Cameroun - Politique. Marafa Hamidou Yaya, démarche de survie ou acte de défi

Agnès Tailé | leseptentrion.net Mercredi le 15 Février 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Yaya effectue une sortie de Yaoundé, la première depuis son éviction du gouvernement, et sa toute première descente dans son fief du septentrion.

ADS


Cette nouvelle a fait le tour des rédactions jeudi dernier, et piqué l’intérêt de tous les analystes politiques. Un intérêt d’autant plus vif qu’en début de semaine, La Nouvelle, de Météo et de L’Anecdote avaient consacré leur « une » respective à l’ancien ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale et de le décentralisation (Minadt). Nos trois confrères, comme s’ils s’étaient abreuvés à une source commune, annonçaient l’interpellation prochaine de Marafa Hamidou Yaya, présenté par le premier comme un « pouvoiriste » qui a mis à profit son séjour au sommet de l’Etat pour se constituer une vaste clientèle. Et par le dernier comme un conspirateur ayant à sa solde une armée de 6000 hommes.

Dans cette ambiance chauffée à blanc par la presse et les commentaires de salon et la rumeur qu’est-ce que Marafa Hamidou Yaya a voulu passer comme message en mobilisant sa base? Lui qui, du temps de sa splendeur, ne s’était pratiquement jamais livré à un tel travail d’exhibition politique. Lui qui, dans son fief de Garoua, a toujours préféré les conciliabules et les petits comités aux grandes messes populaires. Lui qui, dans ses différentes charges ministérielles, a toujours apparu aux Camerounais comme un homme discret, peu disert sur ses actions politiques, attribuant tous ses succès à la seule clairvoyance du chef de l’Etat.

Cette sortie politico-médiatique peut être interprétée comme un pare-feu contre les projets funestes de l’Epervier. Il faut dire que les témoignages de certaines personnalités détenues à la prison centrale de Kondengui pour détournements des fonds alloués à l’achat d’un avion présidentiel fait peser le soupçon sur sa probité. Peu avant son éjection du gouvernement, l’on se souvient que Marafa Hamidou Yaya s’était retrouvé dans la ligne de mire de Wikileaks.

Dans un échange avec Janet Garvey, ex-ambassadrice des Usa à Yaoundé, l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation aurait relevé qu’une menace planait sur plusieurs personnalités mises en cause par la justice, dans le cadre de l’Opération Epervier. « Je peux me retrouver en prison » aurait confessé le ministre d’Etat.

La peur semble donc avoir pris ses quartiers dans le camp de Marafa. Il refuse de se vautrer dans une posture de coupable, contrairement à Abah Abah, Atangana Mebara qui, se sachant voués à la prison, avaient vécu de long mois sans rien entreprendre, dans l’attente d’une hypothétique clémence du prince. A la différence de Gervais Mendo Ze ou Ephraim Inoni qui se sont fait oublier, dans l’espoir d’échapper à la guillotine, Marafa Hamidou Yaya a choisi la solution de l’offensive.

L’ancien Miantd trahit ainsi une absence de sérénité, certes, mais il montre aussi par là que, contrairement à ce qui est communément admis dans l’univers du Rdpc, le décret ne signe pas la fin d’un homme politique. On peut avoir une existence, avec ou sans un poste ministériel, avec ou sans l’onction de Paul Biya.

Cette option, qui peut s’apparenter à une démonstration de force, a ses avantages et ses risques. Tout dépend de la manière dont le chef de l’Etat, et tous ceux qui le poussent à crucifier Marafa Hamidou Yaya en lui attribuant des intentions « pouvoiristes », vont percevoir cette mise en scène politico-médiatique. S’ils y voient un acte défi lancé au pouvoir de Paul Biya, la stratégie risquée de Marafa Hamidou Yaya pourrait s’avérer suicidaire, et l’entrainer dans les geôles de Kondengui où séjourne Yves Michel Fotso.

Ce dernier, on s’en souvient, précipita sa chute en posant à l’égard d’Amadou Ali un geste de bravade que Paul Biya n’apprécia pas. S’ils y voient un simple acte de survie d’un homme désespéré, Marafa Hamidou Yaya pourrait voir son sursis prolongé. Pour combien de temps?

Portrait
Marafa Hamidou Yaya, Un peul à la croisée des chemins

L’on lui trouve un destin « curieux » pour ceux qui connaissent le parcours atypique de Marafa Hamidou Yaya. Né en 1952 à Garoua dans la région du nord, il fait l’essentiel de ses études au Cameroun. Du primaire au secondaire, il n’abandonne pas sa ville natale jusqu’à l’obtention du baccalauréat série D en 1973 au lycée de la même ville. Il poursuit ses études académiques à la faculté des sciences de l’université de Yaoundé de 1973 à 1976 où il décroche une licence en géologie. A la suite d’un concours, Marafa va aux Etats-unis où il fait de brillantes études à l’université du Kansas encore appelé Ku. En 1980, il décroche un diplôme en ingénierie pétrochimique.

De retour au bercail la même année, l’homme au charisme avéré se trouve une place au soleil. Sa carrière au bled débute par El-Serepca à Douala de mai à septembre1980. Il ne fera pas long feu car ambitieux, il pose ses valises à la Société nationale des hydrocarbures (Snh) où il tient les rênes du département exploitation-production pendant presque une décennie. Alors qu’on ne lui prédisait guère des élans de politique, il fait une ascension fulgurante dans les alcanes du pouvoir. Après le département exploitation-production, dans la même structure il devient conseiller technique en charge des relations avec le Fonds monétaire international et la Banque mondial.




Commence ainsi une longue et fructueuse carrière au cœur de la haute sphère politico-administrative avec selon des indiscrétions, le parrainage du philosophe Ebenezer Njoh Mouelle. Secrétaire d’Etat n°2 au ministère des finances du 27 novembre 1992 à juillet 1994. Conseiller spécial du président de la République entre juillet 1994 au 08 décembre 1997 puis secrétaire général de la présidence de la République du 08 décembre 1997 au 27 avril 2001, il quitte ce poste à la suite de la « magie » du décret présidentiel pour rejoindre le ministère de l’Administration territoriale et la décentralisation (Minadt) en qualité de ministre d’Etat où d’aucun lui donne le statut de « pion stratégique » de l’homme-lion.

Il joue plusieurs rôles prépondérants dans les différentes phases électorales qu’a connu le Cameroun pendant son séjour dans ce département ministériel. Qu’il s’agisse de l’Observatoire national des élections (Onel) ou de Elections Cameroon (Elecam), pour les camerounais, le fils de Bibémi a toujours été pesé de tout son poids pour mener à terme les échéances électorales au profit du Paul Biya. Membre du comité central du Rassemblement démocratique du peuple Cameroun (Rdpc), puis quelques années plus tard, membre du bureau politique, Marafa a de quoi faire peur estiment certains observateurs. C’est finalement, le 9 décembre dernier qu’il s’est vu décharger des ses fonctions ministérielles, lui ouvrant ainsi les portes d’une sortie presque inattendue du gouvernement.

PJK
 

ADS

 

Lire aussi : Ce que pense Maurice Kamto du tribalisme au Cameroun
Lire aussi : Abdouraman Hamadou Babba : «Le Président du Conseil constitutionnel, est obligé d'expliquer pourquoi le Président de la République veut prolonger le mandat des députés»

ADS

ADS

Les plus récents

Rechercher un article

ADS

ADS