Zimbabwe. Le « Camarade Bob » Robert Gabriel Mugabe passe l’arme à gauche

cameroun24.net Lundi le 09 Septembre 2019 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Nonagénaire, l’ex-président du Zimbabwe qui, jusqu’en en 2017, était le chef d’Etat le plus âgé en activité au monde, s’est éteint le 06 septembre dernier, à l’âge de 95 ans à Singapour relate Mutations.

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Le dernier coup de force – parmi tant d’autres – de Robert Gabriel Mugabe à l’état civil, remonte à la mi-novembre 2017. Le président du Zimbabwe est à l’époque – suite à des déclarations menaçantes émanant de l’armée et nourries par des remous au sein de son parti, la Zimbabwe African National Union – Patriotic Front (ZANU-PF) depuis 1987 -, poussé à quitter le pouvoir par la petite porte. Il est destitué après près de 37 ans de règne à la tête de l’Etat dont 07 ans comme Premier ministre, et presque 30 ans comme président de la République. Le coup de théâtre survient après 10 jours de manifestations observées dans le pays, et une guerre des nerfs entre lui et l’armée. Ceci, au travers d’une lettre de démission lue au Parlement.

Pour ce faire, la nouvelle est annoncée par le président de l’Assemblée nationale du Zimbabwe, Jacob Mudenda. « Moi, Robert Mugabe, […] remets formellement ma démission de président de la République du Zimbabwe avec effet immédiat. […] J’ai choisi volontairement de démissionner. […] Cette décision a été motivée par […] mon désir d’assurer un transfert du pouvoir sans problème, pacifique et non violent », avait-t-il rendu public. Revenu de son exil sud-africain au lendemain de l’annonce du départ de Robert Mugabe, le vice-président du Zimbabwe d’alors, Emmerson Mnangagwa – au coude-à-coude dans la course à la succession avec la première dame, Grace Mugabe -, va prêter serment le 24 novembre 2017 comme président du pays.

Dans son discours d’investiture, il va promettre de redresser l’économie, de lutter contre la corruption, et que l’élection présidentielle de juillet 2018 serait libre et honnête. Election qu’il remporte avec 50,8 % de suffrages exprimés en sa faveur.Remercié, Robert Mugabe va se retirer des scènes politique et publique, en bénéficiant d’une « retraite dorée ». Elle incluait, entre autres, d’après France 24 qui à l’époque détaillait l’information, « […]. Ses frais médicaux (qui) seront pris en charge par le gouvernement, ainsi que ses voyages à l’étranger (il se rend régulièrement à Singapour pour être soigné). Sa sécurité sera également assurée par le gouvernement ».

Concert d’hommages

Et c’est justement de Singapour – cité-Etat d’Asie du Sud-Est -, qu’après quatre mois d’hospitalisation à l’hôpital Gleneagles, la triste nouvelle va provenir le 06 septembre dernier. Telle une page de cahier ou de livre que l’on tourne, un pan important de l’histoire de la République du Zimbabwe se referme. Le « baobab »est tombé pour se taire à jamais. Un concert d’hommages tous azimuts et à n’en plus finir va s’en suivre. « […] Le commandant Mugabe était une icône de la libération, un panafricaniste qui a consacré sa vie à l’émancipation et à la responsabilisation de son peuple. Sa contribution à l’histoire de [notre] nation et de [notre] continent ne sera jamais oubliée. Que son âme repose en paix éternelle », va déclarer sur son compte Twitter, le président Emmerson Mnangagwa.

Certains de ses homologues du continent ne vont pas manquer de lui emboîter le pas. Pour le Namibien Hage Geingob, Robert Mugabe était « […] un extraordinaire combattant révolutionnaire et tenace de la liberté qui a énormément contribué à la cause de la liberté en Afrique et en Namibie. […] ». Un « leader exceptionnel » et un « combattant de la libération et champion de la cause de l’Afrique contre le colonialisme », d’après le Sud-africain Cyril Ramaphosa. Robert Mugabe a, estime le Zambien Edgar Lungu, sa « place […] dans les annales de l’histoire africaine » pour « son combat pour la libération de l’Afrique et pour sa défense courageuse du continent ».

L’ex-président de la République démocratique du Congo (Rdc), Joseph Kabila, affirme qu’il gardera « à jamais le souvenir d’un digne fils de l’Afrique, qui a volé au secours de son pays, lorsqu’il était victime d’une agression extérieure ». Le Burundais Pierre Nkurunziza, décrit le défunt comme un « héros de l’indépendance du Zimbabwe et vaillant artisan du panafricanisme ». Pour le Gabonais Ali Bongo Ondimba, Robert Mugabe fut « un grand combattant de la libération », « un fervent panafricaniste ». « […] L’Afrique pleure un de ses dignes fils, icône de la lutte contre la domination et le colonialisme, panafricaniste dans l’âme. Que son âme repose en paix éternelle », a également réagi le président de la Commission de l’Union africaine (Ua), Moussa Faki Mahamat.

Combat nationaliste

Les hommages au « Camarade Bob » (surnom à lui attribué lors de l’indépendance du pays en 1987, à l’occasion du concert animé par Bob Marley, Ndlr), vont au-delà du continent. Ainsi, Pékin et Moscou ne vont pas rester indifférents. « Durant sa vie, il a fermement défendu la souveraineté de [son] pays, s’est opposé aux ingérences étrangères et a activement promu l’amitié et la coopération entre la Chine et le Zimbabwe et la Chine et l’Afrique », a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang. Pour sa part, le président russe, Vladimir Poutine, rappelle sa « grande contribution personnelle à la lutte pour l’indépendance » du Zimbabwe. Un combat qui, en effet, ne date pas d’hier. Né le 21 février 1924, et après ses études secondaires et universitaires, Robert Mugabe va se convertir à l’idéologie marxiste, participer à la fondation de la ZANU, et mener une guérilla contre le gouvernement raciste d’Ian Smith(homme d’Etat anglo-rhodésien puis zimbabwéen, Ndlr) en ex-Rhodésie du Sud.

Ceci fait de lui, l’un des « pères de l’indépendance » de l’actuel Zimbabwe. En 1964, il est arrêté avec d’autres chefs de file nationalistes et emprisonné pendant dix ans. Ce qui ne l’empêche pas d’étudier le droit et consolider son influence sur le mouvement nationaliste. Relâché en 1974, Robert Mugabe quitte le pays pour le Mozambique, où il prend la direction de la branche militaire de la ZANU, pour mener la guérilla contre le gouvernement raciste d’Ian Smith, avec le soutien des communistes du Front de libération du Mozambique. Un combat nationaliste durant lequel il devient Premier ministre le 18 avril 1980 et par la suite, président de la République du Zimbabwe en 1987.

Frasques et déclarations chocs

Nonobstant son amour pour son pays, le bilan de Robert Mugabe, après près de 37 ans à la tête du Zimbabwe est, à divers niveaux, jugé de négatif par des analystes et par ses compatriotes, au point de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Sa présidence et sa gouvernance à la tête du pays lui vaudront d’ailleurs des sanctions à la pelle à l’international. Soit ! Mais il n’en demeure pas moins que le « Camarade Bob » entre également dans l’histoire, pour avoir tenu tête aux « impérialistes ». Souvent provocatrices, ses frasques et autres déclarations choc, qui ont autant déclenché l’indignation de ses détracteurs que les applaudissements de ses partisans, en témoignent à suffisance. Au chapitre de ses frasques, les budgets alloués à ses fêtes d’anniversaire.

A titre d’exemple, son 85e anniversaire aurait coûté 250.000 Dollars, alors même que le pays traversait une crise économique et sanitaire. Chaque année, il ne se privait pas d’organiser de tels événements. Ses déclarations choc ne sont pas en reste. « Je suis le Hitler de [notre] époque. Cet Hitler n’a qu’un seul objectif, la justice pour son peuple, la souveraineté de son peuple, la reconnaissance de l’indépendance de son peuple et son droit à disposer de ses richesses. Si c’est ça être Hitler, eh bien, laissez-moi dix fois être Hitler », va-t-il rétorquer en 2003, à ceux qui critiquaient sa présidence. En 2005, il va qualifier George Walker Bush et Tony Blair, de « démons du millénaire ».

Et va même en 2013, aller jusqu’à s’amuser avec la religion. « Je suis mort plusieurs fois ! C’est là que j’ai battu le Christ. Le Christ est mort et ressuscité une seule fois. Je suis mort et ressuscité et je ne sais combien de fois je vais mourir et ressusciter ! », va-t-il ironiser. C’était sans compter sur la fatidique date du 06 septembre dernier, date d’un départ pour l’au-delà sans un (énième) retour possible. Ces déclarations à polémique et bien d’autres, sans oublier son caractère trempé et son franc parler, lui ont, somme toute, à tort ou à raison, forgé l’image d’un homme atypique qui ne mâchait pas ses mots, et dont le monde et principalement l’Afrique, ne sont pas prêts d’oublier de sitôt.
 

Jean-Christophe Ongagna

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