France. Les racines du Mal: Attentat de Nice. Les questions qui font mal

The Spark Mercredi le 20 Juillet 2016 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le scénario paraît tout simplement impensable.

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LES RACINES DE LA VIOLENCE

Aujourd’hui, les nouveaux groupes de mécontents, potentiellement dangereux, ne sont plus les ouvriers ou les étudiantes, mais ceux qui ont été créés par une immigration récente et mal intégrée: comme toujours, les jeunes hommes sont les plus enclins à la violence; souvent, ils ne disposent que d’une formation rudimentaire, connaissent le chômage, passent par la criminalité et la prison, demeurent sans perspectives réelles d’intégration. Ils sont culturellement différents. Ils sont très souvent des musulmans poussés vers un extrémisme radical, ou simplement des noirs guidés par un regard racial discriminatoire, ou tout simplement des blancs aux idéologies non avouées. Ainsi, que ce soit sur le sol africain, européen ou américain, les regains de violence sont légions.

Leur colère s’est exprimée ces dernières années dans les périphéries des grandes villes, surtout en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Belgique et aux Etats-Unis, où se mélangent des problèmes sociaux, ethniques et culturels. Ces explosions de rage n’ont toutefois pas su exprimer des programmes ou des revendications précises. Dans ce vide politique, la religion sert à nouveau d’amalgame idéologique et d’opportunité d’identification pour les mécontents – parfois même pour des chrétiens convertis. Il s’agit aujourd’hui d’une forme simplifiée et fanatisée d’islam, dont Internet est l’instrument de propagande globale.

Deux phénomènes nouveaux en sont le produit en Occident: d’un côté, le djihad intérieur, le terrorisme religieux qui s’est manifesté de façon sauvage à Paris; de l’autre, très récemment, l’émigration de personnes qui participent au djihad dans des régions du monde déstabilisées – comme la Syrie ou l’Irak – dans lesquelles le pouvoir est incapable de contrôler la violence organisée.

De ce point de vue, le terrorisme islamique peut être vu comme une nouvelle forme atomisée de violence sociale – et religieuse – à la recherche des lieux de «vide politique» où cette violence peut s’exprimer. Cela se passe désormais à l’échelle de la planète.

Cette perspective historique permet peut-être de limiter les réactions hystériques face à une «menace islamique» globale et de mobiliser les expériences occidentales en matière de contrôle de la violence sociale et d’intégration des groupes potentiellement violents.

En réalité, les gouvernants ont perdu beaucoup de leur influence en Occident, surtout à la suite de ces successions de violences meurtrières. De l’autre côté, les mouvements sociaux de grande envergure deviennent de plus en plus rares, du fait que d’ un côté, le pouvoir de contrôle et de répression exercé par l’Etat s’est remarquablement renforcé; d’un autre côté, les groupes sociaux protagonistes de ces mouvements ont été de plus en plus partagés et fragmentés. Résultat, les réclamations sociales jadis portées par des grèves et des longues marches sont aujourd’hui peu à peu délaissé. Ce déclin de la contestation collective a toutefois été accompagné par la montée en force du terrorisme: influencé par les idéologies d’extrême droite ou d’extrême gauche et constituant une menace sérieuse du courant démocratique. Autres résultats de ce phénomène, ce sont les coups d’Etats observé dans les pays à démocratie dite « fragile », et les abus autorités souvent soldés par des crimes raciaux et des arrestations abusifs aux Etats Unis.

Toutefois, l’affreux massacre de Nice, et l’attaque ce mardi matin à coups de hache et de couteau, de quatre passager d'un train régional assurant une liaison entre les villes de Treuchtlingen et Wurtzbourg en Bavière (Sud) par un jeune Afghan ont relancé le débat sur le radicalisme islamique, et est venu raviver la dure peine des proches de victimes de l’attentat de Charlie Hebdo.

 

Attentat de Nice. Les questions qui font mal

Le scénario paraît tout simplement impensable.

Un camion lancé à vive allure sur la Promenade des Anglais bondée, au coeur de Nice, l’une des villes les plus surveillées de France fait plus de 84 morts et plus d’une centaine de bléssés. Comment un tel attentat a-t-il pu être possible un 14 juillet, jour de la célébration de la fête nationale de la République française ? Et pourtant… Ces questions sont sur toutes les lèvres, vu l’ampleur du massacre et le lieu, la Promenade des Anglais, classé parmi les plus emblématiques et les plus surveillés de France. Y’a-t-il lieu de paniquer face à la succession de la violence en Occidental ?

Vraisemblablement, il ne s’agit pas d’un acte perpétré par l’organisation de l’Etat islamique. En tout cas, l'enquête ouverte par le parquet de Paris n'a pas encore pu le prouver. Même si, samedi dernier, Daech a revendiqué le massacre de Nice et a présenté son auteur comme un «Soldat de l'État islamique». C'est-àdire comme un individu ayant prêté allégeance au groupe terroriste depuis l'étranger. Sauf qu'à ce jour, aucun lien entre le tueur de Nice et «les réseaux terroristes» n'a été établi, a encore déclaré lundi le ministre de l'Intérieur. Que ce soit un document, un SMS, une vidéo, un message posté sur Facebook... Les services de police n'ont retrouvé aucun élément prouvant que l'auteur du carnage de Nice a prêté allégeance à Daech, ni à un autre groupe.

Pour autant, «l'exploitation de son ordinateur illustre un intérêt certain et récent pour la mouvance islamiste radicale», a déclaré le procureur de la République. Pour le magistrat, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel fait partie de ces individus qui «obéissent aux messages d'appel au meurtre permanent (...) des organisations terroristes». «Ce sont ces mots d'ordre et cette idéologie fanatique qui peuvent conduire certains individus à passer à l'acte en France, sans avoir besoin de se rendre en Syrie et sans avoir besoin d'instruction précise», explique-t-il.

«La radicalisation peut intervenir d'autant plus rapidement quand elle s'adresse à des personnalités perturbées ou par des individus fascinés par l'ultraviolence (...) En tout état de cause, c'est un acte terroriste», conclut-il.

En revanche, le procureur n'a pas mentionné l'existence de recruteur. Sadok Bouhlel, l'oncle du tueur, interrogé par l'agence de presse AP,a pourtant affirmé que son neveu avait été endoctriné il y a deux semaines par un membre algérien du groupe terroriste à Nice. Cet enseignant à la retraite qui habite à Msaken en Tunisie aurait été mis au courant par des membres de sa famille, résidant à Nice.

L’auteur du masacre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ayant été rapidement abattu vers minuit par les forces de l’ordre, la question centrale est maintenant de savoir s’il avait des complices. On sait en tout cas qu'une arme de poing et d'autres armes apparemment factices ont été retrouvées dans le camion frigorifique de 19 tonnes loué à Saint Laurent du Var le 11 juillet, et l’on sait aussi que la région niçoise est connue pour abriter des filières djihadistes. En juin 2014, un Franco-Algérien d’une vingtaine d’années, Ibrahim Boudina, avait été arrêté à Mandelieu, près de Cannes après quinze mois passés en Syrie, avec des explosifs à son domicile, prêt à passer à l’action. Il prévoyait une action terroriste d'envergure contre le carnaval de Nice et il appartenait à une cellule islamiste soupçonnée d’avoir commis un attentat le 19 septembre 2012 contre une épicerie juive à Sarcelles, en région parisienne.

Cette filière avait en son coeur une quasi-fratrie, comme cela est souvent le cas: le «frère d’armes» en djihad d’Ibrahim Boudina, également interpellé, était Abdelkader Tliba, l’un de ses plus proches amis d’enfance. Tous deux sont aujourd’hui en détention. Le renvoi en procès de leur filière, qui comptait au total une vingtaine de personnes, a été ordonné par les juges le 7 décembre 2015. Question problématique: sur les vingt suspects concernés, dix ont été placés en détention, sept laissés en liberté sous contrôle judiciaire et trois sont visés par un mandat d’arrêt, car ils se trouvent probablement en Syrie ou en Irak.

Le conducteur du camion fou, en instance de divorce et père de famille, était-il l'un d'entre eux? A priori non. Le procureur de la République François Molins a confirmé lors de son point presse à 17 heures qu'il s'agit d'un résident d'un quartier nord de Nice. Connu comme chauffeur de poids lourds, en rupture avec sa famille, il avait été condamné à six mois de prison avec sursis pour «violence, menaces et dégradations». Etait-il en lien avec cette filière djihadiste niçoise ou en contact avec son entourage élargi ? Connu pour des faits de violence et de délinquance, il n'était pas fiché comme individu radicalisé. «Il s'agit d'un individu totalement inconnu des services de renseignement qui n'avait jamais fait l'objet de la moindre fiche» a confirmé François Molins.

Comment ce type d’attaque est-il possible dans une France en état d’urgence?

L’enquête va très vite démontrer si la police niçoise a commis une erreur majeure en laissant une partie de la Promenade des Anglais ouverte à la circulation, ou si son erreur a été de laisser ce camion de 19 tonnes stationné dans un périmètre normalement sécurisé. Une élue régionale du Front National contactée par Le Temps, l'avocate cannoise Anne Kessler, estime que toutes les mesures de précaution n'avaient pas été prises malgré la présence de barrages policiers. Contrairement à la Croisette cannoise lors du festival, la Promenade des Anglais n'était apparemment pas complétement verrouillée- elle est complètement fermée aujourd'hui - mais il est de toute façon difficile de faire barrage à un véhicule de ce type lancé à pleine allure. Après avoir essuyé des tirs de la part du conducteur, les policiers ont fini par le tuer à hauteur du Palais de la Méditerranée, où son camion s'est arrêté.

Rappelons que ce scénario d'une attaque au camion faisait partie de ceux envisagés par les forces de sécurité antiterroristes depuis le 13 novembre 2015, car il correspond aux modalités prônées par l’Etat islamique, même si les véhicules lancés contre la foule n’aboutissent heureusement pas toujours à de tels carnages.

En décembre 2014, un chauffeur déséquilibré et connu pour ses passages répétés en hôpital psychiatrique avait blessé une dizaine de personnes à Dijon après avoir crié «Allah Akbar». Quelques jours plus tard, le 23 décembre 2014, un autre conducteur avait lancé sa camionnette contre un marché à Nantes. Il avait aussi été diagnostiqué comme un «déséquilibré». Il faut aussi avoir en tête le cauchemar absolu des forces de l’ordre françaises: l’utilisation de véhicules piégés destinés, non à faucher des passants, mais à exploser, à la façon de ce qui se passe fréquemment au Moyen- Orient, comme lors de l’énorme attentat contre un immeuble de Bagdad le 2 juillet dernier, causant la mort de plus de 200 personnes.

La question de l’état d’urgence, que le président français a décidé de proroger de trois mois cette nuit – le projet de loi sera présenté au parlement mardi, alors que l'Elysée avait annoncé sa levée quelques heures plus tôt, lors de son intervention télévisée du 14 juillet – est compliquée. Sur le papier, l’efficacité de ces mesures sécuritaires d’exception semble être prouvée. Plus de 4000 perquisitions ont ainsi eu lieu depuis le 13 novembre 2015, et plus de 700 armes ont été saisies dont une partie, trouvée justement sur la Côte d’Azur, provenait d’un trafic ayant pour origine la Suisse, comme évoqué dans «Le Temps». Le filet antiterroriste s’est donc considérablement resserré sur les suspects du premier cercle, à savoir les personnes connues pour avoir des affiliations avec la nébuleuse djihadiste. Problème: ces mesures d'exception sont beaucoup moins efficaces pour traquer d'éventuels «loups solitaires» ou des délinquants discrètement radicalisés, par exemple durant leur passage en prison, voire des individus suspects en fin de peine ou de contrôle judiciaire. On voit mal comment la France peut échapper à de nouvelles rafales d'accusations, alors que le Royaume-Uni ou l'Allemagne semblent par exemple avoir mieux pris la mesure de la menace. Le maire musulman de Londres, Sadiq Khan, a affirmé ce vendredi le renforcement supplémentaire des mesures policières.

La politique au-delà des enjeux sécuritaires

La fragilité présidentielle actuelle, la montée des tensions électorales et le choc que va à coup sûr provoquer cet attentat constituent, encore plus qu’en novembre 2015, un cocktail politique hautement inflammable.

L'ancien premier ministre François Fillon a réitéré que la France est «au coeur d'une nouvelle guerre mondiale contre le totalitarisme islamique», et affirmé que «ce quinquennat se termine dans une impasse». «Nous voyons bien que cette guerre va se poursuivre» a complété Alain Juppé en se félicitant du recours annoncé par François Hollande à la réserve opérationnelle de l'armée. Sur les antennes de TF1, Nicolas Sarkozy a quant à lui porté des critiques sur les stratégies de son successeur et son incapacité à gérer la situation actuelle. Il a par ailleurs proposé qu’une autorisation soit donnée aux préfets de fermer tous les centres salafistes et d’expulser sans délai les imams qui prêchent le djihadiste. Le Premier ministre Manuel Valls a lui aussi reparlé de «guerre», appelant les Français à l'unité. L'une des réactions les plus attendues sera celle de la présidente du Front National Marine Le Pen, que les tous les sondages donnent déjà qualifiée pour le second tour des présidentielles de mai 2017.

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