Cameroun - Musique. Sam Mbende : « On ne négocie pas les instructions du chef de l’Etat »

Sans Détour Dimanche le 03 Juillet 2016 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L’artiste et président du Conseil d’administration de la Cmc - la Cameroon music corporation, revient à bâtons rompus sur l’importante rencontre sur l’industrie des droits voisins de l’art musical auquel il a participé et dont les travaux étaient menés par le premier ministre français Manuel Valls. Mais davantage sur la situation ambigüe des droits d’auteurs au Cameroun.

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Pourquoi avez-vous été reçu par le premier ministre français ?
C’est en ma qualité de président de l’Alliance panafricaine d’auteurs compositeurs que j’ai eu l’honneur, récemment, de rencontrer le premier ministre français, Manuel Valls. J’ai été invité pour qu’on parle de ce qu’on peut attendre de l’Afrique en termes de perception et de coopération avec la France et les sociétés des droits d’auteurs du monde entier. Sur ce volet, je dirais que nous avons évoqué, de manière très intéressante, les industries culturelles et créatives qui, aujourd’hui, génèrent plus d’emplois que les industries de l’automobile, de l’armement l’habillement.

Quel est l’état des lieux de ce secteur d’activité ?
Nous avons lancé une étude dans les pays d’Afrique francophones, anglophones et autres. Nous avons constaté que ce secteur est porteur. La copie privée, c’est un volet des droits voisins. C’est l’ensemble des appareils qui nous permettent de reproduire sans autorisation aucune les oeuvres des créateurs et des artistes interprètes. Notamment, le téléphone, la clé Usb et autres Cd audio. Ces supports représentent, aujourd’hui, plus de 70 % des redevances des sociétés d’auteurs. Le premier ministre français pense qu’il y a une action à mener de manière concertée dans les pays francophones et les autres pour qu’on puisse intégrer dans les législations africaines les droits voisins. Mal lui en a pris. Car, j’ai été obligé de lui dire que le Cameroun est en avance dans ce domaine, parce que le président Paul Biya a promulgué la loi sur les droits voisins depuis 1990, c’est-à- dire 5 ans après la France. Le Cameroun est donc sacré 2e pays au monde dans ce domaine. Malheureusement, depuis 25 ans, il y a toujours des spécialistes qui marchent avec les droits voisins dans leurs sacs. Rien de concret.  

Quelles sont les résolutions de votre concertation ?
Nous avons convenus de faire un lobbying à travers l’Alliance panafricaine des auteurs compositeurs pour que les auteurs et les artistes interprètes puissent voir leurs redevances s’accroître à travers la mise en place de toutes les législations des droits voisins. Manuel Valls n’a pas manqué d’adresser ses félicitations au chef de l’Etat Paul Biya sur lequel il compte d’ailleurs s’appuyer pour amener les autres pays africains de mettre en branle les législations concernant les droits voisins. Notamment, la copie privée dans leurs législations respectives.

Où en est la gestion collective des droits d’auteurs au Cameroun et en afrique ?
Cette question a été évoquée. Quelle est la place de l’Afrique dans ce concert ? C’est à pleurer. Le cas du Cameroun n’est pas unique. Il y a une quarantaine de sociétés africaines en panne de performances. Je connais leurs perceptions globales dans le cadre de la Sisac. Ils n’atteignent même pas les 1% des 8 milliards d’Euros qu’elle perçoit par an. Je pense à mon humble avis que les Africains dans leurs structures de sociétés ne déclarent pas toutes leurs perceptions en ligne à la Sisac. Nous avons une réunion le mois prochain en Namibie. En ma qualité de président de l’Alliance panafricaine des auteurs compositeurs, je vais demander qu’au moins 30 ou 35 sociétés sur la quarantaine, déclarent leurs perceptions. L’objectif, c’est que d’ici à l’année prochaine, les redevances dépassent 1%. Et, si on met en place la copie privée, l’Afrique peut atteindre 2, 3, 4 voire 5 %.

Quels sont les pays qui sortent du lot?
Il y a des pays comme le Rwanda, la Mozambique. Ce sont des pays totalement émergents. La Côte d’Ivoire parle également en termes de milliards Fcfa. Le numéro 1 aujourd’hui, c’est l’Afrique du Sud qui fait plus de 40 milliards Fcfa de perception par an, suivie de l’Algérie. C’est pour cela que ces deux sociétés sont au sein du Conseil d’administration de la Sisac. Le Cameroun, c’est 350 millions Fcfa à diviser par 4 sociétés de gestion collective. C’est de la rigolade. L’Algérie d’où je sors, a mis en place la copie privée et perçoit à peu près 20 milliards Fcfa l’an. Si on avait traduit dans les faits la politique du chef de l’Etat depuis 1990, il est évident que nous aurions de véritables industries culturelles aujourd’hui, nous serions numéro 1 en Afrique. Je dois dire avec force que tous les pays qui réussissent aujourd’hui dans ce domaine, se sont inspirés de la loi promulguée par le président de la République Paul Biya. Le Kenya d’ailleurs vient de faire une très belle performance, en termes de droits voisins, soit environ 1 milliard Fcfa.

Est-ce à dire que l’espoir n’est pas permis pour le cas du Cameroun ?
Dieu merci, grâce au Comité de suivi mis en place, le premier ministre Philémon Yang a signé un nouveau décret d’application consacrant les données claires d’une société à part entière des droits voisins. Donc, il y a lieu d’espérer. En ma qualité de président de l’Alliance panafricaine, le Cameroun va continuer à obtenir des stages de formation en la matière. En novembre 2015, Mme Ntsama et Mr Modi de la Cmc étaient en Côte d’Ivoire dans le cadre de la copie privée. Cette formation était décidée par la Sisac et les sociétés des droits voisins. Le mois prochain, deux autres camerounais iront s’inspirer du modèle algérien.  

Qu’elle est la particularité des droits voisins ?
Pour gérer les droits d’auteurs, c’est très facile. Car, il n’y a pas beaucoup d’intervenants. Notamment, un auteur, un compositeur et des éditeurs. Par contre, le droit voisin est beaucoup plus complexe. Dans une chanson, il y a les interprètes, les choristes, le joueur du clavier, du saxophone, de la basse… Il faut les identifier tous, en plus d’un logiciel extraordinaire pour pouvoir procéder aux répartitions. Si nous n’avons pas réussi dans les droits d’auteurs, les droits voisins vont être un challenge beaucoup plus compliqué. Cela demande une expertise assez pointue.

Pourquoi le Cameroun qui inspire les autres ne s’en sort-il pas ?
Il faut demander aux experts de la dernière heure pourquoi depuis 25 ans, ils n’ont pas pu appliquer le droit voisin, et comment ils comptent s’y prendre maintenant. Il y en a même qui sont déjà candidats au poste de président du conseil d’administration des droits voisins qui n’existe pas encore. Tout cela n’augure pas des lendemains meilleurs, si nous recommençons dans les mêmes erreurs. Soit les gens sont des imposteurs avérés, et il est temps qu’ils la bouclent. Et puis, je suis désolé de savoir que c’est n’importe qui qui parle de la musique et surtout de l’art musical. Pourquoi ne fait-on pas de débats sur les autres sociétés telles que la Sociladra, la Scaap et autres ? Simplement, parce qu’on pense que dans l’art musical, il y a des cons. Ce n’est pas vrai du tout. En tout cas, je n’en suis pas un.  

Que faut-il faire pour élargir l’assiette de répartition au Cameroun ?
Il y a des mesures qui sont prises au niveau du Comité de suivi et les textes sortent bientôt en ce qui concerne la copie privée. De même qu’il y a une collaboration accrue avec les responsables des impôts. Nous sommes en train de réfléchir dans le sens d’une assiette innovante au Cameroun, étant donné que pratiquement tout le monde utilise les oeuvres protégées. On peut faire une classification par catégories. Les propriétaires d’établissements qui diffusent les oeuvres peuvent payer 3 000, 4 000 ou 5 000 fcfa par an. Les grandes entreprises classées à 20, 30, 40 millions par an, peuvent facilement récolter pas moins de 6 milliards Fcfa par an. Ce qui va non seulement permettre de relancer la production camerounaise, mais également de faire en sorte que les producteurs puissent toucher beaucoup plus d’argent. C’est l’une des voies qu’il faut explorer pour accroitre les redevances en termes de droits d’auteurs. Mais, il se pose un problème de ressources humaines dans les sociétés de gestion collective.  

Pourquoi le projet 15 Fcfa par casier de bières vendu a-t-il échoué ?
Le projet n’a pas prospéré, parce qu’il y a eu des troubles en 2008. Mais, je mets quiconque au défi que nous avons pas moins de 2 milliards Fcfa. J’ai les documents. On nous a parlé d’une dette de 567 millions Fcfa qui est une invention de nos féticheurs. Même si la dette de la Cmc est d’à peu près 500 millions Fcfa, personne ne nous dit quel est l’actif. Dans le bilan, il y a le passif et l’actif. Dans le cadre de notre héritage, il y a 380 millions Fcfa qui auraient dû être reversés aux auteurs depuis 2003. L’argent que la Cmc doit, c’est aux auteurs. Il suffit de les appeler en assemblée tel que stipulent d’ailleurs les dernières résolutions de notre assemblée en 2008 et de présenter la situation de manière claire tel que nous l’avons envisagé à l’époque pour que tout rentre dans l’ordre. La réforme en question allait nous rapporter 2 ou 3 milliards Fcfa. Par ailleurs, si la Cmc doit 380 millions Fcfa, l’entreprise Nestlé avec laquelle nous avons un contrat, c’est 20 millions Fcfa par an. En multipliant par 8 ans, cela donne 160 millions Fcfa. Chococam qui paye 12 millions Fcfa l’an, c’est 80 millions Fcfa en 8 ans. Cela fait un total de 250 millions Fcfa… et tout est réglé.

Quel est le rôle que joue Sam Mbendè au sein du Comité de suivi mis en place par le chef de l’Etat ?
J’ai été invité par le premier ministre en ma qualité de Pca de la Cmc. Voici ce que dit le rapport du Comité ad hoc mis en place en mai 2015. La Cmc n’y était pas représentée. Il y avait un représentant de la Socam, deux représentants de la primature, deux du ministère des Arts et de la Culture, deux du Minjustice, deux de la Dgsn, un du personnel de la Socam… Ils ont ainsi fait des propositions au chef de l’Etat. Ils disent que la Cmc est légale, mais ne peut pas justifier de légitimité, la décision de fond n’étant pas encore définitive. La Socam n’est ni légale ni légitime. Ils ont menti. Ils avaient dit avant que le ministère des Arts et de la Culture avait gagné la Cmc. Deuxième mensonge, euxmêmes écrivent que la Socam est ni légale ni légitime, et proposent au chef de l’Etat de la création d’une nouvelle société. C’est ce que Paul Biya a rejeté. C’est pourquoi j’ai été invité au Comité de suivi qui a pour instruction de convoquer une Assemblée générale, issue de la fusion Cmc-Socam, et non pas une nouvelle société.

De quoi retourne la fusion ?
En droit, la fusion dérive de deux entités morales qui se mettent ensemble soit pour ne former qu’une seule entité, soit pour en créer une nouvelle. La fusion peut aboutir à la création d’une nouvelle société. Dire que nous sommes contre la fusion, c’est dire que nous sommes forcément contre la création d’une nouvelle société. C’est un contre sens. Ces gens sont en perpétuelle contradiction. C’est à pleurer.

Comment fusionner Cmc légale et Socam illégitime et illégale ?
C’est là le débat. C’est pour cela que les artistes qui se sont réunis ces jours ne sont pas assez intelligents pour prendre leur destin en main s’asseoir et de faire des propositions. Veulent-ils un chemin simple ou compliqué ? C’est à eux d’en décider. Je ne suis pas un acteur de la fusion ; elle est prescrite. Ce n’est pas le bon vouloir de la Cmc. A partir du moment où la Cmc a accepté de faire partie du comité de suivi que le chef de l’Etat a prescrit au gouvernement, on applique sa décision. Un arrêté a force de loi. Qui suis-je pour m’opposer à une décision du chef de l’Etat ? On ne négocie pas les instructions du chef de l’Etat.

Tend-on vers une fusion par absorption ?
On ne peut pas le dire pour l’instant. C’est vrai qu’il y a des forces en présence, mais nous sommes dans une situation de crise profonde. Allons-nous nous asseoir avec des à priori sur la table ? A mon avis, il faut aller vers le consensus, l’apaisement. C’est ce que je crois comprendre, parce que si le chef de l’Etat avait accepté cette proposition fallacieuse, la Cmc aurait convenablement poursuivi le chemin de la justice. Maintenant, l’essentiel, c’est que les gens s’assoient et se regardent en face. Il est urgent. Car, dans les autres corporations, les gens perçoivent et font des partages inter sociales. Cette situation ne peut pas continuer. Cmc légale, Socam illégale, cela n’a plus d’importance. Il faut s’asseoir autour de la table, trouver des solutions, terminé. Le Comité technique est en train de travailler. Lorsque nous allons remettre la copie au premier ministre et le chef de l’Etat informé, j’estime que j’aurai terminé mon job. Je ne suis candidat en rien.

La fusion peut-elle fédérer tous les artistes ?
Est-ce que Dieu fait l’unanimité dans le monde ? Pourtant, il est l’être suprême. Pourquoi voulons-nous que l’opposition de deux ou trois individus influence la décision du chef de l’Etat ? On ne négocie pas les instructions du chef de l’Etat. Moi, je suis républicain, j’irai jusqu’au bout. J’attends la convocation d’une assemblée générale, issue de la fusion. Le chef de l’Etat tient à l’apaisement. C’est la voix de la sagesse. C’est indiscutable. Le théâtre ne sert à rien.
 

Décrypté Par Bertrand TJaNI 

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