Cameroun - Environnement. Exploitation forestière illégale: les journalistes menacés ne peuvent informer

Reinnier Kazé | JADE Mardi le 18 Février 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Les reporters qui enquêtent sur l’exploitation forestière sont souvent victimes de pressions, d’intimidations et de menaces.

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Beaucoup renoncent à dévoiler ce qu’ils savent, pour préserver leur sécurité. Au détriment des citoyens, qui ne sont pas informés.«La peur est permanente lorsque nous enquêtons sur l’exploitation frauduleuse des forêts», confie Alexis Obama Onana, journaliste à la Radio communautaire du développement de la Mvila, émettant depuis Ebolowa, dans la région du Sud. A la suite d’un reportage sur les activités d’une entreprise forestière aujourd’hui dissoute, dont le président du conseil d’administration était un général de l’armée camerounaise, le journaliste avait reçu des menaces verbales. Un proche du général lui a fait savoir qu’il aurait mieux fait de s’abstenir de traiter ce sujet. Depuis, Alexis Obama n’affiche plus le même enthousiasme. «Il ya des choses qu’on n’ose plus dévoiler par peur de se faire taper sur les doigts», indique-t-il.

Sanctions contre l’exploitation illégale

Le travail des journalistes sur l’exploitation forestière est «dangereux en ce sens que c’est un secteur où l’autorité administrative a un droit de regard», estime Vincent De Paul Messe, chargé des programmes à Odama FM, une radio communautaire émettant à Nango-Eboko dans la région du Centre. «Il y a une complicité entre l’autorité et l’exploitant. Les deux réunis abusent des riverains», dénonce-t-il. Selon lui, le journaliste qui prend le risque de décrier ce genre de complicité «est mal vu et parfois menacé».

«Un ancien préfet de mon département m’a proféré des menaces verbales», révèle Vincent. C’était à la suite de la publication d’un reportage qui montrait comment cette autorité avait imposé un exploitant forestier aux villageois de la localité de Mendom, «Il m’a dit que je n’aurais pas dû diffuser la production.»

Heureusement pour ce dernier, ce préfet est parti en retraite peu de temps après la diffusion du reportage, mais ses intimidations ont refroidi le journaliste. «C’était une source de démotivation. S’il arrive que le maire de ma ville soit impliqué dans l’exploitation illégale, je ne serai plus encouragé à aller enquêter auprès des populations», dit-il.

De nombreux maires, députés, généraux, responsables locaux et régionaux de l’administration forestière se sont lancés depuis plusieurs années dans l’exploitation forestière. Profitant de leurs positions de pouvoir, ils dictent leurs lois, coupant du bois, parfois, au mépris de la législation. La plupart des journalistes locaux travaillent dans des radios communautaires contrôlées par certaines de ces personnalités. Ces radios constituent le plus souvent l’unique source d’informations pour la population.

«Je suis capable de produire un reportage par semaine dans le cadre du projet MIF (cf. encadré). Mais je n’en produis en moyenne qu’un par mois parce qu’il y a des sujets sensibles que je ne peux pas traiter», confirme Georges Emmanuel Tsayid, chef de chaîne de Radio Metoung, une radio communautaire d’Abong-Mbang dans la région de l’Est.

Dans le cadre du MIF, Tsayid a réalisé un reportage qui a été diffusé par les radios partenaires du projet, excepté sur la chaîne qu’il dirige parce que le sujet critiquait les implications d’un ancien maire d’Abong-Mbang dans l’exploitation illégale de la forêt. Au moment de la diffusion, le maire était encore en poste. Radio Metoung est financée par la commune d’Abong-Mbang. «Le journaliste risque un licenciement à la première occasion. Mais nous craignons aussi pour notre sécurité et celle de nos familles. Nous sommes dans une petite ville où tout le monde connaît tout le monde», souligne le journaliste. «Il y a des choses que nous connaissons mais que nous taisons volontairement pour ne pas risquer notre vie.»

Le projet MIF pour limiter les torts causés à la forêt

Les journalistes concernés par cette répression ont exprimé leurs inquiétudes en marge d’un séminaire organisé à Douala du 29 au 31 janvier, dans le cadre du projet «Mieux informer sur le Flegt et la législation forestière(MIF)». Cette initiative a été lancée pour encourager les journalistes camerounais à réaliser des reportages sur les violations de la législation forestière dans le cadre de la mise en œuvre, au Cameroun, de l’Accord de partenariat volontaire (APV-Flegt), un mécanisme européen visant à faire en sorte que le bois exporté en Europe soit légal.

Ce projet lancé en janvier 2012 a permis aux journalistes impliqués de produire 48 articles, tous publiés dans la presse et 29 émissions diffusées à la radio, dont 12 traduites en langues locales. Par rapport au volume d’informations diffusées dans les médias avant le lancement de cette initiative, ce bilan est significatif, mais il aurait été encore plus important sans les intimidations subies par certains journalistes du projet. Lors de l’atelier de Douala, les journalistes présents ont été encouragés leurs encadreurs à ne pas céder aux intimidations et à produire des articles équilibrés, donnant la parole aux différentes parties concernées.

Ils ont créé un réseau dénommé Journalistes pour le Développement durable et l’APV-Flegt (Jodaf). Cette association continuera d’informer sur l’APV-Flegt et réalisera des reportages sur l’exploitation des ressources naturelles. Elle s’investira aussi dans la protection de ces journalistes, en dénonçant les menaces. Au besoin, elle engagera des poursuites judiciaires contre ceux qui entravent l’exercice du métier de journalistes.

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