Opération Epervier. Justice : Les robes noires de l’opération épervier

Mutations Samedi le 22 Aout 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Des plus anonymes aux plus célèbres, les victimes de l’opération d’assainissement des mœurs et des finances publiques (opération épervier) se comptent par centaine dans les geôles du pays de Paul Biya.

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Englués dans des procédures dont l’orthodoxie est de temps en temps contestée, ces avocats ont formé derrière eux une armée de défenseurs qui se battent pour que lumière soit faite, et surtout que justice soit rendue. Que le droit triomphe et que les sentences soient objectives. Dans ces procès où être présumé coupable prime sur la présomption d’innocence.

Les avocats de l’opération épervier sont à coup sûr, les chevilles ouvrières de l’action judiciaire engagée contre « les prévaricateurs de la fortune publique ». Ils sont par essence contestataire du statu quo en matière de justice, la preuve étant la source à laquelle il s’abreuve, ils deviennent belliqueux et parfois impétueux, lorsqu’ils se rendent compte que les textes et règlements que les hommes se sont librement fixés sont foulés aux pieds et les droits de la défense bafoués.

Ils sont peu, pour ne pas dire inexistants, dans ces procédures pendantes devant le Tribunal criminel spécial, qui trouvent que les jugements sont proportionnels aux fautes reprochées à leur client. Quand ils ne nient pas tout simplement l’indépendance des magistrats, pour voir une main noire au-dessus des décisions condamnant leurs protégés, le temps d’un procès. De Michel Thierry Atangana, Edzoa Titus, Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah, Ondo Ndong, Emmanuel Edou, Paul E. Kingué, Olanguéna, Marafa et les autres, les conseils sont unanimes, « c’est une parodie de justice ». Dans ce cercle fermé, et ces couloirs encombrés des palais de justice, quelques uns ont choisi de raconter leur vécu, dans ces procès qui très souvent sont comparables à des spectacles, tant leurs clients sont ceux là qui hier paraissaient intouchables.

Me Emmanuel Pensy : Le précurseur des défenseurs des « éperviables »

    Conseil d’Etondè Ekoto dans l’affaire Pad, il dit avoir subi de nombreuses pressions, intimidation et menaces.

Me Emmanuel Pensy fait son entrée dans l’Opération Epervier en 2006, avec la toute première affaire qui oppose le Port autonome de Douala (Pad) à des accusés, dont Edouard Etondè Ekoto. Une Opération qui, dès l’entame, présente de nombreuses difficultés de tous ordres. « Je suis le premier à avoir exercé comme avocat dans le cadre de l’Opération Epervier. C’était en 2006, dans l’affaire qui opposait Etondè Ekoto au Port autonome de Douala. J’étais son principal avocat, avec Me Mbongo Bwamè et Me Likalé. C’était à l’époque où on demandait aux magistrats l’obligation de résultats de condamner, et nous avons eu pas mal de problèmes dans le cadre de cette affaire », relève l’avocat, avant de poursuivre : « Il y avait des audiences quatre jours par semaine. Pendant trois ans, la procédure était épuisante. On ne nous donnait pas la totalité des pièces du dossier. La procédure était violée et le parquet ne faisait que des réquisitions à charge. Les magistrats avaient reçu des pressions et des ordres », soutient-il.

A en croire l’avocat, les difficultés étaient multiples, parce qu’on a contraint les cabinets d’avocats à sacrifier le 4/5ème de leur temps pour satisfaire à cette Opération Epervier. Ce qui a failli ruiner leur cabinet. « Il y avait une pression énorme dans ce dossier. Les pressions venaient de toutes parts. A l’intérieur du tribunal, il y avait des agents de service », se souvient l’avocat. Et ce n’est pas tout. Me Pensy se souvient également du cambriolage manqué dans son cabinet et du cambriolage dans le cabinet de Me Mbongo Bwamè. A cela, s’ajoute une convocation du commissaire de la police judiciaire, « parce qu’un procureur avait pris le soin de demander que je sois entendu. Une autre fois, quelqu’un m’a demandé de raconter les confidences de mes clients, ce que je n’ai pas fait, parce que l’avocat est tenu au secret professionnel », relate Me Pensy.

Des pressions auxquelles celui qui a eu son Certificat d’aptitude à la profession d’avocat en octobre 1977 à Paris, et qui est inscrit au Barreau de la même ville n’a pas cédé. Cependant, son travail a conduit les juges de la Cour suprême à rendre les trois premiers arrêts dans cette Opération, arrêts qui datent du 22 janvier 2007 et du 09 avril 2007. Des difficultés qui n’ont pas empêché la libération d’Etondè Ekoto, malgré l’absence de son premier avocat qui se trouvait en France pour des problèmes de santé.

Me Nouga

    Déterminé, malgré les menaces

Dans d’autres affaires, il dit avoir gagné bien plus. Me Nouga parle alors là de ses honoraires. « J’ai défendu des dossiers dans l’affaire du génocide rwandais et je peux vous assurer que je me suis fait de l’argent», explique-t-il. C’est également grâce à ce dossier que l’avocat s’est fait un nom sur la scène internationale. Au Cameroun, il a défendu bien des ministres dans les cours. Mais, le client qui l’aura fait sortir de sa discrétion est Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des Finances et précédemment directeur des Impôts. Avocat du ministre bien avant son inculpation pour faits de corruption, notamment dans les procès contre les journalistes Michel Michault Moussala, Gilbert Bahonla et les autres qui avaient publié de « fausses informations » sur le ministre, l’arrestation de son client en 2008, sans notification de la raison de l’arrestation, motivera davantage Me Nouga à rester aux côtés de son client. « Défendre M. Abah Abah, c’est défendre une véritable cause. Je ne vois en mon client qu’un grand créateur, porteur d’un grand potentiel, très inventif et très attaché aux résultats », affirme Me Nouga.

Sa collaboration avec le ministre l’invite, selon lui, chaque jour à se questionner sur la crédibilité du système judiciaire au Cameroun. « En défendant ce type de client, on découvre que le Cameroun a un système judiciaire sérieux. Mais, les forces endogènes veulent décrédibiliser le système. J’interpelle le président de la République à poser un regard attentif sur tous ces membres du gouvernement qui décrédibilisent toute une institution judiciaire pour des ambitions personnelles. Il est impératif qu’il agisse », affirme Me Nouga.

Malgré cet état de choses, avec les autres avocats du conseil de M. Abah Abah, il engrange des victoires. « Nous avons gagné tous les procès contre les journalistes ; notre client a été acquitté dans l’affaire Lydienne Eyoum. Je dois dire pour m’en vanter un peu que nous sommes les seuls à avoir obtenu autant de succès », se gargarise le titulaire d’une maîtrise en droit public à l’Université de Yaoundé, obtenue en 1987.

Des succès qui lui valent des menaces de mort. Au quotidien, il en reçoit sur son téléphone. « Vous vous attaquez à un système qui a le bras long. Faites attention, un de vos proches veut vous assassiner » est l’un des intitulés des sms qu’il reçoit au quotidien. Mais, le titulaire de deux Dess en droit international de l’homme et en droit international humanitaire obtenus à l’Université de Strasbourg n’a pas peur de « mourir pour le travail qu’il aime faire ». Me Nouga est aussi un homme politique. Un militant de l’Union des populations du Cameroun (Upc). Il ne se réclame d’aucune faction du parti des crabes, mais plaide pour « un parti au fonctionnement légal ». Mais, Me Nouga rassure : son appartenance à ce parti n’a jamais eu d’influence sur son travail d’avocat.

Avocat depuis bientôt vingt ans, il dit être fier de la carrière qu’il a menée. Mais il souhaite mieux à sa fille qui vient d’être admise au Barreau du Cameroun. « Je lui souhaite une profession plus calme et mieux rémunérée», espère-t-il.

Me Alice Nkom :La dénonciatrice du rapace

    Le nouveau conseil de Jean Marie Atangana Mebara trouve que les procès de « l’Opération épervier » sont viciés dès le départ.

« J’étais la première à dénoncer les violations de la loi dès l’arrestation du ministre Abah Abah Polycarpe, d’autant plus le nouveau Code de procédure pénale, qui a coûté beaucoup d’argent à l’Etat du Cameroun, était en train d’être violé d’une manière inacceptable ». C’est avec ce propos que l’avocate, qui défend l’ancien Sg/pr, introduit son propos, lorsqu’elle donne son avis sur les procès en détournement de deniers publics auxquels font face certains pontes du régime. Pour Alice Nkom, tout est fait pour que le travail des avocats soit rendu le plus difficile possible. Elle en donne une illustration sur le cas dont la charge vient de lui échoir : « J’ai demandé un renvoi au motif que je venais de me constituer, à la suite d’autres avocats et qu’il me fallait du temps pour étudier le dossier. L’avocat général de l’audience, ainsi que celui de l’Etat, ont trouvé cela normal. Et contre toute attente, le tribunal a donné huit jours. C’est un très mauvais signal », explique l’avocate. Elle pense pour cela qu’il pèse une « sérieuse menace » sur le procès équitable de son client. Le temps à elle imparti pour prendre connaissance du dossier (08 jours) étant très court. Celle qui s’érige en défenseur des droits des minorités dit aussi avoir fait prévaloir son lieu de résidence (Douala. Ndlr), son âge et la non octroi des moyens de l’Etat pour assurer son déplacement, rien n’y a fait.

Au-delà de toute cette plaidoirie au niveau du tribunal, Me Nkom, qui est nouvellement constituée conseil de Atangana Mebara, n’est pas encore entrée en possession de la copie du dossier, tel qu’édicté par la loi, aux greffes du Tribunal criminel spécial. Une copie qu’elle déclare ne lui être pas encore parvenue. D’où la dénonciation des huit jours accordés par le tribunal. Et pour elle, cette façon de faire « cache quelque chose d’inavouée ». Du haut de sa toge, elle déclare craindre pour le respect du procès équitable auquel a droit son client. Celle qui aujourd’hui défend l’ancien ministre des Relations extérieures avoue n’avoir subi aucune pression. Mais, elle ajoute que « tout est fait pour que vous perceviez que ceux qui sont censés rendre la justice sont soit aux ordres, soit se substituent aux textes ». L’indépendance de la justice, en ce qui concerne l’opération d’assainissement des mœurs publiques, « est un leurre. Tout magistrat qui a montré des velléités d’indépendance a senti passer sur lui la main du ministère de la Justice ». Plusieurs procédures sont ainsi plombées du fait d’une justice qui ne donne même pas aux justiciables les chances de pouvoir se tirer d’affaire. Me Alice Nkom estime à cet effet qu’« il y a tellement à dire et à redire sur cette justice. Mon combat, à mon niveau, est que seul le droit doit prévaloir ».

Me Claude Assira

    La justice des contradictions

    L’avocat estime que le malaise est profond dans la façon dont les décisions de justice sont faites et défaites par les tribunaux.

Bien ancré dans le milieu de la justice au Cameroun et ailleurs, Me Assira est l’un des avocats du Barreau camerounais à avoir un Cv bien fourni et une adresse recommandée. Il justifie d’une expérience dans les procédures menées au Cameroun. Du haut de cette posture, il peut se permettre une rétro vision et dire avec objectivité ce qu’il pense de cet espace, tout en marquant une frontière claire entre ses sentiments d’avocat et la réalité des palais de justice, à l’heure de la sentence « pour avoir été devant le tribunal de grande instance (Tgi), avec une impression de combat permanent pendant près de deux ans, pour une décision définitive qui était favorable en mai 2012. Alors que devant le Tcs, j’ai pris vingt ans pour mon client. La façon de faire de ces juridictions m’a semblé contradictoire, comme s’il ne s’agissait pas des mêmes faits », déclare Me Assira, avec un air de dépit dans la voix. Il trouve qu’il y a comme de la mesquinerie dans la procédure judiciaire. A son avis, « on vous donne l’impression, lorsque que vos droits au niveau de la procédure sont pris en compte, et que les exceptions soulevées sont considérées, alors qu’au moment de la sentence, vous vous rendez compte que rien de tout ça n’a joué en votre faveur », affirme-t-il. Tout se passe donc comme si les décisions étaient prises d’avance et que le palais ne représentait qu’une forme de théâtre censée distraire le public. L’avocat estime en outre que les sanctions sont prises bien avant l’étape du procès et que tout ceci participe d’une justice dont on ne peut prévoir les décisions. Démonstration à l’appui, Me Assira revient sur l’affaire Mebara : « Devant le Tgi et le juge Schlick, on avait l’impression que tout était fermé, que toutes les demandes étaient rejetées, mais on a abouti à une décision avantageuse, ce qui n’a pas été le cas au Tcs ».

Me Claude Assira Engoute, par ailleurs enseignant de droit pénal à l’Université catholique d’Afrique centrale s’inscrit au préalable en faux avec cette approche qui a conduit à la création du Tcs. «Habitué aux promesses non tenues des pouvoirs publics, l’observateur averti est resté circonspect sur la création et l’efficacité future du Tcs. Il est vrai que l’impression de grande improvisation qui a entouré la création de cette nouvelle juridiction n’était pas de nature à renforcer sa crédibilité ». Il trouve pour cela que le temps pris pour mettre en place une juridiction chargée de redresser les mœurs dans le contexte camerounais, et les moyens employés pour y parvenir ont tué dans l’œuf l’esprit même qui aurait dû sous tendre cette institution. « Il aura fallu pas moins de deux lois consécutives pour traduire ce qui était pourtant présenté comme la pierre angulaire de la lutte contre la corruption et les infractions connexes. Les particularités procédurales observées en matière de lutte contre les atteintes à la fortune de l’Etat font du Tcs, dont c’est le champ de compétence matérielle exclusive, une juridiction dont l’anachronisme est amplifié par la comparaison avec ce que prévoit, pour les infractions de droit commun, le code de procédure pénale». Les avocats, dans ce contexte, sont donc confrontés à un problème qui relève d’abord des textes, puis se pose celui des hommes chargés de mettre en pratique ces derniers.

Me Dieudonné Happi

    C’est comme si on en voulait à nos clients

Me Dieudonné Happi est l’un des avocats au Barreau du Cameroun à avoir défendu le plus grand nombre de justiciables depuis le lancement de l’Opération Epervier. Tenez, par exemple. : Me Dieudonné Happi était l’un des avocats constituant la collégialité dans la défense de l’ex délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala (Cud), Edouard Nathanaël Etondè Ekoto dans deux affaires : celle dite du Port autonome de Douala (Pad) et celle qui l’opposait à la Cud. Il a également assuré la défense de Paul Gabriel Ngamo Hamani, ancien administrateur directeur général de la Camair. Me Dieudonné Happi est également intervenu dans l’affaire du Chantier naval et industriel du Cameroun (Cnic), en assurant la défense de Massot Rose, ex directrice administrative et des ressources humaines du Cnic et coaccusée de Zacchaeus Forjindam dans cette affaire.

Ainsi, depuis 2009 qu’il intervient dans ces dossiers, Me Dieudonné Happi a rencontré de multiples difficultés y relatives. « Dans l’affaire de la Cud, la difficulté réside dans le fait que la Cud ne permettait pas l’accès aux pièces qui s’y trouvaient ; l’opposition de la Cud à la comparution de ses employés. Il en est de même pour le dossier du Chantier naval et industriel du Cameroun », explique l’avocat. Et ce n’est pourtant pas tout. Dans le dossier Camair, les mêmes difficultés se sont posées. « Si on avait pu accéder aux pièces à temps, Ngamo aurait été acquitté. De même, il y a eu le refus systématique des juges d’instruction d’accepter une contre-expertise sollicitée par les accusés et leurs avocats. Les sociétés d’Etat concernées par le dossier refusaient systématiquement de nous donner les pièces et nous on avait l’impression qu’elles avaient peur d’être accusées de connivence », note l’avocat.

Des blocus qui, avoue l’avocat, « nous faisaient croire qu’on en voulait particulièrement à nos clients. Notamment dans le cas du Chantier naval et la Cud, et cela se ressentait au niveau de la partie civile », informe Me Happi. Cependant, l’avocat expérimenté avoue n’avoir pas fait l’objet des pressions extérieures ou de quelque menace que ce soit. Il avoue d’ailleurs poursuivre avec sérénité ces dossiers dont certains sont à la Cour suprême.

Me René Manfo

    L’avocat des causes perdues

En quinze années passées au grand tableau de l’ordre des avocats au Barreau du Cameroun, il aura rencontré plusieurs difficultés et défendu plus d’une cause pratiquement perdue. Quelques clichés : avocat de la défense, il a défendu Jean Pierre Kouendé, jeune pêcheur assassiné contre le commissaire Bélo, deux de ses officiers, trois inspecteurs et des gardiens de la paix. Ledit commissaire avait écopé d’une condamnation de quinze années de prison. Dans un autre dossier, il a défendu le nommé Ngounda, dans la ville de Kumba. Son client était poursuivi, car, accusé d’avoir assassiné Sakwé, père du procureur général de Buéa. Le mis en cause a été acquitté pour faits non établis.

En plus de ces dossiers, plusieurs autres non moins négligeables, telles que la défense de Pierre Batabak, de Money Money Akwa. Mais, il y a aussi les dossiers Lapiro de Mbanga et Paul Eric Kinguè, poursuivis dans le cadre des émeutes de février 2008.

Des succès qui lui ont valu plusieurs sobriquets. « Mes camarades de banc m’ont surnommé René Dalloz. Ils disent que j’avais des solutions pour les références juridiques. Mes jeunes confrères me surnomment « Passager 57 » (en référence à Wesley Snipe, acteur principal dudit film), parce qu’ils disent que sans moi, Lapiro et Paul Eric Kinguè seraient restés en prison », relève-t-il. Même les médias ne sont pas en reste. « Sur les plateaux de télévision, on m’appelle « l’homme des dossiers difficiles » ou encore « le Verges camerounais ». Pourtant, ses nuits et son travail ne sont pas de tout repos. Cela, du fait de la pression du travail, mais également, du fait de diverses pressions et menaces. « Vous savez, quand on a des dossiers comme ceux-là, il y a des menaces de mort, des tentatives de corruption, des coups de fil anonymes, et on vous demande de laisser tomber votre client. Ce n’était pas facile, mais, il faut rester professionnel et défendre son client jusqu’au bout », note l’avocat qui dit poursuivre son travail, celui de la défense des plus faibles.

Me Albert Dimé

    Le libérateur d’Edouard Etondè Ekoto

Pendant sept années passées à défendre l’ex délégué du gouvernement auprès de la Cud, il a connu de nombreuses difficultés.

Cela n’a pas du tout été facile, mais, au bout du travail abattu par Me Albert Dimé et les autres avocats de la collégialité, dont Me Dieudonné Happi, il y a eu le succès, la récompense, la libération effective d’Edouard Nathanaël Etondè Ekoto dont il assurait la défense. C’était le 6 mai 2014. Cependant, malgré cette issue favorable, le conseil de la défense a rencontré de nombreuses difficultés. « Les difficultés se rapportaient à l’obstruction généralisée aux droits de la défense, notamment dans les règles de conduite d’un procès équitable : l’égalité des armes entre l’accusation et la défense, des expertises partiales, des délais de procès déraisonnables, à la limite de l’usure pour des accusés en détention, la chape de plomb autour des témoins à décharge, l’environnement, y compris médiatique, voué à une forme de « panique morale » se fondant sur une pseudo « présomption de culpabilité » qui a d’ailleurs été dénoncée dans un ouvrage collectif dirigé par Charly Gabriel Mbock sous le titre : « Opération Epervier : un devoir d’injustice ?», note Me Albert Dimé.

L’avocat admet également que l’environnement du travail n’était pas du tout serein. Et, comme cause de cette absence de sérénité, la liberté professionnelle qui se trouvait plutôt bridée dans le déploiement à l’issue de la procédure et des requêtes élémentaires « qui semblaient devoir attendre des avis d’on ne sait quelles officines extra procédurales ». Par contre, même s’il soutient n’avoir pas fait l’objet de menaces, d’appels anonymes, Me Albert Dimé reconnaît que certains avocats s’en sont plaints, avec des cambriolages plutôt suspects ayant visé leurs ordinateurs de travail. Mais, « les conditions psychologiques et la perception du peu de cas fait de l’intérêt d’une bonne défense des accusés incitait à les avocats à se retirer, à l’effet de ne pas se rendre complice de la condamnation de leurs clients dans une parodie de procès qui leur donnait l’impression de les accompagner à l’échafaud ».

Me Bernard Keou

L’avocat se sent inutile.L’homme qui a libéré le Français Michel Thierry Atangana, Me Bernard Keou, pense que « les magistrats n’ont jamais eu le courage d’appliquer le nouveau Code de procédure pénale qu’ils connaissent pourtant bien. Rien ne justifie par exemple que vous opposiez à l’accusé un document qui n’a pas été préalablement discuté. Le code est clair à ce sujet». Il poursuit : «La personnalité des accusés suscite des passions, même au sein du corps de la Justice. Les procès de l’Opération Épervier sont suivis autant par le peuple que par le pouvoir exécutif et les magistrats croient à tort devoir protéger leur carrière», renchérit Me Keou. Au grand dam des avocats.

«Même si le président de la République, Paul Biya, venait à avoir des ennuis judiciaires aujourd’hui, il reposerait ses espoirs sur son avocat. Mais dans les procès de l’Opération Épervier, on empêche presque l’avocat de faire son travail, du moment où le code de procédure pénale a du mal à être appliqué. Chaque avocat a le choix des moyens de sa défense mais, dans le cas d’espèce, l’avocat se sent écrasé et inutile. Il est temps que le Barreau se prononce et prenne position», préconise Me Keou.
 

Georges Parfait Owoundi, Blaise Djouokep et A.N

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