Cameroun - Corruption. Un cadre de la Beac détourne 200 millions de Fcfa

Brice R. Mbodiam | Mutations Jeudi le 18 Novembre 2010 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Il a été demandé au Congolais Youlou Kouya de «démissionner» avec payement de tous ses droits ; il a par ailleurs reçu la promesse de ne pas être poursuivi au pénal.

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 Après 15 ans de service à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), M. Youlou Kouya a été prié de démissionner pour «faute lourde» il y a trois semaines. En fait de «faute lourde», ce cadre congolais jusque là assistant du vice-gouverneur après avoir servi successivement comme conseiller du gouverneur, responsable des opérations à la direction de l’émission monétaire de la banque centrale, est accusé d’avoir détourné la somme de 200 millions de Fcfa.
Selon des informations recueillies à très bonnes sources, l’intéressé a reconnu ces faits commis en deux semaines seulement, par le biais de trois opérations financières irrégulières. Comme le stipule la législation du travail, même le licenciement au motif de «faute lourde» implique le non payement des droits. Mais, soulignent nos sources, la démission du Congolais Youlou Kouya qui a été entendu par le gouverneur de la Beac, Lucas Abaga Nchama, a non seulement abouti au calcul et au payement de tous ses droits, mais aussi ce dernier a reçu la promesse du gouverneur de ne pas être poursuivi au pénal pour ces détournements pourtant avérés.

Comme mesure conservatoire avant son départ de la Béac, Youlou Kouya avait été auparavant délesté de son poste de conseiller du gouverneur de la Beac, et nommé au poste d’assistant du vice-gouverneur, où il passera à peine deux mois. Avant qu’une note de service interne signée du gouverneur Abaga Nchama vienne informer ses collègues de ce que le cadre congolais est «démissionnaire», et est remplacé par  son compatriote Binza.
Au regard de toutes ces péripéties, nombreux sont ceux qui pensent à la Beac que Youlou Kouya, qui détient des informations compromettantes sur les pratiques de certains cadres de la banque centrale en poste à Malabo, en Guinée Equatoriale (pays d’origine du gouverneur de la Beac), a fait chanter le gouverneur avec qui il a finalement conclu un deal, avant de disparaître de la circulation.

Contacté par Mutations pour d’amples informations sur le motif de la «démission» de Youlou Kouya, ainsi que le payement de ses droits en déphasage avec les normes réglementaires, le directeur des Ressources humaines de la Beac, l’Equato-guinéen Baca Eboro, une fois informé de l’objet de notre appel téléphonique, s’est aussitôt braqué. En raccrochant et en ne décrochant plus son téléphone. Ou en donnant, le cas échéant, des rendez-vous téléphoniques par l’intermédiaire d’une de ses assistantes et qu’il n’a jamais honorés depuis une semaine.
Au demeurant, apprend-on de sources très bien informées, l’acte de Youlou Kouya a été prémédité, et a été mis à exécution après ses derniers examens médicaux qui ont révélé une maladie grave sur son système cérébral. Aussi, apprend-on, ce cadre congolais a-t-il décidé de «laisser un peu de moyens à sa progéniture au cas où...», en procédant par des détournements de fonds appartenant à la Beac: son poste de travail lui permettant d’effectuer des opérations très sensibles qui rendent cependant possible des distractions de fonds. Youlou Kouya, qui ne se doute pas de ce que ses frasques vont être découvertes, compte cependant sur une couverture pour se tirer d’affaire : des détournements massifs et répétés des cadres de la direction nationale de la Beac à Malabo, sur lesquels le gouverneur de la banque centrale ferme les yeux malgré les différents rapports à lui adressés.

Scandale du Bep
Selon nos informations, en effet, depuis plusieurs mois, ce cadre congolais a, grâce aux possibilités que lui offre son job description, découvert que des cadres de la Beac en poste à Malabo, en Guinée Equatoriale, se servent régulièrement dans les caisses de la banque centrale.
Tous les rapports de dénonciation adressés au gouverneur Abaga Nchama sur ces malversations de ses compatriotes équato-guinéens sont cependant restées lettres mortes. A la Beac, nombre de sources soutiennent que ce sont ces rapports compromettants que Youlou Kouya a menacé de rendre publics, afin  d’obtenir du gouverneur de la Beac un licenciement assorti du payement de tous les droits malgré «la faute lourde», mais surtout la promesse ferme qu’aucune poursuite judiciaire ne sera engagée contre lui.

Le fléchissement du gouverneur de la Beac face au chantage de Youlou Kouya conduit à deux hypothèses : soit Lucas Abaga Nchama veut protéger ses compatriotes qui ont souvent été très critiques ces dernières années sur la gestion de la banque centrale pendant les deux derniers mandats des gouverneurs gabonais, soit il ne souhaite pas aussitôt s’affubler d’un nouveau scandale alors que celui du Bureau extérieur de Paris (Bep) demeure encore frais dans les mémoires.
De ce dernier point de vue, le reproche qui a été fait aux gouverneurs gabonais Félix Mamalépot et Philibert Andzembé dans l’affaire des détournements de 19 milliards de Fcfa au Bep entre 2004 et 2008, n’a-t-il pas été de n’avoir pas réagi à temps pour arrêter la saignée, attitude qui visait certainement à protéger les Armand Brice Ndzamba, comptable gabonais du Bep, Maurice Moutsinga, directeur de la comptabilité de la Beac, également de nationalité gabonaise ?

En tout cas, cette nouvelle affaire qui transparaît en arrière-plan du licenciement du Congolais Youlou Kouya rappelle, en bien des points, le scénario du Bep: au nom d’une protection aveugle de compatriotes pourtant hors-la-loi, matérialisation palpable des égoïsmes nationaux que dénonçait le président Téodoro Obiang Nguema au sortir du sommet de la Cemac de Bata en 2006 (avant de tomber lui-même dans ce piège en réclamant avec force chantage le poste de gouverneur de la Beac), le gouverneur de la banque centrale met en péril les intérêts d’une communauté composée de six Etats. Après le démantèlement de «la filière gabonaise» dans le scandale du Bep, une «filière équato-guinéenne» lui aurait-elle succédé au bureau national de la Beac à Malabo ?
 

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