Cameroun - USA. Opération épervier, Elecam, homosexualité…: Les quatre vérités de l’ambassadeur des Etats-Unis

La Nouvelle Expression Vendredi le 12 Octobre 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Robert P. Jackson s’est longue penché sur ces sujets dans une allocution prononcée le 10 octobre 2012 à Yaoundé. Il parle même du renforcement de l’engagement civique au Cameroun. Voici du reste l’intégralité de son discours.

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Opération épervier, Elecam, homosexualité… Robert P. Jackson s’est longue penché sur ces sujets dans une allocution prononcée le 10 octobre 2012 à Yaoundé. Il parle même du renforcement de l’engagement civique au Cameroun. Voici du reste l’intégralité de son discours.

Honorables Invités,
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi de prendre la parole devant vous ce matin. Mon équipe et moi avons été activement impliqués dans « Le Programme d'Engagement Civique» de Counterpart International depuis la fin de l’année 2010, lorsque le programme n’était encore qu’une idée, à l'ambassade des États-Unis et l'USAID. J'ai vu le programme se désenvelopper- en partie en collaboration avec Freedom House - et au cours de son développement, j'ai constaté sa réussite. Je vous ai observé réussir. Et en parlant de réussite, je fais allusion à vous – les partenaires de Counterpart International - et votre capacité de vous soutenir les uns les autres, votre capacité à vous connecter avec le grand public et d’avoir créé la confiance avec ELECAM et le Gouvernement de la République du Cameroun.

Comme certains d'entre vous le savent déjà, je ne suis pas un étranger en Afrique. Depuis le début de ma carrière au service diplomatique américain il y a 30 ans, j'ai servi dans les ambassades des États-Unis à Bujumbura, Harare, Abidjan, Dakar et Rabat. On pourrait ainsi dire que j'ai fait du continent africain ma propre maison pendant la majeure partie des trois dernières décennies. J'ai tissé non seulement des relations professionnelles mais aussi des amitiés durables. D'un pays à l'autre, je suis resté personnellement engagé - profondément engagé - à l'objectif de longue date du gouvernement des États-Unis de soutenir le renforcement de la société civile africaine. Les États-Unis veulent soutenir l’évolution de la société civile. Nous voulons bien que vous réussissiez. Il est tout aussi vrai aujourd'hui, ici à Yaoundé, comme ce fut le cas il y a 27 ans lors de ma toute première affectation en terre africaine au Burundi. Je veux que vous réussissiez, et voila pourquoi je suis ici.

Mais comment pouvons-nous apprécier le succès en ce qui concerne la démocratisation ? Comment pouvons-nous mesurer le progrès ? Étant donné que la démocratie est un processus, quels sont dont les facteurs qui puissent nous démontrer que nous faisons du progrès ? Si nous ne parvenons pas à nous fixer des objectifs clairs, nous serons sans gouvernail. Par contre, si nous nous fixons des objectifs, nous courons également le risque de manquer de les atteindre. Alors, permettez-moi de vous proposer trois suggestions :


Première suggestion : Le succès c’est la participation du grand public.

La démocratie adopte des formes uniques partout dans le monde. Il n'y a pas deux contextes de démocratie qui se ressemblent. Mais toutes les démocraties réussies ont en commun au moins une caractéristique – elles impliquent une large participation du public. Elles disposent des citoyens ayant un sens élevé de la fonction publique, du bénévolat, de la propriété, de la responsabilité et de l'intégrité. Ce sont des citoyens qui participent au processus électoral. Ils ne votent pas par déférence pour l'autorité publique ou en raison de leur l'appartenance régionale ou ethnique. Plutôt, ils votent parce qu'ils sont convaincus que leurs voix comptent, et que les individus pour lesquels ils votent, vont effectivement représenter leurs intérêts.

Ces électeurs sont des citoyens qui exigent la responsabilité de la part des dirigeants et qui se doivent eux-mêmes d’être responsables. Ils font preuve de patriotisme en paroles ainsi qu’en actes. Ils paient leurs impôts. Ils enregistrent leurs entreprises. Ils ne paient pas des pots de vin. Les citoyens ne peuvent pas exiger un certain degré d'engagement public de la part des élus lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes prêts à faire pareille. Vous savez, les organisations de la société civile ne sont pas simplement des chiens de garde des institutions publiques, elles sont aussi des contrôleurs des attitudes et des perceptions du public. Elles sont en mesure de rallier le public - pour le susciter, l’encourager, le renforcer, l’habiliter et le dignifier.

Vous avez fait d'énormes progrès dans votre efficacité, et je vous en félicite. Cette aptitude devrait jouer un grand rôle au cours de votre quête d’autres moyens pour partager votre vision de la responsabilité civique, du bénévolat et du service public. Vous implanterez des traditions démocratiques là où, dans certains endroits, elles n'existent pas encore. Cela implique la transmission d’une vision, le changement des mentalités, et la consolidation de la confiance et de la foi. La marque de leaders - je parle des responsables civils ainsi que des dirigeants publics - est une vision de ce qui peut être, sans se soucier de ce qui a été.

Deuxième suggestion : Le succès, c'est le renforcement des institutions.

Je tiens à présenter deux études de cas ici. Le premier est un cas positif et se rapporte à ELECAM. Il y a deux ans, le sentiment général était qu’ELECAM n'était pas crédible parce que les membres de son conseil électoral étaient auparavant des membres du parti au pouvoir. Bref, l'attitude que j'ai observée était qu’ELECAM était vouée à l'échec et que l'élection présidentielle devait être truquée. Pourquoi ? Parce que, les gens m’ont fait savoir que, « cela a toujours été comme ça » ; j'ai donc rencontré ELECAM et nous avons eu des échanges francs, honnêtes, et fructueux. J'ai encouragé Freedom House et Counterpart International de travailler également avec ELECAM, parce que nous ne pouvons pas faire du progrès sans d'abord en parler l’un à l'autre. En fin de compte, la société civile peut rendre ELECAM responsable, mais la société civile ne peut pas organiser les élections.

Vous avez exploré la méthode de travailler en collaboration avec ELECAM et à travers ce processus, vous avez établi une certaine confiance. Vous avez partagé vos idées et développé une certaine foi dans les intentions réelles d’ELECAM. Vos organisations respectives, l'ambassade des États-Unis, et d'autres institutions ont encouragé et soutenu ELECAM; nous avons parlé honnêtement, alors parfois, cela ressemblait à la critique. Toutefois, nos objectifs ont été - et continuent d'être - que le Cameroun organise des élections libres et transparentes et qu’ELECAM puisse réussir à le faire.

Qu'est-ce que nous pouvons exhiber maintenant comme preuve de nos efforts ? L’inscription biométrique sur les listes électorales ; vote à l'étranger ; un Conseil électoral élargi d’ELECAM, avec des membres de renom et respectés, comme le Professeur Pierre Titi Nwel. L'institution est-elle parfaite ? Pas encore, mais elle est différente aujourd'hui de ce qu’elle était il y a deux ans. Je considère cela un succès.

Ma deuxième étude de cas n’est peut-être pas aussi positive que la première. Elle se rapporte au système judiciaire du Cameroun. En tant qu'institution, le système judicaire est actuellement en train d’aider à définir la réputation internationale du pays à travers le traitement des procès qui attirent l'attention générale, y compris les cas de droits humains. Au Cameroun, il existe de nombreux juristes compétents, honnêtes et travailleurs, mais leur travail n’influe pas nécessairement sur la qualité du système judiciaire en tant qu’institution.

Un de mes exemples s’agit d’une question délicate parce qu'elle concerne les droits des minorités sexuelles, et je sais que l'homosexualité n'est pas largement acceptée au Cameroun. Mais les homosexuels sont des êtres humains, et je m’intéresse à ce cas particulier parce qu’il s’agit d’une question de droits humains.

Le Cameroun est le seul pays de la zone CEMAC où les actes homosexuels sont bannis. L'an dernier, un tribunal camerounais a condamné deux jeunes hommes à cinq ans d’emprisonnement pour « Etre homosexuels » – en dépit du fait que la loi camerounaise ne proscrit pas l'homosexualité. Le tribunal s'est fondé sur des hypothèses subjectives qui ne pourraient pas passer à titre de preuve dans la plupart des tribunaux de droit : Ils ont été reconnus coupables non à cause d’un acte quelconque commis, mais à cause de la façon dont ils étaient vêtus. Dans un autre cas, un jeune homme fut condamné pour avoir envoyé un message sexuellement suggestif. Où est la disposition du Code de procédure pénale qui qualifie cet acte ? En prononçant de tels jugements dont les critiques affirment qu’il n’a pas été rendu conformément aux lois propres du Cameroun, le système judiciaire présente ainsi le pays à l'étranger.

Les procès récents portant sur la corruption ont renforcé l'examen des procédures judiciaires au Cameroun par le public. En rendant un jugement de 17 heures, le tribunal a quelque peu rendu la tâche difficile aux médias et au public qui voulait suivre la procédure, et encore moins, comprendre l’aboutissement d'une affaire qui a considérablement attiré l'attention nationale et internationale. Nous avons suivi ces affaires de près parce que nous sommes de fervents partisans de la lutte contre la corruption. En refusant un accès adéquat aux éléments de preuve par les avocats de l’accusé, le tribunal a suscité des questions au sujet de ses motivations et de son objectivité, donnant ainsi raison aux critiques. Que ce soit à dessein ou non, le processus a également encouragé les critiques qui estiment que le pouvoir exécutif intervient, et donc affaiblit encore le système judiciaire camerounais.
En plus, nous avons vu le pouvoir judiciaire être détourné pour annuler des prêts dument consentis par des banques, geler des comptes bancaires sur des motifs fallacieux et, à plusieurs reprises, reporter des procès ou des décisions. Encore une fois, ces mesures entravent les investissements étrangers dans le pays et ternissent l’image du Cameroun.


Troisième suggestion : Le succès c’est la stabilité et le progrès.

On m’a laissé entendre à plusieurs reprises ici que la stabilité et le progrès sont apparemment discordants, comme si elles étaient deux préceptes incongrus, incapables d’avoir lieu simultanément. En fait, la stabilité et le progrès sont non seulement compatibles, mais complémentaires et interdépendants. La stabilité stimule le progrès, tout comme le progrès crée la stabilité. En revanche, un défaut de progrès (ou de réforme) serait déstabilisant à court, moyen et long terme ; tout aussi comme le manque de stabilité peut compromettre toutes chances de progrès.

J'ai rencontré des Camerounais qui favorisent le maintien du statu quo du climat des affaires, par exemple, ou le paysage socio-économique, ainsi que la situation qui prévaut en matière des droits de l'homme. Ce sont des personnes qui auraient déjà réussi dans un environnement tel qu'il existe actuellement. Leur préférence est d’entretenir un Cameroun tel qu'il est, plutôt que de lutter pour un Cameroun comme il se doit d’être. Mais nous sommes persuadés que cette situation pourrait s’améliorer et que nous devons surmonter tout obstacle au changement, en contournant les adversaires dont l'obstination est enracinée dans l'intérêt personnel.

Je voudrais suggérer qu'il n'existe rien comme un statu quo. La société et le monde dans lequel nous vivons sont dans un état constant de flux et de changement. Nos propres vies, nos circonstances, la nature elle-même, sont en constante évolution. Alors, la question de savoir si les choses doivent changer est sans objet, parce que les choses changent. La question que nous devrions nous poser est plutôt celle de savoir comment s’effectuera le changement, et quel sera notre contribution à ce changement.

De nombreux Camerounais - de l'homme de la rue aux plus hauts fonctionnaires du gouvernement - m'ont souvent dit que le Cameroun est le meilleur ami des États-Unis en Afrique centrale. Je pense en fait, que c'est la vérité. Et si la plupart des propos que j'ai tenus aujourd'hui ressemblent aux critiques, permettez-moi de dire ceci de façon très claire et sans équivoque : je me compte parmi les meilleurs amis américains du Cameroun, et je tiens tous ces propos dans un esprit de l'amitié.

Au début de mon intervention, j'ai fait allusion à mon séjour en Afrique au cours des 30 dernières années. Je suis heureux et fier de présenter un bilan positif dans la plupart des cas, en fonction des trois critères que je viens d’énoncés – à savoir, la participation du grand public, le renforcement des institutions et, le progrès et la stabilité. J'ai vu des hommes et des femmes comme vous faire des contributions significatives et durables. La démocratisation et l'engagement civique sont plus faciles en théorie qu'en pratique et je peux affirmer que j'ai vu des hauts et des bas. Je vous souhaite encore beaucoup de succès comme vous relevez ces défis et je tiens à remercier Counterpart International pour le travail qu'ils ont déjà abattu.

Le financement de ce programme a été assuré par l'USAID. Plus précisément, il provient du peuple des États-Unis d'Amérique. Je voudrais que vous le preniez comme un cadeau de nos concitoyens envers les vôtres. Comme vous le voyez bien, le renforcement de l'engagement civique commence avec des hommes. Et si le don a été fait, la bonne volonté demeure. Et maintenant, au moment où le financement de l'USAID tire à sa fin et le programme de Counterpart International arrive à terme, la bonne volonté continuera. Le renforcement de l'engagement civique peut et doit se poursuivre.

Votre crédibilité en tant que leaders de la société civile découle de votre fidélité aux idéaux démocratiques et de votre capacité à les promouvoir. Il dépend aussi de votre engagement envers l'équité, et de votre aptitude à demander que le gouvernement veille sur cette équité. Vous êtes des acteurs civiques mais pas des hommes politiques. Votre travail consiste à réveiller le géant, pas le tuer. Votre travail consiste à aider les autres à explorer les voies qui mènent à un Cameroun plus fort, avec l’égalité des chances pour tous ses citoyens. Mais l'éveil d'un géant n'est pas facile. Le changement peut être difficile, mais nous ne pouvons pas prétendre à un quelconque progrès, ou transformation, sans changement.

Ce programme de l'USAID arrive à terme certes, mais les besoins demeurent. Et pour autant que les besoins seront là, la tâche est loin d’être terminée - ceci n’est que le début. Je vous encourage à continuer, à surmonter les défis en puisant dans l’ensemble des amples compétences que vous avez acquises pendant ces deux années. Faites-le avec vision, zèle et engagement. Pour emprunter les mots du président Obama : Pouvez-vous le faire ? Oui, vous le pouvez. Pouvez-vous réussir ? Oui, vous pouvez !

 

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