France. Sarkozy directement visé par une enquête judiciaire en marge de l'affaire Karachi

Le Monde Jeudi le 10 Janvier 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Depuis le mercredi 9 janvier, Nicolas Sarkozy est sous la menace directe d'une mise en examen dans une enquête judiciaire ouverte en marge de l'affaire de Karachi. Trois juges d'instruction du tribunal de Paris – Sylvia Zimmermann, Sabine Kheris et Camille Palluel – instruisent en effet en toute discrétion, depuis le mois de novembre, la plainte déposée contre l'ex-chef de l'Etat le 18 juin par l'avocat de plusieurs familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, pour "violation du secret de l'enquête et de l'instruction", et "violation du secret professionnel".

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La plainte vise également celui qui fut, à l'Elysée, le conseiller chargé de la communication de M. Sarkozy, Franck Louvrier, et son ex-ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, soupçonné quant à lui d'"entrave" à la justice. Elle s'appuie sur un communiqué diffusé par la présidence, le 22 septembre 2011, alors que des articles de presse évoquaient l'éventuelle implication de l'ex-chef de l'Etat dans le volet financier de l'affaire de Karachi. "S'agissant de l'affaire dite de Karachi, affirmait le communiqué, le nom du chef de l'Etat n'apparaît dans aucun des éléments du dossier. Il n'a été cité par aucun témoin ou acteur de ce dossier (...). Cela apparaît dans les pièces de la procédure."

PRINCIPE D'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

Cette déclaration – par ailleurs inexacte sur le fond –, dont les services dirigés par M. Louvrier avaient endossé la paternité, violerait le principe d'indépendance de la justice dont le chef de l'Etat est institutionnellement le garant, l'Elysée n'étant pas censé avoir connaissance de pièces directement issues d'une procédure gérée, à Paris, par les juges d'instruction du pôle financier Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke.

Dans un réquisitoire du 5 novembre 2012, le parquet de Paris a d'abord estimé que, s'agissant de M. Sarkozy, les juges ne pouvaient instruire. "Le communiqué du 22 septembre [2011] constitue un acte accompli pour les besoins de l'action politique du président de la République afin de lui permettre d'assurer dans les meilleures conditions la conduite des affaires de l'Etat au sens de l'article 5 de la Constitution", observe le ministère public.

Le parquet pense que "quel que soit le type d'informations qui serait à l'origine de ce communiqué et le canal par lequel elles auraient été obtenues, la détention d'informations concernant des procédures susceptibles d'affecter tant l'image de son action institutionnelle que le cours de son mandat présente un lien direct avec la fonction présidentielle et qu'ainsi le président de la République bénéficie de l'irresponsabilité définie par l'article 67 alinéa 1er le Constitution". Selon le parquet, l'article 67 dispose que le chef de l'Etat "n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité (...) et qu'il n'a à en répondre ni pendant, ni après son mandat".

MIS EN CAUSE EN SA QUALITÉ DE MINISTRE DU BUDGET

Une analyse rejetée par Me Morice qui, dans un mémoire remis aux trois juges le 6 décembre 2012, a notamment fait observer que "les faits en cause sont d'évidence dépourvus de tout lien avec les fonctions de président de la République". L'avocat souligne que le fameux communiqué "traite exclusivement de la mise en cause de M. Nicolas Sarkozy dans l'affaire dite 'de Karachi'. Or, celui-ci n'est pas mis en cause dans cette affaire en sa qualité de président de la République, mais en sa qualité de ministre du budget du gouvernement dirigé par M. Edouard Balladur de 1993 à 1995."

Or, dans leur ordonnance du 9 janvier, les trois magistrates se rangent à l'avis de Me Morice, et rejettent l'interprétation du parquet. L'article 67, écrivent-elles, "ne précise nullement que le président de la République n'a pas à répondre, après son mandat, des actes accomplis en cette qualité. Que, pas davantage, l'article 67 n'exclut les faits accomplis pendant son mandat." "Bien au contraire, notent les juges, la réforme constitutionnelle du 23 février 2007 a institué non pas l'inviolabilité de la personne du chef de l'Etat, mais celle de sa fonction."

Les juges en veulent pour preuve les conclusions du répertoire pénal Dalloz, qui précisait en janvier 2009 : "Le nouvel article 67 pose ainsi le principe de l'inviolabilité du chef de l'Etat durant son mandat (...) Cette inviolabilité est toutefois conçue comme temporaire pour la seule durée du mandat, et elle ne doit pas empêcher le cours de la justice. Elle ne peut que le retarder." Une analyse signée dans le Dalloz par un éminent juriste, François Molins, aujourd'hui... procureur de Paris !

Au terme de leur ordonnance, les trois juges d'instruction observent qu'au surplus, "à le supposer établi, le fait de permettre la divulgation d'informations issues d'une instruction en cours n'entre pas dans les fonctions du président de la République, telles qu'il les tient de la Constitution". "Attendu, dès lors, que l'irresponsabilité du chef de l'Etat ne pourra être retenue en l'espèce (...), il y a lieu d'informer sur les faits visant M. Nicolas Sarkozy", concluent les magistrates.

PAS D'IMMUNITÉ PRÉSIDENTIELLE POUR SES COLLABORATEURS

M. Sarkozy n'est pas seul à être désormais sous la menace de poursuites dans cette affaire. Deux de ses proches sont également susceptibles d'être mis en examen. Sur ce point, le parquet de Paris en convient : dans son réquisitoire du 5 novembre 2012, le procureur note ainsi, à propos de M. Louvrier, signataire du communiqué controversé, que "les membres du cabinet du président de la République ne semblent pouvoir bénéficier d'une extension permanente de l'irresponsabilité du chef de l'Etat, dans la mesure où les causes d'irresponsabilité et d'immunité étant personnelles, elles ne peuvent voir leur champ élargi en l'absence de dispositions contraires". En clair, les collaborateurs directs du chef de l'Etat ne sauraient se réfugier derrière l'immunité présidentielle.

D'ailleurs, la cour de cassation a depuis tranché en ce sens, dans une autre affaire menaçant M. Sarkozy et ses proches, celle dite 'des sondages de l'Elysée'. Dans une décision du 19 décembre 2012, la haute juridiction a jugé qu'"aucune disposition constitutionnelle, légale ou conventionnelle, ne prévoit l'immunité ou l'irresponsabilité pénale des membres du cabinet du président de la République".

Enfin, dernière mauvaise nouvelle pour M. Sarkozy, son ancien ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, est lui aussi désormais dans le collimateur des trois juges, également saisis par le réquisitoire du parquet des délits d'"entrave, complicité et recel de ce délit". M. Hortefeux est accusé d'avoir révélé à son ami Thierry Gaubert l'audition par la police judiciaire de son épouse, Hélène Gaubert, le mettant en cause dans le dossier Karachi (Le Monde du 23 septembre 2011). Une enquête préliminaire sur ces faits avait abouti à un classement sans suite, mais le parquet comme les juges ont estimé recevable la constitution de partie civile des familles de victimes. Les trois magistrates vont donc pouvoir instruire sur ces faits susceptibles d'être reprochés à l'ex-ministre de l'intérieur.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme

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