Opération Epervier. Paul Biya en guerre contre tous les prétendants à sa succession

Éric Essono Tsimi | Afrik.com Mercredi le 18 Avril 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
A quoi pourrait-on comparer l’opération épervier au Cameroun ?

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Le Président Biya serait-il en train de se tirer plusieurs balles dans le pied, en pleine connaissance de cause ? Il vient de satisfaire le goût sans cesse croissant des Camerounais pour le sang en faisant incarcérer les deux plus hautes personnalités de la République à avoir jamais connu l’humiliation d’un déferrement : un ancien Premier ministre anglophone et un ancien SGPR (Secrétaire général d’Etoudi) nordiste. Aucun groupe ethnique n’aura finalement été oublié dans ces cadeaux d’au revoir du Président Biya à ceux qui l’ont servi (et visiblement desservi aussi). Mutatis mutandis, Ahidjo a eu son André-Marie Mbida en prison, Paul Biya a désormais son Inoni Ephraim, qui bénéficie d’un sort aussi peu enviable que l’autre.

Un journaliste camerounais très au fait de cette opération a pu dire, au vu des dernières prises de l’« épervier », que c’est le signe que le fringant septuagénaire d’Etoudi « mène bien sa barque », tient heureusement son gouvernail : le capitaine du Titanic et le commandant du Costa Concordia devaient penser la même chose.

Et si c’est d’une politique de la terre brûlée dont il s’agissait dans le fond ? Cette tactique de la dernière chance est prisée par les stratèges aux abois. Paul Biya peut tout risquer parce qu’il a désormais si peu à perdre ; en dynamitant les bases mêmes du système qu’il a mis sur pied, il laisse ses ennemis sans cible, il ne laisse pas de traces et commet une sorte de crime parfait.

Massacre à la tronçonneuse

SGPR est-il le métier le plus dangereux du Cameroun ? En tout, au moins trois anciens SGPR sont en ce moment dans des prisons de Yaoundé (Inoni Ephraim et Sieyam Siewe étant épargnés par notre comptabilité). Marafa Hamidou Yaya est, après Atangana Mebara, et Titus Edzoa, le troisième SGPR à être entendu et déféré dans la même journée.

L’hebdomadaire Repères, dirigé par Parfait Siki, un ancien journaliste de L’Action (quotidien de propagande du RDPC), avait consacré plusieurs unes retentissantes à l’ancien Secrétaire général, tombé en disgrâce en raison des ambitions probablement avérées qu’on lui supposait d’une part et du soutien, moins évident, que la France lui aurait manifesté, dans la perspective de la succession à Paul Biya d’autre part.

La presse camerounaise, qui avait supputé sur un mécontentement du Prince vis-à-vis de Bolloré (donc en certaine façon de la France, les relations au sommet de ces deux pays étant très personnalisées) semble avoir vu juste. Emmanuel Etoundi Oyono, qui était réputé s’être fait débarquer du PAD (Port Autonome de Douala) en raison notamment du mécontentement de Bolloré auquel il avait retiré le dragage du chenal portuaire, a, après une traversée de Maetur, été tapageusement reconduit le 26 mars dernier.

Comme quoi, sous l’arbitrage du Président Biya, l’industriel français a perdu la face devant un simple directeur général d’une république qu’il doit, entre deux plaisanteries grivoises, qualifier d’outrageusement bananière : la banane est le fruit le plus rentable du monde et le Cameroun est fier d’en être l’un des plus gros exportateurs, MOSSIEU l’ami personnel de Nicoulas Sarkouzy !

Avec l’incarcération d’un de ses proches qu’il pressentait et préparait sans doute au poste de président de la République camerounaise, c’est le pompon ! Paul Biya a-t-il déjà anticipé la défaite de Nicolas Sarkozy ?

Au Cameroun de Paul Biya

On disait que Marafa Hamidou Yaya n’avait peur que d’une seule chose : c’est que le ciel lui tombe sur la tête. C’est un Peul. Un dur. Qui ne s’en laissera pas conter par les anciens de Kondengui, s’il venait à ses prédécesseurs la mauvaise idée de le soumettre aux brimades souvent réservées aux « hier-hier » (les bleus de la prison). Mais « chef » Inoni, illustre chef traditionnel Bakweri est docile : si on lui demande d’ôter son pantalon, il n’oubliera pas d’enlever ses dessous et de demander quel ordre il doit encore exécuter. Pourquoi donc est-il entrainé dans cette guerre de succession ? Comme avant lui Yves Michel Fotso, victime bien sûr de sa propre turpitude, comme eux tous, mais victime surtout de réseaux occultes et de réseaux de jalousie.

Le Président Biya a été accusé par une certaine partie de l’opinion publique de se servir de la lutte contre la corruption pour décapiter le G11 (quarteron de personnalités puissantes qui aurait envisagé de s’installer à Etoudi en 2011). S’il a de la suite dans les idées, comme il en a régulièrement fait la démonstration, il serait en train de pulvériser le G18, sinon né éventuel. Il oriente dans le sens voulu l’attention de ses compatriotes, captée par des questions qui devaient le lasser. Au Cameroun, les conversations étaient en effet nourries ces derniers mois par une actualité « fait-diversière » (Affaire Vanessa), par les frasques d’Antoine Ntsimi (si détesté qu’il doit forcément être quelqu’un de bien) et par les spéculations à peine voilées sur l’après-lui-même (code électoral, etc.)

A quoi pourrait-on comparer l’opération épervier ?

La prison centrale de Kondengui est une espèce de principauté (telle Monaco) avec la plus grande concentration au mètre carré de milliardaires, hauts fonctionnaires, administrateurs hors échelle et écrivains découverts et révélés par L’Harmattan. S’ils ne peuvent pas déclarer l’indépendance de Kondengui, malgré les moyens illimités qui sont les leurs, malgré le pouvoir qui leur est reconnu de provoquer et d’entretenir une guerre civile pendant une dizaine d’années, sans que leur descendance n’en pâtisse financièrement, s’ils sont si calmes et y vont de si bon cœur, comme des moutons que l’on mène à l’abattoir, c’est peut-être qu’ils savent des choses que le « vulgum pecus » ignore. Ils ont compris qu’au Cameroun de Paul Biya, « la chute d’un homme n’est pas la fin de sa vie » (dixit un artiste musicien populaire aujourd’hui en prison).

On pourrait comparer l’opération épervier :
A une histoire coloniale et Paul Biya serait le nouveau Sekou Touré, rehaussé de son légendaire « Non à la France ».
A un poème de Baudelaire, « L’albatros » (du nom de l’avion litigieux qui a failli coûter la vie au président camerounais), réécrit de façon macabre par des proches du prince.
A une religion monothéiste, plus particulièrement l’Islam qui n’a qu’un seul Dieu et pas de saints.

A une opération d’enfumage (la terre brûlée) : qui a intérêt à ce que les pistes soient totalement brouillées ?
A une opération de canonisation. N’ayant pas eu de vrais héros politiques, la justice RDPC nous en fabrique quelques-uns, on a les leaders qu’on peut : nos saints n’ont jamais intercédé pour le peuple, nos Nelson Mandela s’appellent Atangana Mebara, nos Wade n’ont pas promu le changement mais les détournements de fonds publics, nos Gbagbo n’ont pas contesté le pouvoir suprême, ils ont fait pire, ils l’ont convoité. L’envie en politique camerounaise est un péché capital !

 Éric Essono Tsimi , pour l'autre afrik 

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