Crise Anglophone. Maurice Kamto publie son plan pour mettre un terme la crise anglophone

cameroun24.net Mardi le 17 Mars 2020 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le président du MRC a choisit le journal britannique Mail&Guardian pour publier son plan en anglais.

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 Le 18 mars de l’année dernière, le secrétaire d’État adjoint américain aux Affaires africaines, Tibor Nagy, a rencontré le président camerounais Paul Biya à Yaoundé, la capitale du pays. La réunion a eu lieu après près de trois ans de préoccupations croissantes concernant la violente descente dans le chaos des régions du nord-ouest et sud-ouest du Cameroun. Le gouvernement central et les séparatistes de notre minorité anglophone se sont engagés dans un conflit brutal découlant des griefs valables de la minorité anglophone concernant la marginalisation et des efforts délibérés et continus pour diluer leur héritage culturel anglais dans la culture majoritairement francophone du Cameroun.

Plusieurs mois après, en décembre 2018, avant une audience en commission devant la Chambre des représentants des États-Unis, Nagy avait soulevé la question du Cameroun comme l'un des conflits les plus graves au monde, déclarant: «Je crains que [la crise] ne puisse aller de mal en pire " Il avait, en effet, raison. Et la sombre prédiction de Nagy était parallèle à celle d'innombrables militants, journalistes et dirigeants pro-démocrates camerounais, y compris mes propres collègues, qui ont constamment sonné l'alarme - mettant souvent leur vie et leurs moyens de subsistance en danger pour le faire, et faisant face à la colère des autorités camerounaises.

Les Nations Unies estiment prudemment que le conflit en cours a tué plus de 3 000 personnes et déplacé près de 700 000 autres dans les régions anglophones, un nombre stupéfiant qui représente environ 20% de la population de notre pays. Plus récemment, le 14 février 2020, une vingtaine de villageois, dont 14 enfants et une femme enceinte, ont été massacrés dans le village de Ngarbuh, dans la région nord-ouest, par des membres présumés de l'armée camerounaise. Cette situation a entraîné une instabilité massive au Cameroun, ainsi que dans la sous- région, y compris chez notre voisin le Nigéria, où des dizaines de milliers de civils - principalement des femmes et des jeunes enfants - ont cherché une sécurité éphémère.

Un an après la rencontre entre Nagy et Biya, rien n'a changé . En fait, la crise n'a fait que se métastaser, en grande partie en raison de l'incompétence du gouvernement camerounais, des actes de violence étatiques et des brutalités impensables, et d'une détermination durcie parmi les séparatistes anglophones du Cameroun, qui considèrent désormais les représailles violentes comme la dernière et apparemment la seule option pour répondre à leurs demandes.

Un plan réalisable pour résoudre l’aggravation du conflit camerounais (qui ne représente que l’un des nombreux symptômes de la dictature brutale de Biya qui règne depuis des lustres) est attendu depuis longtemps. Le mois dernier, je me suis rendu à Washington DC pour exprimer mes préoccupations et présenter une vision alternative pour assurer un Cameroun démocratique et stable. Pour mes efforts, j'ai été accueilli par des menaces de mort et des intimidations, ce qui a incité les législateurs américains à exiger mon retour en toute sécurité. Ces risques, bien sûr, ne sont pas surprenants à la lumière de mes neuf mois de prison en 2019, ainsi que de ce qui semble être une tentative de mort le week-end dernier lors d'une visite à Garoua, une ville du nord. Je ne serai pas dissuadé et je ne me tairai pas.

Voici mon plan pour faire avancer le Cameroun, de la violence en cours à une paix juste. D'abord et avant tout, comme acte de bonne foi, le gouvernement camerounais doit immédiatement libérer tous les prisonniers politiques incarcérés, en raison notamment du conflit anglophone, ainsi que de la crise postélectorale déclenchée par le simulacre de l'élection présidentielle d'octobre 2018, qui a prolongé le règne de Biya à presque quatre décennies à la tête de l'Etat du Cameroun. Parmi les prisonniers libérés, doit figurer , par exemple, Ayuk Tabe, une voix bien connue de la communauté séparatiste anglophone, et Mamadou Yacouba, le premier vice-président de mon parti politique, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun.

Deuxièmement, la violence des deux côtés doit cesser aujourd'hui. Pour accomplir cet exploit, le gouvernement camerounais, et Biya en particulier, doit accepter au moins un cessez-le-feu temporaire avec les forces séparatistes dans les régions anglophones, y compris la suppression de toutes les grandes installations militaires. Notre peuple a subi suffisamment de calamités et de nouvelles violences ne feront que renforcer les animosités désormais presque insurmontables des deux côtés.

Troisièmement, les séparatistes et le gouvernement central doivent convenir d'un cadre de base pour un dialogue inclusif. Un élément clé de cette feuille de route sera d'avoir des discussions honnêtes sur la forme et la composition d'un nouvel État camerounais. Pour moi, le fédéralisme est la clé d'un avenir plus durable et plus pacifique. Le dialogue proposé, présidé par un médiateur international impartial, contribuera au règlement définitif de la guerre civile, qui est en train de se propager et qui déchire les régions anglophones. De nouveaux retards dans l'atteinte de ces objectifs sont totalement irresponsables.

Quatrièmement, le gouvernement doit aider les citoyens anglophones à retourner dans leurs foyers et leurs communautés en s'engageant à reconstruire les infrastructures détruites pendant la guerre, y compris d'innombrables résidences privées, hôpitaux et écoles. En effet, la plupart des écoles des deux régions anglophones sont déjà vides depuis trois ans, privant effectivement notre pays de son avenir et d'une génération de connaissances et de compétences nécessaires.

Enfin, le gouvernement de Biya - en coordination avec la société civile et l'opposition pro-démocratie - doit entreprendre des réformes politiques attendues depuis longtemps; en d’autres termes, nous devons nous attaquer aux causes profondes des crises en cascade au Cameroun. Il doit y avoir une réforme consensuelle du système électoral, certainement avant la planification de toute nouvelle élection, pour éviter les conflits post-électoraux qui se sont envenimés au cours des 17 derniers mois. De même, il doit y avoir une rédaction consensuelle d'une charte camerounaise unique garantissant le respect des libertés fondamentales et des droits de l'homme bafoués depuis trop longtemps.

Ces initiatives interdépendantes instaureront le respect mutuel qui est nécessaire, et qui fait jusqu'à présent défaut, pour forger une voie viable à suivre pour le Cameroun. S'ils sont entrepris de bonne foi, par les deux parties du conflit, nous, Camerounais patriotes, pouvons sérieusement commencer à assembler notre tissu social effiloché. Ce n'est pas irréparable, mais le moment est venu d'agir. Ce n'est qu'alors que nous, citoyens concernés, pouvons commencer à faire confiance à nos dirigeants, à guérir les divisions et avoir foi en notre avenir en tant que nation.

Traduction de BORIS BERTOLT
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Cameroon can achieve peace. But first, it needs a ceasefire

On March 18 last year, the United States assistant secretary of state for African affairs, Tibor Nagy, met Cameroonian President Paul Biya in Yaoundé, the country’s capital. The meeting took place after nearly three years of mounting concerns about the violent descent into chaos in Cameroon’s northwest and southwest regions. The central government and separatists from our English-speaking minority have been engaged in a brutal conflict deriving from the latter’s valid grievances about marginalisation and the ongoing, deliberate efforts to dilute their English cultural heritage in the predominantly French culture of Cameroon.

Several months earlier, in December 2018, before a congressional committee hearing in the US House of Representatives, Nagy raised the issue of Cameroon as among the world’s most dire conflicts, stating: “I fear that [the crisis] could get much, much worse.” He was, indeed, correct. And Nagy’s grim prediction paralleled that of countless Cameroonian activists, journalists and pro-democracy leaders, including my own colleagues, who have consistently raised the alarms — often putting their lives and livelihoods at risk for doing so, and incurring the wrath of Cameroonian authorities.

The United Nations conservatively estimates that the ongoing conflict has killed more than 3 000 people and displaced nearly 700 000 more in the Anglophone regions, a staggering number that comprises about 20% of our country’s population. Most recently, on February 14, about two dozen villagers, including 14 children and a pregnant woman, were massacred in the village of Ngarbuh in the northwest region by suspected members of the Cameroonian army. This state of affairs has led to massive instability inside Cameroon, as well as the surrounding region, including in our neighbour Nigeria, where tens of thousands of civilians — mainly women and young children — have sought fleeting security.

One year after the meeting between Nagy and Biya, nothing has changed for the better. In fact, it has merely metastasised, largely due to government incompetence, ongoing acts of state violence and unthinkable brutality, and a hardened resolve among Cameroon’s Anglophone separatists, who now view violent retaliation as the last and seemingly only option to achieve their demands.

A feasible plan to resolve Cameroon’s worsening conflict (which represents only one of the many symptoms of the long-ruling, long-abusive Biya dictatorship) is long overdue. Last month, I visited Washington DC to raise my concerns and to present an alternative vision to secure a democratic and stable Cameroon. For my efforts, I was greeted with death threats and intimidation, which prompted US legislators to demand my safe return. These hazards, of course, are not surprising in light of my nine-month prison ordeal in 2019, as well as what appears to be an attempt on my life this past weekend while touring Garoua, a town in the north. I will not be deterred, and I will not be silent.

Here is my plan to move Cameroon forward, from ongoing violence to a just peace. First and foremost, as an act of good faith, the Cameroonian government must immediately release all political prisoners who have been incarcerated, ostensibly because of the Anglophone conflict, as well as the post-electoral crisis triggered by the sham presidential election of October 2018, which extended Biya’s almost four-decade rule. The prisoners released must include, for example, Ayuk Tabe, a well-known voice from the Anglophone separatist community, and Mamadou Yakuba, the first vice-president of my political party, the Cameroon Renaissance Movement.

Second, the violence on both sides must end today. To accomplish this feat, the Cameroonian government, and Biya specifically, must agree to at least a temporary ceasefire with separatist forces in the Anglophone regions, including the removal of all major military installations. Our people have suffered enough calamity, and further violence will only entrench the now nearly insurmountable animosities on both sides of the divide.

Third, the separatists and the central government must agree to a basic framework for inclusive dialogue. A key element of this roadmap will be to have honest discussions about the form and make-up of a new Cameroonian state. For me, federalism holds the key for a more sustainable and peaceful future. The proposed dialogue, presided over by an impartial international mediator, will work towards the definitive settlement of the now full-blown civil war that is tearing apart the Anglophone regions. Further delays toward this end are wholly irresponsible.

Fourth, the government must assist Anglophone citizens to return to their homes and communities by pledging to rebuild infrastructure destroyed during the war, including countless private residences, hospitals and schools. Indeed, most schools in the two Anglophone regions have already been empty for three years, effectively robbing our country of its future and a generation of knowledge and needed skills.

Lastly, Biya’s government — in co-ordination with civil society and the pro-democracy opposition — must undertake long-overdue political reforms; in other words, we must address the root causes of Cameroon’s cascading crises. There must be a consensual reform of the electoral system, certainly before the planning of any new elections, to avoid the post-election conflicts that have festered for the past 17 months. Relatedly, there must be a consensual drafting of a uniquely Cameroonian charter that guarantees the respect of basic freedoms and human rights, which have been trampled on for too long.

These interrelated initiatives will build the mutual respect that is required, and thus far lacking, to forge a viable path forward for Cameroon. If undertaken in good faith, by both sides of the conflict, we, as patriotic Cameroonians can earnestly begin to stitch together our frayed social fabric. It is not beyond repair, but the time to act is now. Only then can we, as concerned citizens, begin to trust in our leaders, heal divisions, and to put faith in our future as a nation.

Maurice Kamto is the president of the opposition Cameroon Renaissance Movement and a former political prisoner in Cameroon

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