Opération Epervier. Justice. Les contours de l'affaire Vamoulké

Michel Ange Nga | Défis Actuels Mercredi le 03 Aout 2016 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Incarcéré depuis le 29 juillet dernier, l'ancien Directeur général de la Crtv est poursuivi pour une affaire complexe de 2,8 milliards de francs CFA remontant à sa prise de fonction. ...La chronologie des faits de cette affaire nous ramène quelques années en arrière. Alors que le juge d’instruction du TCS planche sur le dossier connu sur le nom de « L’affaire Mendo Zé », des déclarations indexent Amadou Vamoulké dans une affaire de gonflement de la redevance audiovisuelle reversée à la Crtv...

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«J ’attends de voir le dénouement des choses tout en espérant qu’il me sera favorable. » Septembre 2015, alors que son inculpation par le juge d’instruction du Tribunal criminel spécial (TCS), Annie Noëlle Bahounoui Batende, pour une affaire de détournement de denier public qui remonte à 2005, fait beaucoup de bruit, Amadou Vamoulké, dans une interview qu’il accorde ce mois-là à Défis Actuels, croit dur comme fer à un arrêt des poursuites pour faits non établis.

Il n’hésite même pas à relativiser sur ses convocations au TCS. « Pour l’instant, je ne suis pas encore perturbé dans mon travail de directeur général de la Crtv », confie ce journaliste arrivé à la tête de l’Office public de radio et télévision en janvier 2005.

Dix mois après cet entretien, Amadou Vamoulké a presque déchanté. Le 29 juin 2016, il est limogé de la Crtv et le 29 juillet, soit un mois après, il est incarcéré à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé après avoir répondu à une convocation de Mme Bahounoui Batende. Quelques jours après son arrestation, des questions fusent de partout tellement de nombreuses zones d’ombre subsistent dans cette nouvelle affaire de l’opération d’assainissement des moeurs dans la gestion de la fortune publique baptisée Epervier.

L’Affaire de 2,8 Milliards

L’ancien directeur de la Crtv aurait parié qu’il ne finirait pas à Kondengui comme son prédécesseur, Gervais Mendo Zé. Aux premières heures de ses déboires judiciaires, Amadou Vamoulké croyait dur comme fer à sa bonne foi et à sa réputation de gestionnaire rigoureux. Une réputation qui lui a valu le surnom de « frein à main » à son arrivée à la Crtv quand il a entrepris de baisser le train de vie de cet établissement public. Des restrictions qu’il s’est appliquées à luimême en renonçant au salaire de 8,9 millions de francs CFA que recevait son prédécesseur pour se contenter d’un peu plus du tiers. Il n’hésitait pas à dire: « chaque fois que j’ai été à un poste de responsabilité, j’ai effectué la tâche qui m’était assigné avec tout le dévouement et l’efficacité dont je suis capable. Je travaille depuis plus de 40 ans et je pense avoir servi au mieux de mes compétences », comme on peut le lire dans l’édition du 8 septembre 2015 de l’hebomadaire Défis Actuels.

Mais ses états de service ne suffiront pas à arrêter le dossier ouvert contre lui au TCS. En effet, l’instruction judiciaire ouverte contre lui en février 2015 concerne le gonflement de la redevance audiovisuelle reversée à la Crtv au cours des exercices 2005 et 2006. Il aurait commis ce forfait qui concerne 2,8 milliards de francs CFA en coaction avec son prédécesseur Gervais Mendo Zé et l’ancien trésorier payeur général de Yaoundé, Amadou Sambo (décédé). Une curiosité.

D’abord parce que les deux anciens directeurs généraux de la Crtv ne sont pas proches. Mais surtout encore parce qu’entre 2005 et 2006 Gervais Mendo Zé avait déjà quitté la Crtv.

La chronologie des faits de cette affaire nous ramène quelques années en arrière. Alors que le juge d’instruction du TCS planche sur le dossier connu sur le nom de « L’affaire Mendo Zé », des déclarations indexent Amadou Vamoulké dans une affaire de gonflement de la redevance audiovisuelle reversée à la Crtv. C’est surtout les déclarations d’Antoinette Essomba, l’ancienne directrice de la Cameroon marketing and communication agency (CMCA), la régie publicitaire interne de la Crtv, écrouée à la prison de Kondengui pour détournement de deniers publics en coaction avec Gervais Mendo Zé, qui mettent le juge d’instruction sur la piste de Vamoulké. En clair, il est reproché à ce dernier d’importances discordances entre les montants de la redevance audiovisuelle déclarée reçue par la Crtv pendant les deux premières années de sa gestion et les montants finalement décaissés par le Trésor public au bénéfice de la Crtv. L’instruction établit que le gap entre les montants déclarés et ceux reçus est un cas de détournement. Il est de 1,2 milliard en 2005 et de 1,6 milliard en 2006, soit 2,8 milliards en tout.

Pour sa défense, Amadou Vamoulké a toujours laissé entendre que ces différences étaient la conséquence d’une erreur dans les écritures comptables. Un argument manifestement faible au goût du magistrat instructeur.

Où en est cette affaire dite des  2,8 Milliards ?

Entre son inculpation le 17 février 2015 et son arrestation, l’instruction de cette affaire a considérablement évolué. Pour commencer, des sources proches de ce dossier laissent entendre que le montant de 2,8 milliards aurait été exagéré. Et il se pourrait bien qu’il soit revu à la baisse. Un chroniqueur judiciaire qui suit de près les auditions d’Amadou Vamoulké chez le juge d’instruction croit savoir que le corps du délit serait maintenant de moins de un milliard.

Mais rien n’est moins sûr. Ensuite, pour prouver son innocence dans cette affaire, l’ancien directeur général de la Crtv a demandé et obtenu du juge d’instruction un éclairage d’un groupe d’experts pour voir plus clair dans ce dossier. Le rapport synthétique de ces derniers indique qu’au stade actuel de la procédure, il est impossible de dire avec exactitude si Amadou Vamoulké a réellement participé à gonfler l’enveloppe de la redevance audiovisuelle. Toute chose qui tourne à l’avantage de l’ancien directeur général de la Crtv, car le doute profite toujours à l’accusé.

Pour quelle affaire Amadou Vamoulké a été arrêté ?

Si pour la presse il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’Amadou Vamoulké est actuellement détenu pour l’affaire des 2,8 milliards, qui concerne le gonflement de la redevance audiovisuelle reversée à la Crtv, dans les milieux judiciaires le doute sur cette thèse demeure. Et s’il est difficile de croire qu’Amadou Vamoulké a été arrêté pour cette affaire de gonflement de la redevance audiovisuelle, c’est pour une raison qui ne manque pas de pertinence. En février 2005, quand elle prend la décision de l’inculper, Annie Noëlle Bahounoui Batende se refuse de signer un mandat de dépôt. En clair, Amadou Vamoulké est inculpé libre. Ce qui suppose qu’il devait comparaitre libre devant le tribunal si jamais l’instruction se concluait par une confirmation des charges. Dans les couloirs de la justice, on a du mal à croire que le juge d’instruction ait fait machine arrière en autorisant l’arrestation de l’ancien directeur de la Crtv.

Si cette hypothèse s’avère être vraie, quelle est cette nouvelle affaire de détournement qui doit à Amadou Vamoulké d’être inculpé actuellement à Kondengui ? Difficile à dire pour l’instant.

Toutefois, ce mode de procédé n’est pas nouveau avec l’opération Epervier. On se souvient que c’est six jours après son arrestation en mars 2008 que Polycarpe Abah Abah, l’ancien ministre de l’Economie et des finances, a pris connaissance du dossier qui l’inculpait. Est-ce le même scénario qui se reproduit ou Annie Noëlle Bahounoui Batende a clairement fait connaitre à Amadou Vamoulké les raisons de son inculpation ?

Le film de L’arrestation

Après son limogeage de la Crtv, Amadou Vamoulké se doutait-il que le vent de l’espoir avait changé de direction ? Dans les couloirs de la justice et les milieux de la presse, on ne vendait plus chère sa peau. Ce qui passait encore pour une rumeur avait considérablement gagné en audience après que le TCS a émis une réquisition en vue du retrait de son passeport et d’interdiction de sortie du territoire. Plus que jamais, les journalistes épiaient les couloirs feutrés du TCS attendant le jour fatidique. Il finit par arriver le 29 juillet dernier sans que la presse soit vraiment au courant.

Ce jour-là, Amadou Vamoulké répond à une convocation du juge d’instruction, la énième du genre. Tout s’accélère quand il ressort du bureau du juge. Il obtient la permission de passer quelques coups de fil. Il appelle ainsi Me Jackson Ngnié Kamga, le bâtonnier du barreau du Cameroun, son nouvel avocat (son précédent avocat, Me Ngongo Ottou, s’est désisté). Il a aussi le temps d’appeler un ami journaliste pour l’informer qu’un mandat de dépôt vient d’être signé contre lui.

Quelques minutes plus tard la nouvelle se répand comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux sans vraiment étonner les internautes.

Une personne présente pendant le transfert de M. Vamoulké des bureaux du TCS à la prison de Kondengui décrit un homme qui feignait de garder la bonne humeur malgré le ciel qui lui tombait sur la tête.

Rumeurs de salon

Avec l’opération Epervier, les arrestations obéissent à un procédé quasi kafkaïen . Il y a au commencement la rumeur qui gonfle comme une montgolfière, vient ensuite le limogeage si le concerné est encore aux affaires. Il s’en suit l’arrestation et l’instruction de l’affaire et pour finir les supputations sur les raisons politiques de l’arrestation. Les discussions sur ce dernier volet s’imposent dans les salons cossus et dans les salles de rédaction depuis que l’opinion a fini par se convaincre (à tord ou à raison) que l’opération Epervier cache une purge politique initiée par les cercles du pouvoir.

Dans le cas d’Amadou Vamoulké quelle explication l’emporte pour supputer les raisons politiques de son arrestation ? Un observateur de la vie politique camerounaise est convaincu que les déboires judiciaires du nouveau pensionnaire de Kondengui ont avoir avec Jean-Marie Atangana Mebara, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, en rupture de ban avec le pouvoir et incarcéré lui aussi pour une affaire de détournement de deniers publics. Si la proximité entre MM. Vamoulké et Atangana Mebara est difficile à établir, il reste que c’est le second, du temps où il était secrétaire général à la présidence de la République, qui a contribué à faire nommer le premier à la tête de la Crtv en 2005. Amadou Vamoulké, qui était avant sa nomination conseiller de l’homme d’affaires James Onobiono, a certainement bénéficié d’un puissant entregent pour se retrouver à la tête de la Crtv car il est difficile de voir un homme venir du secteur privé pour occuper une telle fonction.

« La déstabilisation des réseaux Mebara se poursuit en haut lieu et Vamoulké en est une victime », confie notre source.

Peut-on se fier à cette thèse ? En 2013, les mêmes explications avaient déjà animées les conversations privées après l’arrestation de Charles Metouck, l’ancien directeur général de la Sonara, que Jean-Marie Atangana Mebara avait aidé à nommer à la tête de la Sonara. Sauf que ce dernier dans son dernier ouvrage « Secrétaire général de la présidence de la République » explique n’avoir jamais entretenu des relations privilégiées avec Charles Metouck et encore moins avec Amadou Vamoulké.

réputé d’être un homme solitaire, rigoureux qui snobe toutes manigances, Amadou Vamoulké a toujours gardé son flegme pendant ces heures de gloire tout comme dans l’adversité. Et pourtant, l’ancien directeur de la Cameroon radio and Television (Crtv) a dans son carquois une vie professionnelle enviable. cet homme aux multiples vies pourrait-on dire, a fait de l’intégrité son leitmotiv jusqu’à sa fin de règne à la télévision nationale.

Amadou Vamoulké, 66 ans, a surfé sur l’image d’homme intègre et travailleur qu’il a forgé dès les années 80, alors qu’il occupe son premier poste de responsabilité entend que rédacteur en chef à Cameroon tribune. Quatre ans plus tard, il est porté à la tête de l’imprimerie nationale où il passera dix ans (1984-1994). Seulement cette expérience de directeur de l’entreprise parapublique lui laisse un gout aigre-doux malgré son bilan plutôt satisfaisant pour sa hiérarchie. Il démissionne pour embrasser une nouvelle carrière de manager à la Sitabac.

Conseiller spécial puis de directeur de l’administration de la logistique et des ressources humaines, dans cette société de fabrication du tabac, Amadou Vamoulké va une fois de plus montrer sa rigueur dans le travail. Visionnaire, le natif de Gobo dans le département du Mayo- Danay, région de l’Extrême- Nord va quitter la Sitabac avant sa faillite. En dépit du fait que les entreprises dont il a la charge broient du noir dès son départ, Amadou Vamoulké n’a jamais été inculpé de mauvaise gestion. Il se veut donc intègre dans sa gestion tout en gardant jalousement les valeurs éthiques managériales.

C’est donc un manager rigoureux et intègre qui prend les rênes de la Crtv en 2005. Mais seulement, quelques mois avant son limogeage le 29 juin 2016, sa gestion était déjà fortement questionnée par les autorités judiciaires, ce qui lui a finalement valu d’être écroué à kondengui le 29 juillet dernier.

Sur terrain politique Amadou Vamoulké reste presque inconnu. Pourtant, cette élite du Mayo Danay est un fervent militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais depuis sa création en1985.

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