Cameroun - Politique. Unité nationale : Entre miracle et mirage camerounais

Yanick Yemga | Mutations Lundi le 18 Mai 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Autant au regard de son extraordinaire diversité culturelle, ethnique, religieuse, et linguistique, le pays de Paul Biya peut se féliciter d’avoir pu préserver son intégrité territoriale en dépit des contingences historiques, autant l’image renvoyée par le miroir social aujourd’hui, révèle un Etat où le vivre ensemble est chaque jour mis à rude épreuve aussi bien par des velléités sécessionnistes, le repli identitaire que l’inégale répartition de la richesse nationale.

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 Malheureusement, ces dangers qui menacent l’unité nationale du Cameroun ne sont pas les seuls. Il y en a d’autres. Ils vous seront dévoilés dans le cadre du présent dossier, qui à la veille de la célébration de la 43ème édition de la fête nationale de l’unité, vous propose un regard à la fois historique, social et politique sur un processus avec ses écueils, ses limites et ses défis.

 

 

Alors qu’il s’apprête à célébrer mercredi prochain, l’an 43 de l’unité nationale, le gouvernement camerounais se serait fort bien passé, de cette revendication (légitime) des avocats d’expression anglaise concernant l’avènement sans délais, d’une nation bi juridique. La plaidoirie de Me Djobara Pie et les autres, réunis à Bamenda le 12 mai dernier, dans le cadre d’une réflexion placée sous le thème « the security and the future of common-law in Cameroon », est en réalité un réquisitoire. Un procès pour injustice, intenté au pouvoir de Yaoundé, coupable à leurs yeux, de ne pas faire grand-chose pour supprimer les difficultés rencontrées par les justiciables – s’exprimant exclusivement dans la langue de Shakespeare – relativement à l’administration de la justice dans un pays où le bilinguisme est pourtant consacré par la loi fondamentale.

 

Des réclamations comme celles de ces avocats d’expression anglaise, le Cameroun en a connu beaucoup au cours de son histoire. Certaines ont d’ailleurs constitué le creuset des velléités sécessionnistes du Southern Cameroon national council (Scnc). D’autres, sous de spécieux prétextes emballés parfois en memorandums, ont dévoilé de grosses fissures qui mettent en péril le processus d’édification de l’intégration nationale. Dans un registre tout aussi proche, citons à titre d’illustration, le fameux appel de la Lékié du 02 septembre 2014 qui avait  instillé dans l’opinion publique, la thèse d’un complot ourdi par des ressortissants du grand Nord et maquillé en attaques terroristes. L’on se souvient que cet « appel » disait « non aux complices de Boko Haram, principalement dans les régions septentrionales du Cameroun, à leurs stratégies sournoises ou à leurs tentatives d’incitation à la partition du territoire ». Ces affirmations avaient du reste suscité le courroux de certaines élites du septentrion dont le président de l’Assemblée nationale (Pan). Dans un communiqué publié le 04 septembre 2014, Cavaye Yéguié Djibril affirmait que « pour les populations du grand-nord en général et pour les élites en particulier, ces accusations constituent des allégations qualifiées de très graves (…) les relents de stigmatisations dont elles sont porteuses à l’endroit des valeureux, des dignes et fidèles fils du grand-Nord, appellent plus à la partition du Cameroun, qu’à sa construction, ou à la mobilisation de tous contre un ennemi commun appelé Boko Haram ». Pour le Pan, ces « basses manœuvres ne visent qu’à ternir l’image de toute une partie du pays et d’aider au positionnement des individus ».

 

Autant que la stigmatisation des peuples, l’interprétation souvent pernicieuse de la notion controversée d’équilibre régional notamment dans les concours donnant accès à la fonction publique ou dans la distribution des postes dans l’appareil de l’Etat est un écueil au vivre ensemble. Tout comme la corruption et les nombreux détournements de deniers publics qui contribuent grandement à fausser la redistribution de la richesse nationale. Une situation qui débouche sur un développement déséquilibré de pans entiers du territoire national en faisant le lit de problèmes sociaux et politiques. L’on sait par exemple que c’est en surfant sur la paupérisation de la jeunesse du Mayo-Sava que Boko Haram a pu recruter en grand nombre des adeptes et des combattants.

 

Centralisme d’Etat

 

Il est vrai, à la décharge des gouvernants, cela n’a pas été le seul apanage du Cameroun. Mais pour autant, il reste difficile de dédouaner ces derniers pour peu que l’on prenne en compte un autre facteur : le centralisme de l’Etat qui selon le politologue Mathias Eric Owona Nguini, constitue un autre frein à la construction d’une unité nationale véritable. « Le problème, explique l’universitaire, vient de l’orientation politique communément appelée volonté politique. Manifestement les dirigeants semblent être attachés au centralisme d’Etat et n’utilisent en réalité la décentralisation que comme un affichage. L’on sait que la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, parle d’un état unitaire décentralisé. Mais cette unité nationale ne doit pas être perçue comme une uniformité nationale mais comme une solidarité nationale ». 

 

Mis bout à bout, ces éléments peuvent-ils amener pour autant à conclure qu’il n’y a pas d’acquis dans le processus historique d’unité nationale ? « Non », répond Mathias Eric Owona Nguini qui souligne que « le premier d’entre tous est que le Cameroun existe comme communauté nationale organisée sous la forme d’un Etat ». Toujours au chapitre des acquis, le sociologue Claude Abé évoque « le vivre ensemble qui en dépit de quelques insuffisances, apparait comme une réalité. J’en veux pour preuve la mobilisation des Camerounais dans le cadre de l’effort de guerre en faveur de l’armée et des populations de la région de l’Extrême-Nord affectées par la guerre contre Boko Haram».

 

Pour le sociologue, « ces quelques acquis ne doivent cependant nous faire perdre de vu les immenses défis qui nous interpellent en tant que peuple. Il nous faut travailler davantage à construire un vrai vivre ensemble, il faut régler le problème des replis identitaires qui sont encore très vivaces, celui du partage de la richesse nationale, de la gestion des minorités », soutient Claude Abé. Autre défi à relever pour les gouvernants, celui de l’adoption d’un modèle d’organisation de l’Etat qui corresponde aux réalités locales.

 

 

 

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