Crise Anglophone. A Bamenda ... on vit dans la peur

cameroun24.net Mardi le 20 Novembre 2018 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Cette ville autrefois paisible et animée du Cameroun est devenue un champ de bataille entre les forces gouvernementales et les rebelles qui réclament un État indépendant dans les régions anglophone de cette nation d'Afrique centrale. Un reportage de Peter Tah pour BBC

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Plus de la moitié de la population de la ville, qui compte environ 400.000 habitants, a fui au cours des derniers mois, soit vers des quartiers plus sûrs, soit vers des villes francophones non touchées par le conflit.

Les protestations contre l'usage croissant du français dans les tribunaux et les écoles des régions anglophones du Cameroun (régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest), ont dégénéré en violence en 2017.

La répression des forces de sécurité a conduit certains civils anglophones à prendre les armes contre le gouvernement, dirigé par le président Paul Biya.
 

"Tué pour avoir fumé de la marijuana"

Aujourd'hui, le bruit des coups de feu est devenu familier, même aux enfants de deux ans, tout comme la vue de cadavres abandonnés dans les rues de Bamenda, la ville qui compte la plus grande population anglophone du Cameroun.


L'image de quatre garçons tués par balle par des troupes à 200 mètres de chez moi est restée gravée dans ma mémoire.

Il s'agissait de garçons ordinaires de mon quartier qui, malheureusement, ont été pris en train de fumer de la marijuana, une activité que les forces de sécurité associent aux combattants séparatistes.


Beaucoup d'enlèvements

Les forces de sécurité se méfient également des adolescents avec des dreadlocks ou de ceux qui semblent négligés.

On suppose qu'ils sont venus en ville après avoir reçu une formation militaire dans la brousse.

Même les hommes costauds comme moi éveillent les soupçons - la logique des forces de sécurité est que si vous êtes bien bâti, les chances que vous soyez un combattant sont plus grandes.

Et beaucoup de parents supplient leurs fils adolescents d'arrêter de porter des bandanas rouges ou une combinaison de vêtements rouges et noirs parce que les forces de sécurité pourraient les prendre pour des combattants séparatistes. Les couleurs sont associées aux rebelles.

Des groupes armés ont poussé à Bamenda et dans les villes voisines.

Certains d'entre eux sont des combattants séparatistes, tandis que d'autres sont des bandes criminelles qui ont exploité l'instabilité.

On ne sait pas toujours qui est derrière les attaques, mais il y a beaucoup d'enlèvements d'écoliers, de politiciens et d'autres personnalités de premier plan qui, dans la plupart des cas, sont libérés après qu'une rançon a été versée.
Les élèves se faufilent dans les écoles

80 élèves, leur directeur et un enseignant ont été libérés après avoir été enlevés dans leur école, il y a environ une semaine.

Les combattants séparatistes ont nié leur implication, mais le gouvernement les a blâmés pour cet enlèvement.

Des dizaines de milliers d'enfants ont été envoyés par leurs parents dans des écoles situées dans des villes plus sûres.

Les séparatistes ont ordonné la fermeture de toutes les écoles jusqu'à ce que le gouvernement accepte d'organiser un référendum sur l'auto-détermination des régions à majorité anglophone.

Quelques écoles sont restées ouvertes, mais la fréquentation a fortement chuté.

Dans les écoles, où il y avait environ 8 000 élèves, il y en a aujourd'hui 700.
Le Cameroun en crise

Les quelques enfants courageux qui vont encore à l'école le font de façon déguisée.

Ils ne portent pas d'uniforme et se promènent sur les routes comme s'ils allaient au marché avant de se faufiler dans les salles de classe.

Le mois dernier, un missionnaire américain et un professeur d'université ont également été tués en l'espace de trois jours à Bamenda.

La morgue principale est souvent pleine, la plupart du temps avec des cadavres de civils pris dans les combats entre séparatistes et militaires.

Aucun quartier n'est sûr et je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai rendu visite à mes amis.

C'est comme si nous étions en cage.

Parfois, nous sommes obligés de rester à la maison pendant des jours à cause des batailles dans les rues.

Le Cameroun toujours divisé, selon les lignes coloniales

Nous sommes tout le temps sur les nerfs.

Je me souviens d'être rentré du gymnase vers 17 h 45 un jour. Les gens couraient à toute allure. J'étais perplexe.

"Il y a probablement une fusillade qui m'attend", pensai-je en avançant prudemment vers la source de la perturbation.

L'agitation s'est accrue à mesure que j'approchais de Nkwen Market, un point chaud de Bamenda.

Il y avait un énorme embouteillage et je pouvais voir des gens qui fuyaient frénétiquement les rues.

Je savais que je prenais un risque, mais je n'avais pas d'autre choix que de passer par le marché pour rentrer chez moi.

J'ai appris plus tard que le gouverneur régional avait changé l'heure du couvre-feu. Ce n'était plus de 21 h à 5 h, mais de 18 h à 6 h.

Il n'y avait pas d'avertissement préalable, alors les gens se précipitaient pour rentrer chez eux, craignant d'être abattus par les forces de sécurité s'ils étaient encore dans la rue à 18 heures.
 

Les routes sont coupées


Le couvre-feu vise à restreindre les activités des combattants séparatistes, qui profitent de l'obscurité pour attaquer les forces de sécurité.

Le conflit a mis un terme à la vie nocturne de Bamenda.

Certaines boîtes de nuit de la ville - qui étaient réputées pour être parmi les meilleures du Cameroun - ont fermé leurs portes.

D'autres se sont installés dans des villes francophones.

L'insécurité est encore pire à Kumbo, la plus grande ville du nord-ouest après Bamenda.

Les deux villes - séparé d'environ 110 km - ont été coupées l'une de l'autre.

Des combattants séparatistes auraient détruit un pont, et auraient également parsemé la route d'arbres abattus et de gros rochers.

Kumbo s'approvisionne à Bamenda et mes proches me disent que ses marchés sont fermés depuis plus de trois semaines suite aux combats entre les forces de sécurité et les séparatistes.


Jours ouvrables modifiés

Les séparatistes imposent aussi ce qu'ils appellent des "villes fantômes".

Ils sont généralement observés les lundis où rien ne fonctionne - les marchés, les cours et les bureaux sont fermés et les véhicules restent stationnés.

Beaucoup d'entreprises ont donc fait du samedi une journée de travail pour compenser le lundi perdu, mais parfois les séparatistes ordonnent une fermeture pour toute la semaine.

La situation est encore pire dans les petites villes comme Bafut, Bali, Batibo, Bambui et Bambili, où de violents combats éclatent, forçant les civils à s'échapper dans la brousse.


Des centaines de personnes - civils, séparatistes et soldats - ont été tuées et environ 436.000 ont été déplacées dans le nord-ouest et le sud-ouest, avec la crainte que leur nombre augmente à mesure que les combats s'intensifieront.

Moi-même, je subis des pressions de la part de ma famille pour partir - si ce n'est pas pour moi, c'est pour mes enfants.

J'ai résisté jusqu'à présent aux pressions, espérant que le gouvernement et les sécessionnistes concluent un accord de paix pour que nos vies puissent reprendre leur cours normal.

Peter Tah à Bamenda

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