Opération Epervier. Operation Epervier: Et maintenant

Suzanne Kala-Lobè | La Nouvelle Expression Mercredi le 02 Mai 2012 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
La bourrasque s’est brusquement arrêtée. Le show médiatique s’est essoufflé. L’oiseau a refermé ses ailes et l’épervier est entré non pas sous terre, mais se terre encore quelque part, prêt à s’abattre à nouveau sur ses proies. La république a transpiré. Certains se sont émus.

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D’autres ont pleuré et la presse a commenté. Déversant sur l’opinion son lot de mots. D’analyses et de commentaires. Des éditorialistes se sont fendus de leurs plus belles plumes pour décrié l’inanité, le caractère excessif, la soif de pouvoir d’un Président qui s’isole. L’Opération Epervier a fini par devenir un symbole de la manière de gouverner d’un homme qui commença la Présidence presque comme un accident. En fixant l’œil sur ses Secrétaires généraux, leur retirant à chaque fois leur pouvoir d’agir, Paul Biya est-il en train d’envoyer des signaux à la société politique et si oui lesquelles ?

Les Regards de cette semaine vont se livrer à un exercice qui n’est pas simple. Faire de la prospective politique à partir des signaux que lancent les actes des entrepreneurs politiques. Si la discussion sur le Code électoral s’est close par une défaite une fois de plus de l’opposition (nous y reviendrons l’arrestation de Marafa Hamidou Yaya et de Inoni Ephraïm, met en lumière les méthodes d’un homme qui a construit son système au fil du temps et qu’il faut décrypter. Car comment interpréter le fait que de manière systématique Paul BIYA se soit séparé de ses Secrétaires Généraux ? Quel rôle ont-ils joue dans l’antichambre du pouvoir et dans quel piège sont-ils eux-mêmes tombés ?


La première étape est de comprendre comment marche le système Biya et comment il en est arrivé-là.

Lorsqu’on lui donne le pouvoir en 1982, beaucoup de ses pairs ne lui donnent pas deux ans. Beaucoup sous estiment son sens politique et peu le crédite d’une intelligence politique et d’une capacité à utiliser le système pour neutraliser son propre camp. Le premier objectif de Paul Biya, deux ans après son accession au pouvoir et après le coup d’état d’avril 1984, sera de se débarrasser des hommes d’Ahidjo. Ceux qui ont fait système avec lui et ceux qui ont construit le Parti Unique.

Lui-même, bien qu’étant un instrument du système, sait qu’il ne peut continuer à gouverner le pays sous une chape de plomb. Mais pour sortir de la logique autoritaire il lui faut faire le grand saut. Il survient en 1990, avec la loi sur la communication sociale et le multipartisme. La deuxième étape de la construction de son pouvoir commence. Il lui faut assainir les écuries d’Ahidjo et attirer un certain nombre de jeunes sous son aile. C’est la période où va se construire le destin politique d’Aba Aba, Atangana Mebara et bien évidement Marafa Yaya. L’ascension progressive de ceux qui seront des quinquas dans les années 2000, laisse croire que Biya prépare des successeurs. Pourtant ces jeunes cadres dynamiques et brillants ne savent pas qu’il est en train de les enfermer dans un piège et d’en faire ses obligés pour provoquer chez eux suffisamment de révolte et d’ambition pour qu’ils se croient pousser des ailes . Dans leur position de SG même s’ils n’ont pas les coudées franches les jeunes quinquas vont accumuler maladresses sur maladresses et tenter un coup qui va définitivement les terrasser. C'est l'Albatros ! Cette fameuse affaire qui est très certainement au centre de l'Opération Epervier. Parce qu’au fond tout tourne autour de la traque de ceux et celles qui se sont rendus coupables d’avoir «acheté» un avion d’occasion qui aurait pu couter la vie à la Famille présidentielle. L’albatros était une vieille carlingue fragile et obsolète. Mais des ingénieurs brillants, intellectuels de haut niveau, se sont laissé séduire par une vieille demoiselle qui a fini par briser leur carrière. Ont-ils eux-mêmes été pigés ? Ont-ils été éblouis voire subjugués par le pouvoir que leur conférait leur rang de SG ? Se croyaient-ils intouchables ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, ces hauts cadres brillants avec un potentiel politique énorme sont enfermés à Kondengui. Paul Biya a donc choisi de se séparer d’un deuxième cercle d’entrepreneurs politiques qui le gênait dans sa démarche politique. Cette démarche est ambigüe, sulfureuse mais laisse transparaître un homme rancunier, jaloux de son pouvoir et n’acceptant pas d’être trahi tout en donnant l’impression d’être toujours sur le qui-vive. Le coup d’Etat est passé par là. Et le refus de perdre le pouvoir en renforcé cette méfiance. Après avoir nettoyé ses écuries d’Augias, que reste-t-il désormais à faire à Paul Biya ?


Beaucoup de jeunes cadres du Rdpc qui prêchent pour une moralisation de leur formation, pensent que leur heure est arrivée.

Ils jurent au nom de la lutte contre l’immobilisme et l’inertie, au nom d’une réelle viabilité de la politique que cette formation doit se débarrasser de ses voleurs, ses prévaricateurs, ses détracteurs. Ils pensent qu’avec ce nettoyage leur heure est enfin sonnée ! Paul Biya après avoir envoyé en prison beaucoup de jeunes ambitieux mais néanmoins délinquants aux cols blancs va pousser plus loin le bouchon. Obligeant ceux des cadres du Rdpc qui croyant avoir gagné leur place au soleil à abattre leurs cartes. Il cherchera à acculer les prétendants. Il voudra briser les ambitions, pour désigner comme successeur celui qui lui ressemblera le plus. Comme s’il voulait prendre une revanche sur la manière dont ces porches, ces hauts commis de l’Etat qui le regardaient de haut, l’ont jugé.

Quel est donc l’avenir du Cameroun pour les sept prochaines années ? Paul Biya tiendra-t-il un dernier mandat ? Comment vont se reconfigure les forces politiques et se reconstituer la technostructure sur laquelle Paul Biya compte s’appuyer ?

Dans les rangs du Rdpc, la grogne monte. Plusieurs élites de différentes régions du pays revendiquent la prise en compte de leur terroir et demandent qu’un effort soit fait. Beaucoup de membres du Comité Central jouent de la carte communautariste et cela peut se retourner contre eux. Des personnalités comme René Sadi, Laurent Esso, semblent veiller au grain et être dans le sillage de Paul Biya. Mais ils ne font pas autorité sur l’ensemble des cadres de ce Parti.

Au-delà du Rdpc, les alliés ont du mal eux-mêmes à prendre un véritable envol. L’Undp, n’est plus que l’ombre d’elle-même et elle a du mal à être un allié de poids. En son sein la cohérence manque.

Du côté de l’opposition, malgré la nouvelle coalition qui s’est constituée après la présidentielle de 2011, les stratégies sont loin d’être claires et cohérentes pour inverser définitivement le rapport des forces. D’autant plus que l’UPC, qui aurait pu constituer le seul pôle crédible d’une gauche camerounaise porteuse de nouvelles valeurs est pratiquement mise hors circuit.

Cette configuration de l’échiquier politique laisse une immense marge de manœuvres à Paul Biya. Mais à force de vouloir nettoyer dans son camp, il risque de retrouver à faire du pied à l’opposition pour pouvoir gouverner demain en sera-t-il capable ?


 

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