Cameroun - Consommation. Oléagineux :La crise s’enlise

Jean De Dieu Bidias | Mutations Vendredi le 23 Octobre 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
La filière enregistre des méventes inédites, du fait notamment des importations massives et incontrôlées des huiles végétales.

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Comment se compose la filière camerounaise des oléagineux ?

C’est au sein de l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc) que se regroupe la cette filière. Constituée de Sodecoton SA, Scr Maya et Cie, Azur SA, Scs/Rafca, Spfs, Cco SA, et Saagry, elle produit 90% des huiles végétales raffinées de palme, de coton et de soja, et 85% de savons de ménage disponibles dans l’espace commercial camerounais et même dans la sous-région. Il s’agit là d’un des secteurs clés du tissu économique et industriel du Cameroun – il est troisième en termes d’équilibre de la balance commerciale -, qui présente l’avantage de pouvoir intégrer en amont les industries de première transformation (Cdc, Pamol, les plantations villageoises…) qui assurent l’offre des huiles brutes de palme, de coton, de soja et d’arachide, et en aval les industries de la seconde transformation (les raffineries, les savonneries, les margarineries…) qui assurent l’offre en huiles raffinées, en savon de ménage, et en margarine. Officiellement, cette filière représente  9,5% du secteur industriel et 28,5% du sous-secteur des industries agro-alimentaires.



Elle connait une croissance de 5% en 2014 après une hausse de 15%en 2013. « C’est une filière dont les industries ont investi plus de 30 milliards F Cfa entre 2014 et 2015 pour l’extension des superficies et les constructions de nouvelles unités de transformation.  Portant ainsi à près de 600 milliards F Cfa le montant déjà investi pour 50.000 emplois directs crées », a-t-on appris de la bouche du président du comité de régulation de la filière des oléagineux au ministère du Commerce, Emmanuel Nkoulou Ada. C’était au cours d’une conférence de presse qu’il a donnée hier à Yaoundé, en compagnie du secrétaire général de l’Asroc, Jacquis Kemleu Tchagbou.

C’est quoi la crise que traverse le secteur ?

Filière à fort potentiel de croissance et à forte valeur ajoutée, elle connait malheureusement, depuis le début de l’année 2015, connait une situation de crise due, d’une part à l’importation massive d’huile végétales ne respectant pas la réglementation en matière de pris et de norme d’application obligatoire (prix de référence de 1500 le kg pour la taxation des huiles de palmes raffinées importées et la norme NC77 2002-03 (Rev 2011)) et d’autre part, l’insécurité frontalière dans la partie septentrionale à cause de la nébuleuse Boko Haram et à l’Est Cameroun du fait de la proximité et des conflits armés en République centrafricaine.

Cette crise qui vient perturber la saine concurrence devant prévaloir sur le marché a, de manière mécanique, favorisé une situation de dumping avec pour effet directe la mévente des produits locaux et constitution des surstocks dans les magasins des unités de production.

Quelles en sont les conséquences ?

Selon l’Asroc, « ces méventes ont entrainé en même temps une réduction considérable des taux d’utilisations des capacités de production des unités passant de 70% en général à près de 30% », avec pour conséquences la mise en chômage technique du personnel, la baisse de revenus des populations rurales qui sont en amont de la filière, la perte de rentabilité des gros investissements réalisés, etc. La baisse des recettes pour tous les acteurs de la filière se situe autour de 50%.  Les conséquences de cette crise ne sont pas moins ravageuses pour l’Etat. Des simulations effectuées par l’Asroc et le comité de régulation de la filière  font état de ce que le trésor public perd entre 15 et 25 milliards F Cfa d’impôts non payés issus des industries déjà fermées. Bien plus, cette crise ferait perdre 0,9 point de croissance au Cameroun, entre autres.

Que fait le gouvernement face à cette situation ?

Le gouvernement du Cameroun a adopté, depuis 2009 le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce), dont la transformation accrue des matières premières est un des facteurs déterminants. Paradoxalement, sa réaction en vue de sauver la filière des oléagineux de l’asphyxie s’avère inefficace. Au niveau central, le comité de régulation de la filière des oléagineux a saisi sa hiérarchie directe (le Mincommerce), ainsi que le Premier ministre pour dénoncer la situation créée ; il a même fait des propositions d’assainissement de la filière eu égard au contexte qui prévaut. Mais, les conclusions assorties d’instruction de la Primature au terme des réunions interministérielles de concertation ayant eu lieu au ministère des Finances (le 21 mai dernier), puis dans les services du Premier ministre (le 27 mai), n’ont pas changé grand-chose sur le terrain. Le Pm s’était pourtant montré assez ferme, en instruisant : l’annulation sans délais de toutes les autorisations des importations d’huiles végétales ne respectant pas la réglementation en vigueur ; l’organisation sous la conduite du ministre du Commerce d’une opération coup de poing sur le terrain à travers des contrôles des produits non conformes ; et le contrôle systématique des containers des brocantes afin de détecter les cargaisons d’huile raffinées qui y sont dissimulées.

Pourquoi ça coince ?

Pour assurer l’opérationnalisation de ces mesures sur le terrain, particulièrement l’opération coup de poing, et afin d’analyser l’impact de ces mesures sur les différents marchés, le comité a effectué une mission d’évaluation à Douala, Limbe, Bafoussam et Yaoundé auprès des unités de production de la Filière, du 20 au 30 septembre 2015. Le constat général qui s’y dégage : « Au niveau des agro-industries (première transformation) il n’y a plus véritablement de surstocks de l’huile de palme brute du fait des transformateurs, principalement l’Asroc, qui ont respecté leur engagement d’achat ; au niveau des transformateurs (raffineurs et savonniers) il y a un début d’amélioration dans les ventes même si on note encore la présence de certaines huiles importées non conformes », rapporte Emmanuel Nkoulou Ada. Le pavé dans la mare, qui pourrait malheureusement compromettre à nouveau ce début d’assainissement, c’est un communiqué du ministère des Finances diffusé par voie de presse en date du 14 septembre dernier. Ce document sans date ni signature faisait état de la suspension jusqu’au 31 décembre 2015 des exigences de présentation de déclaration d’importation (Di) et d’attestation de vérification d’importation (Avi). « Y faisant suite, le comité, sur résolution prise lors de sa réunion du 13 octobre dernier, a saisie le ministre du Commerce et le Premier ministre (…) pour dénoncer cette mesure contraire aux actions menées pour l’assainissement de la Filière », indique un de ses membres. Ce qui précède n’est pas de bon augure, et semble indiquer que l’asphyxie de la filière locale des oléagineux pourrait être beaucoup plus longue qu’on ne l’imagine.

 

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