Opération Epervier. Opération Epervier : le drame de la mal gouvernance

Edmond Kamguia K. | La Nouvelle Expression Jeudi le 26 Avril 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Deux fois champion du monde de la corruption, englué dans l’inertie et dans le tribalisme, et évoluant dans une tradition de fraude électorale déguisée en dysfonctionnements, le Cameroun est victime des maux cultivés et entretenus. Il est surprenant de constater combien des Camerounais se disent surpris de vivre tout ce qui arrive à certains de leurs compatriotes depuis une quinzaine d’années sous diverses dénominations dont des noms d’oiseaux comme noms de baptême d’opérations menées, avec plus ou moins d’objectivité et dans le cadre de vastes missions d’assainissement transformées selon certains en règlements de comptes.

ADS



Malgré les démentis officiels, l’opinion publique semble privilégier la piste de règlements de comptes politiques. L’opération Epervier est ainsi considérée comme un instrument politique. Plusieurs dizaines de ministres ont été arrêtés et jetés dans les prisons de New Bell, à Douala et de Kondengui à Yaoundé, pour des détournements de fonds, d’autres personnalités citées dans des dossiers accablants continuent pour diverses raisons de vaquer à leurs occupations.

Mal gouvernance enracinée

Il fut un temps ou le chef de l’Etat en personne demandait où sont les preuves lorsque la presse dénonçait des malversations et autres détournements de fonds publics. La mal gouvernance a pris corps au Cameroun et s’est si bien enracinée qu’il n’a pas fallu attendre longtemps pour que notre cher et beau pays soit déclaré par deux fois, en 1998 et 1999 champions du monde de la corruption, selon le classement de l’Ong Transparency international. Le gouvernement camerounais a essayé de lutter contre la corruption. Sans succès. En octobre 1996, le premier ministre, Peter Mafany Musonge avait demandé aux membres du gouvernement d'appliquer les règles de la bonne gouvernance en combattant entre autres choses, la corruption, la surfacturation, la pratique des pourcentages, etc.

Un plan de lutte contre la corruption avait même été lancé dans une campagne à travers les médias pour sensibiliser l'opinion sur le sens de la chose publique et poser les bases d'une moralisation des comportements. Sans effet. La lutte contre la corruption ne convainc pas beaucoup. La corruption fait partie du quotidien des Camerounais. Créée 2006, la Commission nationale de lutte contre la corruption (Conac) a détaillé des cas de détournements de fonds. Le rapport que de la Conac avait fait sur ses trois premières années d’activité était assez révélateur. Selon ce rapport : «Si l'Etat venait à bout des pratiques de corruption actuellement en cours dans les services du ministère des Travaux publics, les ressources budgétaires qu'il investit dans la construction des routes seraient suffisantes pour construire trois fois plus de routes de mêmes longueurs et de mêmes consistances».

Cet extrait de l’investigation menée en 2010 par la Conac sur un important projet de construction routière à l’est du pays, notamment la route Ayos-Bonis, est fort significative. La Conac avait clarifié la connivence entre l’entreprise de construction «peu fiable» qui avait remporté le marché et l’administration. Il y a eu aussi le projet maïs ou près de 35% des subventions allouées par l’Etat aux paysans de la filière avait fait l’objet de détournements, principalement au profit d’agents du ministère de l’Agriculture et d’organisations paysannes complices. Le ministère des Finances, via ses nombreux agents du Trésor indélicats nommément cités, avait également été indexé comme une administration à «haute intensité de corruption». Sous la pression des bailleurs de fonds, Paul Biya, a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille et a promis que la tâche se poursuivrait au cours de ce septennat. Il tient à redorer le blason considérablement terni du pays en la matière.

On comprend le retour de l’Epervier qui vient de frapper un ancien Premier ministre et un ancien ministre d’Etat. Mais, on a du mal a croire que Paul Biya veut vraiment éradiquer la corruption et les détournements par ce que le fameux article 66 de la Constitution n’est toujours pas appliqué. Inclus dans la constitution de janvier 1996, cet article 66 de la Constitution prévoit la déclaration des biens et avoirs de hauts responsables. L’enrichissement insolent de beaucoup de nos dirigeants, dont certains ne sont pas inquiétés, montre la difficulté à voir l’application de l’article 66 par le régime en place. Une loi promulguée le 25 avril 2006 relative la déclaration des biens et avoirs n’a jamais été appliquée.



Tumi : «Plus proches d’une dictature que d’une démocratie»

Depuis la fameuse conférence tripartite d’octobre et novembre 1991, le Cameroun a manqué de nombreuses occasions qui étaient pourtant propices à la consolidation de sa démocratie en construction. C’est à la Tripartite que les jalons de l’élaboration d’une nouvelle constitution sont posés. Le Comité Consultatif constitutionnel de décembre 1994 présidé par le Premier ministre Achidi Achu n’avait tenu compte que de ce qui pouvait arranger le président Paul Biya dans les travaux de la commission présidée a partir de mai 1993 par le Pr Joseph Owona. Le comité d’Achidi Achu avait ignoré des dispositions importantes et consensuelles.

Christian Cardinal Tumi avait claqué la porte de ce Comité le 19 décembre 1994 en estimant non seulement qu’il n’était pas assez représentatif, mais aussi que qu’il y avait perte de temps et tromperie «en l’absence des partis politiques qui représentent 60% de notre électorat». Depuis, les règles consensuelles ont toutes été violées et la confiance n’est plus partagée entre les différents acteurs de la scène politique camerounaise. En mars 2009, répondant a une question de Reuters, Christian Tumi estimait que «nous sommes plus proches d’une dictature que d’une démocratie». Il dénonçait la mauvaise gouvernance et la corruption qui alimentent des frustrations.

 

ADS

 

ADS

ADS

Les plus récents

Rechercher un article

ADS

ADS