Cameroun - Politique. Rapatriement du corps d'Ahidjo: C'est maintenant ou jamais

MAGNUS BIAGA | EMERGENCE Jeudi le 08 Novembre 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Par la force des choses et un heureux ou malheureux concours de circonstance, c’est selon, le mois de novembre a fini par lier deux hommes. Paul Biya et Ahmadou Babatoura Ahidjo. Deux personnalités importantes qui ont eu l’insigne honneur de présider en qualité de chef d’Etat aux destinées du Cameroun. Si le premier président de la république a passé 22 ans au pouvoir, son successeur, l’homme du 06 novembre 1982, lui s’apprête à célébrer dans quelques jours, ses 30 ans au sommet de l’Etat.

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A peine ses courtisans et lui auront- ils achevé de battre tambours et trompettes à travers la république que vers la fin de ce même mois, le 30 précisément, la famille d’Ahidjo et ses nombreux sympathisants s’arrêteront pour commémorer le 23e anniversaire du décès du tout premier président du Cameroun.

Toutes ces activités en mémoire d’Ahmadou Ahidjo, ressembleront sans exagération à un nouvel enterrement, à de nouvelles obsèques du fils de Garoua non pas à cause des organisateurs mais parce que le Parti-Etat RDPC n’a jamais véritablement voulu la réconciliation en ramenant les restes de cet illustre personnalité au Cameroun comme l’a toujours souhaité la famille du défunt.

Depuis une vingtaine d’années, le pouvoir en place à Yaoundé n’a jamais trouvé urgent ou opportun de prendre sur lui d’organiser, le rapatriement de la dépouille d’Ahmadou Ahidjo. Comment Paul Biya, si distant avec le peuple qu’il gouverne peut il devenir orgueilleux même envers un mort ?

On le connait, certes, comme quelqu’un ayant une rancune tenace, pour preuve il a réduit Titus Edzoa, son plus proche d’hier à sa plus simple expression. Mais dans un combat, il faut toujours un adversaire. On connaît pourtant la position de Germaine à ce sujet dans une interview accordée à Jean-Baptiste Placca et parue dans Jeune Afrique Economie, N°169, juillet 1993: « Ce n’est pas à moi de décider.

La décision revient au peuple camerounais. Moi je reste auprès de la tombe de mon mari. Je vais m’y incliner régulièrement, pour qu’il sache que je ne l’ai pas oublié, que je suis là et que je veille sur sa tombe. C’est mon devoir. Je tiens à rappeler qu’Ahidjo était un chef d’Etat. Il n’appartient pas qu’à sa famille. Il appartient en premier lieu au peuple camerounais. Il n’est pas un simple citoyen. Il a été président de la République dans son pays, et il a été enterré ici par un président de la République.

Je ne vois pas ce que nous, sa famille, avons à demander. C’est au peuple camerounais qu’il faut aller demander s’il veut que son corps soit ramené au pays ou pas… » Dans cette optique Mohamadou Ahidjo, fils ainé du défunt président, a une position moins radicale que Germaine.

Interviewé en février 1990 par un confrère sénégalais du journal « Dakar presse », il avait déclaré qu’en l’enterrant à Dakar, la famille d’Ahmadou Ahidjo n’avait fait qu’obéir à ses dernières volontés. Ce dernier gagnerait véritablement à ne pas se laisser endormir par le poste dévalorisant pour lui, d’ambassadeur itinérant, en s’activant comme un ainé doit le faire pour que la mémoire de son illustre géniteur soit réhabilitée.

Paul Biya a toujours, malheureusement, oeuvré de sorte que si possible, la mémoire d’Ahmadou Ahidjo son illustre prédécesseur qu’il remplace le 06 novembre 1982, soit sinon annihilée, du moins ramenée au niveau de n’importe quel citoyen lambda. Le 30 octobre 2007 sur la chaîne de télévision française France 24 il déclarait :

«…Le problème du rapatriement de la dépouille de l’ancien président est selon moi un problème d’ordre familial (…). Si la famille de mon prédécesseur décide de faire transférer les restes du président Ahidjo, c’est une décision qui ne dépend que d’elle. Je n’ai pas d’objection, ni d’observation à faire».

Toujours aussi espiègle et rusé, il a pris des décisions ou suscité des actes qui dans l’apparence pouvaient laisser croire à une réhabilitation de la mémoire de son prédécesseur mais dans le fond ce sont révélés comme des fuites en avant.

En l’occurrence, lors du remaniement ministériel de décembre 2011, il fera nommer Ahidjo Mohamadou Badjika son fils ainé, au poste d’ambassadeur itinérant aux côtés d’anciens briscards comme Joseph Charles Ndoumba ou Medjo Akono Marcel. Disparue des espaces publics depuis l’avènement de la seconde République en 1982, la photo de l’ancien Président de la République du Cameroun a été exposée au village virtuel d’Ebolowa dressé dans le cadre des activités de la 40ème édition de la commémoration de la réunification du Cameroun au début decette année.

Toutes ces entourloupettes du Nnom Ngui ne peuvent séduire que ceux des camerounais qui ont la jugeote embryonnaire. Mais ceux qui n’ont pas la mémoire courte savent que malgré les griefs faits à l’endroit d’Ahmadou Ahidjo sur certains aspects de la vie nationale, il aura largement mérité de cette patrie.

Selon les termes de son discours prononcé lors de sa démission le 04 novembre 1982 « nous avons ensemble accompli après l’indépendance, la Réunification et l’Unification, des progrès considérables dans tous les domaines. Notre pays dispose d’atouts importants.


L’unité nationale consolidée, des ressources nombreuses, variées et complémentaires, une économie en expansion continue, des finances saines, une justice sociale en amélioration, une population laborieuse et une jeunesse dynamique, de solides et fructueuses relationsd’amitié et de coopération en Afrique et dans le monde.

En effet, plusieurs grandes entreprises mises sur pied à l’époque d’Ahidjo ont tout simplement fait banqueroute avec l’avènement du « Renouveau national ».

On peut citer la Mission de développement des cultures vivrières (MIDEVIV), la société forestière et industrielle de Bélabo (SOFIBEL) l’une des plus grandes d’Afrique et dont la fermeture en 1995 a fortement contribué à la descente aux enfers de la petite ville de Bélabo, la cellulose du Cameroun(CELLUCAM) la plus grande opération industrielle jamaisentreprise au Cameroun depuis l’indépendance en termes d’intrants technologiques et financiers.

Son coût total a été estimé à près de 120 milliards de francs CFA. La plupart des aéroports du Cameroun à l’instar de ceux de Ngaoundéré et Bertoua aujourd’hui en désuétude sont le fruit du dynamisme d’Ahmadou Ahidjo.

Selon des notes transmises en 2006 à wikileaks par Niels Maquardt alors ambassadeur des Etats- Unis au Cameroun « Sous Ahidjo, le Cameroun avait les indicateurs sociaux et économiques les plus élevés d’Afrique. Le PIB, l’espérance de vie et les salaires du personnel de l’État étaient élevés et le chômage faible.

Les revenus du Cameroun dépendaient de plusieurs secteurs agricoles et ils profitaient de la hausse des prix mondiaux des denrées agricoles à la fin des années soixante-dix. Ahidjo utilisait ces revenus dans les plans concertés de développement quinquennaux. Les produits étaient régulés et vendus par des sociétés para publiques afin d’assurer un maximum de revenu à la fois à l’État et aux producteurs (paysans), réduisant le développement d’un secteur privé.

Une grande partie du Cameroun moderne a été pensée et construite sous Ahidjo. » L’alibi de la crise économique brandie par Biya pour justifier son bilan désastreux à la tête de l’Etat ne saurait tenir la route d’autant plus que des pays comme la Côte-d’Ivoire, le Sénégal sont passés par là et se portent plutôt mieux que nous en ce moment.

Pourquoi Paul Biya voudrait-il si vite oublier qu’il n’est qu’une pure fabrication d’Ahmadou Ahidjo et qu’il lui doit presque tout ? C’est sous la houlette de l’ancien président qu’il a gravi chaque échelon de la haute administration jusqu'à cumuler les postes de Secrétaire général à la présidence de la république et de directeur du cabinet civil en 1968.

Que Paul Biya se souvienne vite qu’il n’est qu’une émanation de son prédécesseur comme les Marafat, Atangana Mebara, Inoni Ephraïm, Titus Edzoa, procèdent aussi de lui, et qu’il solde rapidement ce lourd passif en réhabilitant officiellement la mémoire du tout premier président camerounais mort le 30 novembre 1989 à 65 ans et enterré au cimetière de Yoff à Dakar.




Qu’un autre président ne vienne pas le faire à sa place, mais que lui-même, Paul Biya, âgé de 79 ans à ce jour, le fasse. Ce serait tout à son honneur. Lui qui a déclaré dernièrement aux élites du Grand Nord, lors de sa visite aux sinistrés de Guirvidic, qu’à son âge il ne cherchait plus de problème.

Il a l’occasion, ici, au crépuscule de sa vie, de se montrer au moins une fois sincère. Sinon ni Germaine Ahidjo, ni ses enfants encore moins tous les camerounais pour qui le premier président de la république n’était pas un simple citoyen parmi tant d’autres, mais un grand homme d’Etat, ne lui pardonneront jamais cette humiliation.


 

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