Sénatoriales 2013. Le sénat, pour quoi faire ?

XAVIER MESSÈ | Mutations Mercredi le 06 Mars 2013 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Ainsi donc, les conseillers municipaux se rendront aux urnes le 14 avril prochain pour élire pour la première dans l’histoire politique du Cameroun, 70 sénateurs. Ce nombre sera complété par 30 autres sénateurs qui seront eux, désignés par le président de la République, comme le stipule la constitution du 18 janvier 1996. Cette deuxième chambre parlementaire, une fois mise en place, il ne restera plus que le Conseil constitutionnel pour boucler la liste des instruments de fonctionnement de la démocratie au Cameroun.

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La convocation du collège électoral faite par décret du président de la République le 27 février dernier, a surpris et pris de court les états majors des partis politiques du Cameroun, à l’exception naturellement du Rdpc et de ses alliés : ils s’y étaient préparés depuis de longs mois. Les autres avaient formulé des réserves. Ils estimaient que, pour que le jeu électoral soit clair et ouvert à tous pour un minimum d’équité, les électeurs, les conseillers municipaux dont le mandat avait pris fin depuis 6 mois, sont restés en fonction par la volonté du chef de l’Etat, qui avait ainsi prorogé leur mandat.

Le fait que le président Paul Biya soit passé outre les réserves et recommandations des partis politiques d’opposition, et qu’il ait néanmoins convoqué le corps électoral dans la configuration actuelle de l’électorat, rend cette élection sans enjeux majeurs, autant que les sénateurs issus de ce moule, auront quelque peine à se prévaloir d’une sincère légitimité.

Maintenant que le vin est quasiment tiré et qu’il ne restera plus qu’à le consommer, nous allons nous habituer à vivre désormais avec ce sénat. Nous continuerons par ailleurs à nous poser des questions et pour bien longtemps encore, sur les fonctions et les missions réelles de cette deuxième chambre, surtout dans notre contexte local. En règle générale, notre constitution s’est largement inspirée du modèle français actuel. De ce modèle, le Pr Georges Burdeau justifie l’existence du sénat «comme le souci d’éviter l’hégémonie parlementaire… comme une émanation des traits permanents de la nation car, par son recrutement, la seconde chambre a toujours été une émanation de la vie locale considérée comme l’expression de la continuité nationale». De son côté, Jean Claude Eko’o Akouafane, parlant du sénat au Cameroun, il lui reconnait une triple fonction : «la représentation des collectivités territoriales» ; «la consolidation de l’assise démocratique, en assurant la représentation des groupes, d’ethnies ou des minorités» ; enfin, «il apparait comme un gage d’efficacité par sa fonction d’amélioration de la production législative».






En théorie, ces deux chercheurs ne sont pas de mauvaise foi lorsqu’ils reconnaissent et clament les «vertus» du sénat. Cette chambre n’existe pas chez nous depuis 17 ans que la constitution a pourtant reconnu son importance parmi les instruments devant parfaire la démocratisation de la vie politique au Cameroun. A-t-on jamais ressenti véritablement son absence à l’exception du souci constitutionnel d’assumer la vacance du pouvoir en cas d’empêchement constaté du chef de l’Etat ? Il en est de même du conseil constitutionnel dont la Cour suprême assume allégrement les fonctions sans que rien n’ébranle la bonne marche des institutions de la République. Le sénat apportera t-il réellement quelques améliorations dans le processus de démocratisation du Cameroun ? Rien n’est sûr.

Tout semble faux au départ : le chef de l’Etat se donne le pouvoir constitutionnel de nommer 30 membres sur les 70 que comptera la chambre. Le jeu est déséquilibré ; il n’est pas démocratique ! Néanmoins, on prête à Paul Biya de s’être octroyé ces 30 places pour deux raisons. La première : au cas où son parti raflerait tous les sièges, lui se ferait alors la générosité de distribuer ses nommés aux amis de la mouvance présidentielle. La deuxième raison : au cas où le chef de l’Etat constaterait que parmi les membres élus il y a trop du «tout venant», il corrigerait le vote des conseillers municipaux en y injectant de la bonne «qualité» afin de ne pas inférioriser la seconde chambre face à l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, le prochain sénat va rejoindre les assemblées au sein desquelles on nomme les membres, à l’instar du Conseil économique social, cet autre «machin» budgétivore et totalement inopérant. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en avril dernier au Sénégal, Macky Sall a inscrit le sénat de son pays parmi les assemblées dont il ne voyait pas la nécessaire utilité dans l’espace démocratique du Sénégal. Cette promesse électorale sera tenue. Pourtant, le Sénégal n’est pas en Afrique le pays qu’on soupçonnerait de déficit démocratique, au contraire ! On ne le fera certainement pas au Cameroun, mais pourra t-on tout au moins rassurer les Camerounais que le sénat attendu ne sera pas une seconde chambre d’enregistrement? Difficile à jurer.
 

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