  Ngoura et Colomine dans le département du Lom-et-Djerem ou à Batouri, Kambélé, Kétté et Ouli dans la Kadey », principales zones d’exploitation minière à l’Est.

Selon l’un des inspecteurs d’environnement « on ne peut jamais parler d’un investissement dans le secteur des mines dans ces localités sur le plan environnemental ». Pour lui, la cause de cette anarchie provient du fait que les Camerounais, détenteurs des autorisations d’exploitation artisanale de l’or qui bardent leurs titres d’exploitation aux ressortissants Chinois sont de la haute administration : les députés et des hautes autorités militaires. Ces derniers se croient au-dessus de la loi. Par ailleurs, au mois de mars 2017, six opérateurs économiques miniers d’origines camerounaise et chinoise ont été inculpés pour « exploitation illégale » et « violation des règles de sécurité, d’hygiène et de protection de l’environnement » par le parquet du Tribunal de première instance de Bertoua et écroués à la prison centrale.

Dans la même lancée, lors  de la clôture du projet Mines-environnement-santé et société (Promess) en décembre 2018, Justin Kamga, chargé des programmes à l’Ong Foder avait décrié les problèmes qui persistent dans le secteur minier. Il s’agit entre autres des « difficultés d’accès aux informations minières, l’absence de transparence, la non-rétrocession des redevances aux collectivités territoriales décentralisées et aux communautés comme appui au développement, le non-respect des droits des communautés riverains, l’absence d’un contrôle environnemental des activités minières par les services de l’Etat, la fraude et la corruption généralisées, l’attribution désinvolte de titres miniers et la recrudescence des décès dans les trous non réhabilités après exploitation ».

Insécurité

Dans ce contexte, c’est avec des larmes aux yeux que sa Majesté Justin Bello, chef du Canton Gbaya-Banginda qui a servi de guide pendant notre enquête à Ngoura a présenté des images et vidéos des neuf personnes mortes dans la nuit du 29 au 30 décembre 2017, suite à un éboulement de terrain survenu dans l’un des chantiers du campement Caillé. Les corps des victimes avaient été retrouvés et extraits le 02 janvier 2018. Les premiers éléments de l’enquête ouverte indiquaient que cet incident produit au village Ngongoué était consécutif à la non-restauration des trous d’or abandonnés après exploitation. « Ce sont ces chinois qui refusent de restaurer les sites. Ils ont abandonné des trous un peu partout. On a déjà enterré plus de 40 personnes mortes dans ces trous dans le Canton », déplore le Chef. D’après Justin Landry Chekoua, chef du projet Promessqui s’exprimait dans un mini-documentaire réalisé par le Foder après une série de décès en 2017, « les principales causes de décès dans les sites miniers de l’Est sont constituées de noyade (56%), éboulements de terre (26%) et braquage à main armée (11%).

Détermination

C’est sur un ton ferme que le ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique a  demandé au commandant de la compagnie de gendarmerie de la Kadey le 23 août d’apposer des scellés sur le chantier « Popom » à Ouli avec tout le matériel après avoir constaté les dégâts causés par les exploitants véreux. « Que cette exploitation soit fermée avec tout le matériel jusqu’à ce que lumière soit faite », a déclaré Gabriel Dodo Ndoke. Dans tous les sites d’exploitation qu’il a visités, Dodo Ndoke a déclaré que « force reviendra à la loi, le ministère des Mines prendra ses responsabilités pour que les sites soient restaurés ». En effet, selon la loi cadre du 5 août 1996 relative à la gestion de l’environnement, « toute activité économique est précédée par une étude d’impact environnemental ». La même loi précise qu’une somme d’un million de Fcfa doit être déposée dans un compte séquestre avant la délivrance de toute autorisation. Cette somme sera utilisée pour restaurer l’environnement après exploitation.

Malheureusement, dans les zones d’exploitation, une confusion règne dans les esprits dans la mesure où certains exploitants affirment que cette somme est régulièrement versée par les Chinois et autres exploitants alors qu’au niveau des délégations départementales de l’Environnement à Bertoua où à Batouri, c’est un autre son de cloche. Ici, l’on réfute catégoriquement cette affirmation en justifiant que « l’on ignore les mouvements d’installation et départ des Chinois à Ngoura, Bétaré-Oya, Kambélé où à Kétté ». Conséquences, dans plusieurs sites visités et déjà exploités, aucune prescription environnementale n’a été respectée. « Regardez comment ils ont tout enlevé et dévasté nos terres. Ils sont tous partis sans fermer les trous. Vraiment c’est malheureux », regrette Sa Majesté Justin Bello.Même décor de désagréments à Colomine, localité située à 30 kilomètres de Ngoura. « Ils détruisent les arbres et prétendent que ce sont les propriétaires des titres d’exploitation qui doivent les fermer. Ils sont actuellement en train de dévier le lit du fleuve Kadey », affirme à son tour Symphorien Haïto, Chef de troisième degré de Colomine. La conséquence immédiate de cette situation, c’est la destruction de la flore et la faune, de la vie aquatique, la dévastation des vastes étendues de terres et la pollution du fleuve Kadey, principal cour d’eau dans la zone en question. Des maux que le nouveau ministre des Mines est déterminé à éradiquer en utilisant la force de la loi.
 

Une enquête de Sébastian Chi Elvido

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