Cameroun - Football. Joseph Antoine Bell: «Le vœu de tous les Camerounais est que la Fécafoot change»

Mboafootball Lundi le 22 Avril 2013 Sport Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Dans une interview fleuve au quotidien Mutations, l’ex-gloire estime que l’heure du changement a sonné à la Fecafoot. L’ancien capitaine de l’Olympique de Marseille dit ce qu’il pense de Paul Biya, Mohammed Iya, Samuel Eto’o, Issa Hayatou, Roger Milla, Claude Le Roy…

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Un collectif d’anciens footballeurs camerounais, conduit par Kaham, Mabouang, Tataw et bien d’autres, s’est réuni récemment à Yaoundé. Ils disent, entre autres, ne pas se reconnaitre, dans le Comité citoyen de redressement du football camerounais dont vous êtes membre. Comment réagissez-vous à ces déclarations ?

Je crois qu’il y a un mélange de genres. Qu’il y a, surtout, une grande confusion dans l’esprit de ceux qui parlent. Il faut faire attention aux mots. ! Le Comité citoyen n’a pas été baptisé «comité d’anciens joueurs», et on n’est pas obligé de s’y reconnaitre. Ceux qui ne se reconnaissent pas vont au Rdpc, au SDF, à l’Undp, etc. Je voudrais rappeler que personne ne m’a vu dans aucun des rassemblements du Comité citoyen auparavant. Tout le monde peut témoigner, on ne m’y a jamais vu. J’y ai été il y a environ une semaine. En réalité, tout le monde est libre de s’exprimer sous la chapelle qui lui convient. Cette polémique-là prouve la limite même de ceux qui la créent, parce qu’elle est vide de sens.

Ils annoncent une rencontre avec les membres du Comité citoyen pour le redressement du football camerounais…

Je ne suis pas au courant. Si quelqu’un veut rassembler les anciens footballeurs, il invite les anciens footballeurs. Je voudrai juste rappeler que le football camerounais n’a pas mal à ses anciens footballeurs. Il n’y a pas d’entité juridique «appelée anciens footballeurs». C’est une bataille de positionnement qui, à mon sens, est dénuée de fondement dans la mesure où, pour ce qui est des positionnements, il faut connaitre les familles qui forment la Fédération camerounaise de football.

Vous avez dit «conduit par Michel Kaham», mais ce monsieur est membre d’une commission à la Fécafoot ! De quoi parle-t-il ? Personne n’a parlé en son nom. Il parle au sein de cette commission en son propre nom. S’il veut s’exprimer aujourd’hui, il est totalement libre de le faire. Quand je parle, je ne parle au nom de personne. C’est quand même très dommageable, que des gens aient des casquettes qui n’existent pas. Quand on a été footballeur, c’est vrai qu’on continue à être perçu comme footballeur. Quand vous ne jouez plus, il ne s’agit pas de savoir marquer, de savoir arrêter des ballons, de savoir tirer des coups-francs. Il s’agit totalement d’autre chose, et il faut se positionner là-dessus, faire ses preuves. Vos prises de position doivent pouvoir montrer que vous êtes capable de faire autre chose que taper dans un ballon.

Quelle lecture faites-vous du énième bras de fer Minsep-Fécafoot avec, en toile de fond, le processus électoral au niveau des ligues décentralisées ?

C’est depuis 1995 que j’ai déclaré qu’à mon sens, il n’y a pas de justification crédible à ce qu’il y ait une guerre entre la Fécafoot et le Minsep. J’avais déjà dis, à l’époque, qu’aucun homme d’affaires sérieux ne crée de polémique avec son banquier. Je continue à maintenir cette position. Pour moi, ni sur le plan réglementaire, ni sur le plan statutaire, ni sur le plan des lois, encore moins sur le plan de l’image ou sur le plan patriotique, on ne saurait avoir, dans un pays un soi-disant bras de fer entre une association et sa tutelle, et surtout entre une fédération sportive et son ministère. Cela dénote d’une incompréhension même du fonctionnement du sport. Et cela procède d’une absence d’objectif sportif. Quand on est sportif, on ne peut pas avoir de problème pareil parce que les sportifs ont des objectifs. Et ils savent généralement avec qui ils vont les atteindre. Personnellement, je considère cela comme quelque chose de surréaliste.

« J’estime que, quand on a raison, ce n’est pas parce qu’on est riche ou grand. C’est simplement parce qu’on a raison et le droit peut être dit, peut être lu, peut être su par tous. La preuve, c’est que la Fécafoot, qui a fait ses textes, se prend les pieds dans ses propres textes. La Fifa peut dire quelque chose, on peut lui prouver que peut-être, vu de Zurich qui est assez loin de Yaoundé, elle n’a pas bien perçu de quoi on parlait vraiment ici en bassa, en éwondo ou en fufulbé. Il faudrait réexpliquer, et on pourrait se comprendre mieux en réexpliquant »

N’avez-vous pas été quelque peu déçu par l’attitude du ministre des Sports, qui a fait marche arrière face aux menaces de la Fifa ?

Je laisse au public le soin d’en juger, et au ministre lui-même de conduire sa démarche jusqu’au bout. A vrai dire, ma seule déception – qui est toute relative – est que le ministère, qui représente l’Etat, se soit senti obligé de ruser quelque peu parce qu’en définitive, quand on sait lire, le ministre n’a pas reculé véritablement sur le fond. J’aurai préféré une position plus phallique, consistant à se tenir droit et à ne pas jouer avec les mots notamment des mots administratifs – parce que le ministre, lui, n’a pas expliqué. Il a posé ses conditions, et dans ces conditions-là se trouve toute la ruse. Le ministre a demandé à l’association qu’est la Fécafoot de venir lui rendre compte des démarches qu’elle aura entreprises pour assurer la sécurité. Nos sommes dans une République, et une association n’assure pas la sécurité. C’est d’ailleurs pourquoi, le ministère lui demande de rendre compte des démarches parce que ce n’est pas à elle d’assurer la sécurité.

Mais quelles démarches peuvent-ils mener, si ce n’est des démarches vers l’administration et l’Etat, le même Etat que vous rejetez ! C’est quand même assez cornélien, de la part de l’administration, de leur envoyer une telle lettre ! Comment vont-ils s’en sortir ? Vous ne reconnaissez pas l’Etat, et on vous dit : allez donc chercher puisque vous n’avez pas de République, pas de territoire pour pouvoir agir sur ce territoire et puis, surtout, on vous dit de respecter les règles du territoire dans lequel vous êtes ainsi que les règles sportives nationales et internationales… Or, les règles nationales, c’est déjà d’aller obtenir des autorisations pour pouvoir agir, c’est aussi par exemple d’obéir au règlement du Comité national olympique et sportif du Cameroun (Cnosc), qui a été saisi par un membre de la Fécafoot.

On a coutume d’user d’un abus de langage qui fait appeler les dirigeants de la fédération, «les membres de la fédération». Ils ne sont pas membres de la fédération. Les membres de la fédération, ce sont les clubs. Quand un club porte plainte, ça veut dire qu’il y a un membre de l’association qui s’est plaint. Il y a un groupe de membres, notamment venu de l’Adamaoua, qui a saisi le Cnosc et celui-ci a é de revoir les textes précisant exactement les articles incriminés. Quand le ministre dit qu’il faut respecter la réglementation nationale, la réglementation sportive, ça veut dire : vous ne pouvez pas aller aux élections, puisque vous n’avez pas voulu de consultation. Le ministre n’avait pas présumé du résultat des consultations. Il a dit qu’il y a avait eu des récriminations, et qu’il voulait consulter toute la famille du football pour que ceux qui ont des choses à dire sur les textes les disent, et que l’on s’entende directement avec la fédération sans passer par une instance impérative comme le Cnosc. Et ça a été le cas. Allez-y respectez cela ! On s’aperçoit qu’en définitive, la reculade du ministre est non seulement relative, mais elle est finalement plus tactique qu’autre chose.

En réagissant à un communiqué de la Fifa, vous avez dit à l’un de nos confrères : «La Fifa n’est pas Dieu.» Qu’aviez-vous voulu expliquer par là ?

J’ai voulu préciser que le monde est juridique. N’importe qui peut gagner un procès contre n’importe qui d’autre, et ce n’est pas le plus gros, ou le plus riche, qui aura toujours raison. Mais pour gagner, encore faut-il avoir la volonté de se battre. Il ne faut pas juste donner les mains et se les faire lier. En plus le communiqué de la Fifa n’en était pas un. Faut pas l’oublier : la Fifa n’a jamais communiqué sur cette affaire. C’est la fédération qui nous pondu un courrier.

Ce courrier a quand même été signé par le secrétaire général de Fifa…

Vous savez, on peut très bien aller jusque-là ! Vous allez sur le site de la Fifa, vous ne retrouverez pas cette lettre. La Fifa, habituellement, quand elle menace comme on dit, parle elle-même en faisant un communiqué. Ça suppose que la Fifa considérait que tout cela restait encore très interne. Depuis que le ministre a réécrit, on ne vous a pas dit que la Fifa a dit quoi que ce soit.

Le Cameroun n’était pas obligé d’obtempérer, simplement parce qu’on a dit cela. Souvenez-vous que, quand la France a dit que le président de sa fédération devait partir, on avait entendu la Fifa répondre, à l’époque, par une vraie déclaration du genre : «nous veillons», sans plus. Ce qui ne voulait rien dire. Mais vous vous souvenez quand même que le président de cette fédération n’est le plus le même. Voilà comme on fait les choses ! J’estime que, quand on a raison, ce n’est pas parce qu’on est riche ou grand. C’est simplement parce qu’on a raison et le droit peut être dit, peut être lu, peut être su par tous. La preuve, c’est que la Fécafoot, qui a fait ses textes, se prend les pieds dans ses propres textes. La Fifa peut dire quelque chose, on peut lui prouver que peut-être, vu de Zurich qui est assez loin de Yaoundé, elle n’a pas bien perçu de quoi on parlait vraiment ici en bassa, en éwondo ou en fufulbé. Il faudrait réexpliquer, et on pourrait se comprendre mieux en réexpliquant.

Il y a un proverbe chez moi qui dit qu’il ne faut pas fuir simplement parce que l’herbe haute aura bougé, et qu’on en a déduit qu’il y a un éléphant derrière ; il faut l’avoir vu. Dire à la Fifa d’arrêter d’agir au Cameroun, ce serait fuir avant d’avoir vu l’éléphant.

Vous étiez au parfum des décisions que devait prendre le Contrôle supérieur de l’Etat au sujet de la gestion de la Sodecoton. Vous l’avez presque annoncé en scoop sur Canal 2…

Je crois que les gens exagèrent ! Si j’ai dit des choses qui sont arrivées, ça peut être par intuition, ou par mon autre attribut de «Mbombog», c’est tout. Mais je ne suis nullement en contact avec les membres Contrôle supérieur de l’Etat. Je ne les connais pas. Je ne sais même pas qui y siège. Je connais le ministre chargé du Contrôle supérieur de l’Etat, mais pas intimement. Je ne suis pas sûr que s’il devait m’appeler, il ne soit pas obligé de s’adresser à des gens autour de lui pour retrouver mon numéro. De même, je ne peux pas l’appeler parce que je n’ai pas son numéro. La vérité est que deux personnes, qui ne se connaissent pas, peuvent dire des choses en étant à des milliers de kilomètres l’un de l’autre. Quelqu’un que vous ne connaissez pas pourrait, lui aussi, affirmer que la terre est ronde et ce n’est pas pour autant qu’on dira qu’il a triché chez vous. J’ai donné des principes, des généralités qui ensuite s’appliquaient au cadre de la Sodecoton. Sur le cas de cette société, il ne faut pas être un illuminé pour dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas. La première fois, souvenez-vous que le président de l’Assemblée nationale, qui logiquement n’est pas n’importe qui, ne devrait pas dire n’importe quoi sur une société d’Etat et, qui plus est, est ressortissant du grand Nord, avait fait le même constat. Quand le ministre de l’Agriculture de l’époque vient, le lendemain, dire que ce n’est pas vrai et qu’on sait que ce ministre est PCA de Sodecoton, on peut le soupçonner d’avoir des intérêts. Quand, aujourd’hui, le Contrôle supérieur vous dit que l’une des fautes, c’est que les membres du conseil d’administration étaient surpayés, tout s’explique. Un homme compétent traine avec lui sa compétence, et un incompétent pareil. Il n’est pas possible d’être bon à droite et être mauvais à gauche. Ceux qui regardent avec sérénité, mais aussi avec honnêteté, ce qui se passe à la Fécafoot peuvent en déduire que ce qu’Iya gère par ailleurs doit être pire que la manière dont-il gère une chose aussi publique que populaire comme le football.

Vous avez les attributs de «Mbombog» : qu’est ce que ça change en vous ?

Ça change que je peux dire des choses que le Contrôle supérieur va faire, sans l’avoir consulté…

« Par ailleurs, puisque tout le monde semble l’oublier, lorsque la Fifa a mis Iya en place à travers une cellule provisoire, la mission était de rédiger les statuts et d’aller aux élections. C’était en 1998. Si, en 2013, on en est encore à parler des textes, vous convenez avec moi que l’échec n’est pas difficile à constater. C’était ça, la mission de la CEP (Cellule exécutive provisoire, Ndlr) : rédiger des textes crédibles et transparents et aller aux élections »

Selon nos sources, le président de la Caf, Issa Hayatou, a joué un rôle important pour le dénouement de la crise entre le Minsep et la Fécafoot. Vous ne cessez pourtant de dénoncer sa longévité à la tête de la Caf…

A chaque fois, les gens reprennent les propos des autres sans jamais les analyser. Personne n’a jamais pris, dans ma bouche, des propos parlant de la longévité de M. Hayatou à la Caf. Moi, j’ai joué jusqu’à 40 ans là où d’autres s’arrêtent à 25, voire 30. Je ne suis donc pas fondé à parler de longévité, je parlerai toujours de la qualité des services qu’on rend et donc de la compétence. Ce n’est pas une longue vie qui rend votre vie utile. Donc je n’ai jamais parlé de la longévité de Issa Hayatou à la Caf ; je parle de faits précis, de la manière de gérer de tel ou tel cas qui se produit.

Tout à l’heure, votre introduction tendait à montrer que la crise n’est pas dénouée. Dans le même temps, vous jetez les lauriers à quelqu’un pour le dénouement d’une crise que vous-même avez présenté comme n’étant pas dénouée. Je trouve que se sont des lauriers faciles. Je n’ai rien à lui reprocher. Je ne sais pas ce qu’il a dit ni ce qu’il a fait, toujours est-il que si vous applaudissez un gardien qui arrête un pénalty qu’il a causé, vous ne devriez pas oublier qu’il n’y aurait pas eu pénalty sans lui.

Avez-vous toujours les ambitions pour prendre la présidence de la Fecafoot ?

Je crois qu’aujourd’hui, il y a plutôt une ambition commune de tous les Camerounais qui veulent que la fédération change. Mais, avant qu’elle ne change, il y a d’abord ses textes qu’il faut mettre à jour. Ce sont des textes que la Fifa elle-même a amené le pays, et la fédération, à amender depuis 2004. On aurait dû suivre ces accords tripartites. Par ailleurs, puisque tout le monde semble l’oublier, lorsque la Fifa a mis Iya en place à travers une cellule provisoire, la mission était de rédiger les statuts et d’aller aux élections. C’était en 1998. Si, en 2013, on en est encore à parler des textes, vous convenez avec moi que l’échec n’est pas difficile à constater. C’était ça, la mission de la CEP (Cellule exécutive provisoire, Ndlr) : rédiger des textes crédibles et transparents et aller aux élections.

En 15 ans de présidence de la Fécafoot de Iya, l’équipe fanion a participé à 6 phases finales de Can, en a remporté deux et perdu une finale. N’est-ce pas là un bilan respectable ?

Si c’est comme cela que vous établissez son bilan, quel va être celui des joueurs qui jouaient, et quel va être celui des entraineurs ? Nous ne mettons pas les gens à leur place, et c’est pour cela que notre football ne marche pas. Le dirigeant que je suis n’est pas celui qui revendique un but marqué par un joueur. Je ne revendique pas des trophées, pas des buts, pas non plus les défaites. Je revendique les conditions dans lesquelles s’expriment les joueurs. Je critiquais déjà la manière dont notre football était géré en jouant. Or, en réfléchissant comme vous le faites, en présentant le bilan de cette manière, ça veut dire que tous les buts que je sauvais allaient plutôt au crédit de ceux que je dénonçais. Ce n’est pas honnête ! Un dirigeant ne joue pas au foot ; il organise. Et si vous voulez relever des faits d’organisation depuis cette époque, vous n’oublierez pas la tournée mondiale avant la Coupe du monde 2002. Tournée mondiale, c’est-à-dire le long voyage qui a fait que l’équipe a raté son Mondial, une brillante équipe pourtant. Pourtant, quand l’équipe rate sa Coupe, on le met sur le compte des joueurs et personne ne songe à l’organisation qui a entouré tout cela. Un dirigeant responsable revendique la qualité de l’environnement qu’il crée, pour que les jeunes gens s’expriment.

Sur les retombées du dernier Mondial, le président Iya a indiqué que les deux-tiers iront à la construction d’un immeuble siège, le reste pour l’érection 4 centres techniques régionaux. Ne sont-ce pas là des actions salutaires ?

Nous sommes en 2013, et cette Coupe du monde-là était en 2010. Vous avez vu l’ombre d’une réalisation, 3 ans après ? Pourquoi prenez-vous des déclarations pour des faits ? Il a aussi écrit une lettre dont vous n’êtes peut-être pas au courant. A l’époque, le ministre Michel Zoah lui avait demandé précisément de dire à quoi va servir l’argent de la Coupe du monde. Et il a répondu. A ce jour, il n’y a pas eu le moindre début des réalisations annoncées.

Le management, c’est aussi un problème de vision. Croyez-vous que le football camerounais ait pour urgence aujourd’hui un immeuble siège ? Vous pensez que notre football se portera mieux avec un nouvel immeuble siège ? En 1998, lorsque la Fifa est venue ici donner des «points de vue de Blanc», la fédération était au sous-sol du stade Ahmadou Ahidjo et ces gens-là ont dit qu’il nous fallait un siège. Dites moi quels problèmes ont été réglés depuis que nous avons le siège de Tsinga ! Dites moi, aujourd’hui, quels problèmes seront résolus par un nouvel immeuble siège ! C’est juste des travaux qui consistent à dissimuler de l’argent, et c’est dommage que l’on vous fasse répéter du n’importe quoi ! Les travaux publics ne font pas forcément avancer le football. Avoir des immeubles siège, cela ne fait pas avancer le football. Et quand la Fécafoot vous parle de construction de centres techniques régionaux, moi je veux bien, mais où est passé le Projet goal ? Depuis une quinzaine d’années, il n’est toujours pas achevé. Ailleurs, on est au «Goal 4». Vous le savez, et vous ne le leur dites pas ! Le Cameroun est collé à son «Goal 1», et personne ne trouve cela scandaleux !

Les Lions ne sont toujours pas éloignés des problèmes d’intendance…

Ce n’est pas seulement mon avis. Tout le monde le voit, et je pense qu’il faut faire attention. Les Lions ne sont pas le football camerounais, c’est une partie du football camerounais. Or, pendant longtemps – et moi aussi j’y ai contribué en tant que joueur –, les dirigeants se sont rabattus sur les Lions pour faire croire à l’ensemble du Cameroun que les Lions sont le football camerounais. C’était pour éviter de travailler, d’être jugé sur le vrai football camerounais. Le vrai football camerounais, c’est celui qui devrait se jouer tous les week-ends sur tous les terrains du Cameroun. Or, celui là n’est pas visible, n’a pas avancé. Il a nettement régressé, et les Lions aussi, parce que, fatalement, quand la fondation s’effondre, le toit fini aussi par tomber. On a essayé de vous inventer d’autres causes et d’autres problèmes pour créer de la diversion.

Le football camerounais ne va pas bien depuis très longtemps. Aujourd’hui, ce n’est plus le spécialiste que je suis qui le dit ; c’est tout le monde qui peut le voir. Et c’est dommage ! Quand je le disais, c’était pour éviter d’arriver au jour où tout le monde pourrait le constater. Pour corriger des défauts. On n’a rien corrigé. On a nié les fissures et, aujourd’hui, tout s’est effondré et on continue dans des décombres. Et certains continuent de nier et se sentent très à l’aise là-dedans, accusant tous ceux qui n’ont pas de prise direct sur les faits du football.

Sur le strict plan sportif, le Cameroun est leader du groupe I des éliminatoires de la Coupe du monde avec 6 points. Aura-t-ils les moyens pour être du rendez-vous brésilien ?

Vous revenez à ce que je vous ai dit tout à l’heure. Vous avez dit : est-ce qu’ils auront les moyens ? C’est à cela que servent les dirigeants. Et quand on parle de moyens, ce n’est pas d’aller acheter les matches comme certains dirigeants le font. Ils passent leur temps à prendre des raccourcis, alors que le sport n’aime pas les raccourcis, il ne les supporte pas. Il s’agit de mettre en place des conditions en terme d’environnement sportif, pour que les joueurs puissent s’exprimer au mieux. Aller à une Coupe du monde ne peut pas être en soi une finalité. Nous avons le football de notre pays à développer et, quand on l’aura développé, consolidé, aller à une Coupe du monde sera la conséquence de l’évolution de notre football, de son niveau. C’est un objectif purement sportif, un objectif de footballeur. Je le répète : nous commettons beaucoup d’erreurs d’appréciation dans notre manière d’appréhender le management sportif. Gagner un match est un objectif de footballeur. Quand je vois des gens qui pensent qu’ils doivent «motiver» les joueurs pour gagner un match, alors qu’est-ce que les joueurs font là ? Qu’est ce qu’ils font à être joueurs. Ce n’est pas de ça qu’il s’agit, quand on est dirigeant. C’est dommage, d’avoir des dirigeants qui vont se targuer d’avoir fait gagner des joueurs.

Chez les Lions indomptables, on parle notamment de divers clans. Y a-t-il a une solution pour ces batailles incessantes de leadership dans la tanière ?

Elles sont le reflet de la faiblesse du mangement général. Une équipe qui est bien managée n’a pas ce genre de problèmes. J’ai souvent entendu dire les Lions n’ont pas de problème, qu’ils ont les problèmes d’ego. L’ego exprime un certain narcissisme, et ce narcissisme sportif ne vient qu’avec la qualité. Or, si vous avez des joueurs avec des ego, ça veut dire que vous avez de grands joueurs. Vous ne pouvez manager de grands joueurs sans avoir à manager les ego, sauf si vous êtes vous-même notoirement incompétent. Un dirigeant ne se plein pas des ego de ses joueurs. S’ils ne sont pas justifiés, il les remet à leur place et s’ils sont justifiés, il les combine pour arriver à quelque chose.

ici avec Roger Milla et Samuel Eto’o aux obsèques de Théophile Abéga

« Vous avez dit : est-ce qu’ils auront les moyens ? C’est à cela que servent les dirigeants. Et quand on parle de moyens, ce n’est pas d’aller acheter les matches comme certains dirigeants le font. Ils passent leur temps à prendre des raccourcis, alors que le sport n’aime pas les raccourcis, il ne les supporte pas. Il s’agit de mettre en place des conditions en termes d’environnement sportif, pour que les joueurs puissent s’exprimer au mieux. Aller à une Coupe du monde ne peut pas être en soi une finalité. Nous avons le football de notre pays à développer et, quand on l’aura développé, consolidé, aller à une Coupe du monde sera la conséquence de l’évolution de notre football, de son niveau ».

Lors du transfert de Samuel Eto’o à Anzhi Makhatchkala, vous avez dit sur les ondes de Rfi, qu’il a signé son arrêt de mort sportif. N’était-ce pas un jugement assez sévère quand on sait qu’en Russie, on pratique bien le football ?

Ce que j’ai voulu dire, c’est ce que mon père m’a appris : on ne se précipite pas dans sa chambre à coucher ; on sait qu’on y finira la journée. On sait que tout a une fin, or j’estime qu’au moment où Samuel Eto’o allait en Russie, il avait encore sa place dans tous les grands clubs de la Ligue des champions et que, tout compte fait, même sur le plan financier, s’il n’était pas gagnant il aurait peut-être eu la même chose.

Mais l’offre était très alléchante…

C’était l’offre nominale. Oui, il paraissait supérieur. A Yaoundé, vous êtes à Mimboman et on vous dit qu’il y a du bon pain au centre-ville, que c’est moins cher de 25 francs. C’est moins cher, sauf que vous prenez un taxi en aller et retour, plus le temps perdu. Chez Eto’o, l’offre nominale était effectivement très alléchante, mais pour quelqu’un qui aurait pris le temps de calculer, qui aurait été quelqu’un qui a joué, ajouté au salaire en Europe occidentale et en faisant les comptes 2 ans après, il serait certainement encore allé à Anzhi pour peut-être plus d’argent encore que ça. C’est le calcul que je faisais.

Moi, j’adore le voir jouer. Je sais que les gens ne comprennent pas, confondent ma sévérité technique quand j’analyse avec l’affection que je peux avoir par ailleurs. Mais c’est deux métiers différents : l’affection est parentale et l’analyse est technique, professionnelle. Je connais très bien le foot, en tout cas si vous me l’accordez. Mais Drogba est parti en Chine, et 2 ans plus tard il est revenu. Samuel fait ce qu’il sait faire de mieux dans sa vie : jouer au football. Et c’est important qu’il joue au foot au meilleur niveau qui soit. A cette époque-là, le meilleur niveau c’était encore d’être en Italie, en Espagne ou en Angleterre. Il pouvait continuer à rivaliser avec les autres. Et il y a des indices qui ne trompent pas. Au moment où Samuel part en Russie, c’est un sujet qui me tient à cœur. Je n’avais pas vu un seul défenseur le prendre de vitesse. Ceux qui lui disaient : «tu as 30 ans, faut commencer à penser à la retraite», ils se trompent. Il pouvait encore risquer ses jambes, en jouant pour un championnat où il gagnait moitié moins qu’en Russie, mais où avec différentes primes de matches de haut niveau se rapprochait de ses revenus en Russie. Sur le plan de l’argent, je ne suis pas inquiet pour Samuel, je parlais de son plaisir et du nôtre.

Il y a 10 ans, vous avez voulu célébrer le 70ème  anniversaire du président Biya, le cabinet civil vous l’avait interdit. Avez-vous été déçu ?

Déçu, non ! Ce que je sais, c’est que depuis l’anniversaire du président est effectivement fêté, il n’est plus caché.

C’était une manière de vous rapprocher du président de la République et des institutions qu’il incarne…

Non ! Je suis suffisamment proche des institutions du Cameroun et du Cameroun, et c’est pour ça que je suis rentré vivre au Cameroun. Je n’ai pas besoin de me rapprocher davantage. J’avais déjà expliqué, en son temps, que je ne voyais aucun mal à cela. Tout le monde fête le 25 décembre, mais on n’a pas demandé sa permission à Jésus pour le faire. Il n’y a pas de raison qu’on me demande si j’ai demandé la permission. Ce monsieur est chef d’Etat, et j’avais dit que cette inspiration me venait du fait que, précisément au Cameroun, vous êtes élu président et on continue à vous considérer président de quelques uns. Je trouve cela absolument dramatique pour notre pays. Logiquement, vous êtes élu président, vous êtes le président de tous et on doit vous accompagner parce qu’il ne faut pas se leurrer. Le foot m’a tout appris que, quand l’entraîneur fait son équipe, ceux qui jouent, jouent pour tout le monde.

A l’évocation de certains noms, on souhaiterait que vous disiez ce que vous pensez d’eux, des relations que vous avez avec ces personnes…

Paul Biya…

C’est le président du Cameroun. Je viens de vous montrer quelle est ma façon de voir les choses. Le président du Cameroun est mon président, et je souhaite que chacun le sache jusqu’aux prochaines élections.

Albert Roger Milla…

C’est mon frère. On se connaît depuis qu’on est gamins. J’ai souvent raconté une anecdote, mais celle-là vous ne la retenez jamais. Lorsque Roger Milla va au Léopard, c’est mon père qui me dit : «comment vous allez faire maintenant ?» Mon propre père estimait que nous étions si liés, qu’on avait fait ensemble des choses l’Eclair qu’il se demandait comment on allait se comporter. Je peux dire, et c’est une platitude : on ne choisit pas ses frères. Je peux être brouillé, je peux même être en guerre avec Roger, mais il est impossible que j’écrive mon livre sans qu’il ne soit dedans.

Philippe Mbarga Mboa…

C’était un ami. Il a été ministre, et c’est peut-être quand il est devenu ministre des Sports que cette amitié a disparu.

Issa Hayatou…

Ce que je sais, c’est que Issa Hayatou était maître d’internat au lycée quand moi j’étais un gamin qui entrait en 6e. Là aussi, ça veut dire qu’on se connaît. En tant que maître d’internat, il était chargé de m’empêcher de jouer dans la cour du lycée. Ça veut dire que, s’il y a quelqu’un qui pouvait dire : «ce petit je l’ai vu jouer au foot à 11 ans», c’est bien lui. Il était chargé d’empêcher que je joue au foot dans la cours du lycée, mais j’ai quand même joué. Ça veut dire qu’il y a des jours où il a été complaisant, et qu’il y a des jours où il a fait le travail pour lequel il était désigné. Voilà la base de la relation. Maintenant, nos déformations de parti unique ne supportent pas que je puisse prendre des positions qui ne sont pas les siennes. Cela fait qu’on en déduit que nous devons être ennemis. Je sais qu’en tant que quelqu’un qui commande – malheureusement, qui lui-même quelque part a été formaté par ce parti unique –, il ne doit pas beaucoup supporter que j’ai ces positions indépendantes qui ne cadrent pas avec les siennes. Mais je ne connais pas ses motivations quand il prend des positions. Moi, je prends des positions purement sportives qui peuvent ne pas cadrer avec les siennes. Mais je dois aussi rappeler une chose, c’est en fait en tant que grand frère qu’il sait que je reconnais qui il est. Il ne m’a jamais appelé en disant : «tu as dit ceci et ça m’a fait mal». Je considère qu’il n’y a pas de problème entre nous d’autant que, quand on se voit, je le salue tout à fait naturellement. Ce sont ses lieutenants qui font tout un plan, et je les vois qui tournent autour, ne me saluent pas alors que leur général, lui, me salue. C’est vrai que tous m’ont connu après lui, mais il y en a parmi qui sont malhonnêtes. Ça aussi, je le dis dans mon livre. Il y a un problème avec Roger Milla, en 1984. Un de ses lieutenants me dit : la position de Issa est telle qu’il n’y a que toi pour lui faire changer d’attitude. Ça veut dire que ce type-là qui, est son lieutenant aujourd’hui, savait déjà que Issa et moi, quoi qu’il arrive, on a quand même une liaison qui fait que je peux lui dire la vérité mais, surtout, il peut la reconnaître comme étant la vérité et peut l’examiner.

Mohammed Iya…

C’est le président de la Fécafoot. Je n’ai rien de personnel contre lui, absolument rien ! On constatera certainement que lui, il doit avoir quelque chose contre moi mais je n’ai absolument rien de personnel contre lui.

Claude Le Roy…

Si on a bien lu mon livre, on verra ce que j’ai fait pour Claude Le Roy. Claude Le Roy était entraîneur du Cameroun et j’ai estimé que mes dirigeants, à Marseille, l’avaient méprisé. Donc ce n’est pas lui qu’on méprisait, c’était le Cameroun, mon pays. Je suis allé à la Can 88 par réaction au mépris que j’avais cru déceler au comportement de Michel Hidalgo, vis-à-vis de Claude Le Roy. Et finalement, Dieu faisant bien les choses on a gagné cette Can.

Vous avez écrit un livre dans lequel tout est très beau pour Bell. Vous vous attribuez le beau rôle. Vous êtes un homme parfait ?

Je ne m’attribue rien, je raconte des faits. Je croyais que les littéraires auraient plutôt fait l’analyse, pour constater que mon livre n’est pas un livre de pensées. Je ne donne pas de réflexions, je raconte des faits avec, à chaque fois, tous ceux qui étaient présents. Je vais jusqu’à donner la couleur des vêtements des gens. Je ne me donne pas de rôle. Vous voulez que, dans ma vie, ce soit quelqu’un d’autre qui ait un rôle ? Le livre raconte ce qu’Antoine Bell a vécu. Mon livre raconte des faits de ma vie. Maintenant, si quelqu’un peut mettre ces faits en cause, ce serait autre chose. Quand on lit la Bible, Jésus a le beau rôle parce que c’est un livre sur Jésus ; il n’aura pas de beau rôle dans un dictionnaire.

A travers ce livre, doit-on comprendre que la rivalité avec Thomas Nkono est sans fin ?

Pourquoi sans fin ? Le livre a des chapitres, un ou deux, qui doivent parler de cela, mais ce n’est pas un livre sur la rivalité avec Thomas Nkono. Bien au contraire, elle ne peut être écrite sans parler de lui. Il y a des gens bornés qui restent dessus. Je vous l’ai dit en commençant : aujourd’hui, il ne s’agit plus d’arrêter des ballons ou de tirer les penalties, il ne s’agit plus de diriger des défenses. La rivalité avec Thomas Nkono, qui était cristallisée là-dessus, est logiquement achevée. J’ai lui suis toujours très reconnaissant. Comme j’ai été et suis reconnaissant à Dieu et à la providence, qui l’a envoyé, parce que son existence m’a permis de travailler plus.

Un entretien mené par Emile Zola Ndé Tchoussi (Mutations)

 

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