Cameroun - Sécurité. Douala ville paralysée: la capitale economique à feu et à sang

Mutations Mercredi le 04 Janvier 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Depuis le 31 décembre 2011 les populations de la capitale économique ont perdu le sommeil. Le décès d’Eugène Moni à Deïdo par des moto-taximen qui l’auraient poignardé mortellement, a provoqué une violente riposte des habitants du quartier qui ont organisé une expédition punitive contre les conducteurs d’engins à deux roues. Ces derniers, en réponse, ont paralysé la ville érigeant des barricades et multipliant des actes de vandalisme. Bilan: Deux morts. Les forces de l’ordre et l’administration dépassées, n’ont pu contenir la déferlante émeutière.

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Deux morts, cinq blessés graves, des motos et des commerces incendiés. C’est le nouveau bilan des échauffourées qui se sont produites la nuit du 02 et toute la journée du 03 janvier 2012 à Deïdo. Après un Week-end d’accalmie, les violences ont repris entre les populations du quartier Deïdo et les conducteurs de motos taxis. Un cas de vol serait à l’origine de cette reprise des affrontements après l’accalmie du week-end.

Les habitants de Deïdo accusent les conducteurs de moto taxi d’avoir arraché le porte monnaie d’une femme. «Il est environ 19h, alors que je m’apprête à fermer ma boutique, je vois cinq motos taxis stationnées au carrefour. Un conducteur démarre brusquement son engin et arrache le portefeuille d’une dame qu’il avait préalablement bien filé », précise Georges Alain Ewanè, commerçant au carrefour Deïdo plage.

Informés de ce nouveau coup de vol qui intervient deux jours après la mort d’un des leurs, les jeunes de Deïdo vont une nouvelle fois descendre dans la rue et exiger l’interdiction d’accès aux motos taxis dans leur quartier. Mais, les conducteurs de motos taxi ne l’entendent pas de cette oreille. C’est ainsi que ces derniers font appel à leurs collègues motos taximen des autres contrées de la capitale économique pour briser les barrières érigées à Deïdo.

Une première vague, en provenance de Ndokoti tente d’accéder à la zone délimitée par les forces de l’ordre. Elle est repoussée mais revient à la charge quelques instants après en plus grand nombre. Mais elle est calmée par le gouverneur de la région du Littoral, Françis Faï Yengo.

Survient alors une seconde vague de conducteurs de motos en provenance de Bépanda qui s’engage à casser et brûler des pneus sur la chaussée. Il a fallu de temps en temps faire usage des canons à eau des forces anti- émeutes pour la disperser.


Embrasement

Le gouverneur de la région du Littoral, le préfet du Wouri et les autorités traditionnelles de Deïdo convoquent une réunion de crise. Cependant que les affrontements gagnent en intensité. De nouvelles maisons sont incendiées mardi en mi-journée. Et ceci dans une grande impuissance des forces de l’ordre et des autorités administratives (gouverneurs, préfet, Sous préfets, maires) présentes sur le terrain. Les événements semblent prendre une autre tournure. «C’est un affrontement entre deux groupes ethniques», clament les émeutiers. La ville de Douala est quadrillée par un imposant dispositif de sécurité pour pallier à toute éventualité. Les forces de l’ordre approchées disent «n’avoir pas reçu aucun ordre de la hiérarchie pour entreprendre quelque initiative que ce soit». La rentrée scolaire, comptant pour le second trimestre a été perturbée pour de nombreux élèves dont les établissements sont situés à la périphérie de Deïdo.

La réunion de crise qui s’est tenue hier, 02 janvier, n’a visiblement pas produit des résultats probants. En attendant la prise des mesures visant à ramener le calme à Deïdo et dans toute la ville de Douala, la peur continue à gagner les esprits de nombreux habitants de la capitale économique. En rappel, cette vague de violence intervient à la suite d’une agression qui a coûté la vie à un jeune habitant dudit quartier.

Le 31 décembre 2011, alors qu’Eugène Moni rentrait d’une virée nocturne avec sa copine, il a été mortellement poignardé par deux présumés motos taximen. Après la découverte de la victime intervenue au petit matin de la Saint sylvestre, les jeunes de cette zone ont érigé des barrières et engagé une course poursuite contre les conducteurs de motos taxis. Les échauffourées entre jeunes de ce quartier et motos taximen avaient eu comme conséquence une dizaine de motos brûlées, ainsi que de nombreux blessés graves. Les autorités administratives y avaient déjà effectués une descente afin de ramener la paix et l’ordre. Les violences ont repris depuis bel dans la nuit du 2 au 3 janvier 2012.

Frédéric Nonos (stagiaire)


Conséquences: Douala à feu et à sang

Routes barricadées, motos, maisons et véhicules incendiés, les forces de l’ordre ont eu du mal à ramener le calme lors des émeutes hier.

La tension est restée vive toute la journée d’hier, mardi, 03 janvier 2012 dans la ville de Douala. En guise de représailles au décès de l’un des leurs survenu dans la nuit de vendredi 30 au samedi 31 décembre 2011, les jeunes du quartier Deïdo ont décidé de se faire justice. Des barricades ont été posées à plusieurs endroits: Grand Moulin, rond point Deïdo, pont Bonabassem, Deïdo Bar. Les habitants de Deïdo qui accusent les conducteurs de moto taxi d’avoir agressé et tué l’un des leurs avaient alors pour intention d’empêcher les conducteurs de moto taxi, notamment ceux de Bépanda d’accéder dans leur quartier. Ce qui a donné lieu à un affrontement entre les habitants de ces deux quartiers durant toute la journée sous le regard impuissant des gendarmes et policiers.

L’affrontement entre ces deux camps a eu des graves conséquences sur la circulation. Après s’être attaqués aux kiosques de Pmuc et de Lotto, les manifestants s’en sont pris aux conducteurs de moto taxi. Sous le regard des gendarmes, des conducteurs de motos étaient dépossédés de leurs engins. Ces motos étaient par la suite incendiées. «Nous ne maîtrisons plus rien. Nous ne devons agir que sur ordre de nos supérieurs et jusqu’à présent, nous n’en avons reçu aucun», lance un gendarme pour expliquer leur inertie. Trois moto seront brulées non loin du pont Bonabassem. Des scènes identiques se produiront dans de nombreux quartiers de la ville. Non loin du Lycée Bilingue de Deido principal foyer de tension), deux camps se sont formés des deux cotés opposés de la route, perturbant les élèves qui se sont amassés sur les fenêtres des salles de classe. D’un coté, les habitants de Deido et de l’autre, ceux de Bépanda. Les deux camps se jettent des pierres et toutes sortes de projectiles. La circulation est arrêtée. Les engins de travaux public qui réfectionnaient le boulevard de la Liberté sont aux arrêts. Conséquence, «je n’ai pas envoyé mes enfants à l’école ce matin», lance un habitant de Deido.


Casses

A 10h35, les «Deido boys», gagnent du terrain, brutalisent les conducteurs de moto, brule les engins à deux roues, intiment l’ordre aux taxis de faire demi tour sous la menace des machettes, gourdins, barres de fer, cailloux, essence et pétrole. Même la présence des camions anti émeutes qui font des apparitions sporadiques en dispersant les manifestants à l’aide de l’eau et du gaz lacrymogène ne change pas grand-chose à la situation qui s’embrase davantage. Des pneus sortent de toute part et sont brulées sur la chaussée. Le gouverneur de la région du Littoral, le préfet du Wouri, le délégué régional de la Sureté nationale, les maires de Douala 1er, 1eme et 5e et les hommes politiques vont descendre sur le terrain. Pourtant, rien n’y changera.

Sous leur regard, les casses vont se poursuivre: Deux véhicules incendiés, un domicile et des motos parties en fumé.

Une dame, la cinquantaine sonnée, viendra, toute en larme, pleurer devant les autorités. « Mon domicile est en train de bruler avec mon enfant à l’intérieur», supplie t-elle. Pourtant, ceux-ci ne vont donner aucun ordre pour venir à son secours. Pour empêcher que la situation ne s’embrase dans d’autres quartiers, le délégué régional à la sureté nationale va donner des ordres à ses troupes déployées sur le terrain. «Prend le personnel, fait un barrage au niveau du pont sur le Wouri. Les bendskinneurs de Mabanda ne doivent pas traverser le pont. Fais un barrage fixe filtrant», instruit-il au téléphone. Pourtant, du coté de Camtel Bépanda, les manifestants rackettaient des usagers des taxis et leur prenaient de l’argent pour, disent-ils, acheter des machettes pour poursuivre leur mouvement de révolte.


Réactions

Françoise Foning, Maire de Douala 5e
La situation peut devenir incontrôlable

Nous connaissons tous le problème. C’est celui de la mort d’un habitant de Deido. Mais, quand les choses prennent cette ampleur, il faut rapidement y mettre un terme. Chacune des personnes dans les deux camps doit d’abord se calmer. On va ensuite s’asseoir et compter les morts, les motos brulées et trouver une solution à chacun de ces problèmes. Mais, si on laisse évoluer longtemps la situation, elle deviendra incontrôlable et c’est ce qu’il faut éviter.

 

Jean Jacques Ekindi, président du Mouvement progressiste (Mp)
Les émeutiers n’ont pas de porte parole

Je pense qu’il y a des dérapages malheureux et inquiétants parce qu’ils durent et encore plus inquiétants parce qu’il y a des dérapages avec des incendies, des actes de pillages, de vandalisme. Des domiciles oint été brulés. Personne ne peut dire pourquoi. Quand il y a un incident, il faut traiter l’incident. Il ne faut pas s’en servir pour voler, bruler et piller. Il est difficile en l’état des choses de ramener le calme parce que ces jeunes ne sont pas organisés, ils n’ont personne pour parler en leur nom. En deuxième lieu, il y en a qui, non seulement les excite, mais, d’autres essaient de déplacer le problème pour en faire un problème entre les Bamilékés et les Doualas. Quand un bendskind circule, qui peut dire de quelle ethnie est son conducteur ? Le problème majeur ici est le problème d’insécurité.


Anicet Ekanè, du Manidem
Les autorités traditionnelles ont une responsabilité

Le problème a été très légèrement traité par les autorités traditionnelles. Elles n’ont pas pris la mesure du danger que représentait cette situation. Parce qu’on a quand même eu tout le week-end pour trouver une solution à ce mal et rien n’a été fait. C’est pourquoi cela dégénère. Ces autorités traditionnelles devaient discuter avec les autorités administratives et policières pour qu’elles prennent la pleine mesure des choses. Les autorités traditionnelles doivent arrêtées cela. Quand un affrontement oppose deux communautés, c’est aux autorités traditionnelles de faire revenir l’ordre.

 

Lengue Malapa, Maire de Douala 1er
Nous sommes en situation d’émeute
C’est une action qui a emmené une réaction. Et en réaction incontrôlée, on se retrouve en situation d’émeute. Avec la présence des autorités administratives descendues sur le terrain, nous espérons que le bon sens va prévaloir et que tout va rentrer dans l’ordre. C’est vrai que les autorités traditionnelles donnent des conseils. Mais, il faut reconnaitre pour le déplorer que la mort de ce jeune homme a exacerbé un certain nombre de comportements qui ont entrainé ces réactions. D’un autre coté, les conducteurs de moto taxi devraient revenir à la bonne compréhension des choses, parce que quand quelqu’un a perdu son frère, la réaction peut être vive.

Blaise Djouokep


Regard : Retour à la frayeur

Ceux qui doutent de la fragilité dans laquelle vit la poudrière Cameroun, ont eu, une fois de plus, une preuve que toute brindille en ce pays miné par des mécontentements en tout genre, peut servir de mèche. En tout cas, le décès d’Eugène Moni, 37 ans, poignardé mortellement par des conducteurs de mototaxis au quartier Deïdo dans la nuit du 30 au 31 décembre 2011, alors qu’il protégeait sa petite amie victime d’agression, a déclenché une grosse vague d’insécurité et ravivé les flammes de la panique née de la fusillade sur le pont sur le Wouri le 29 septembre 2011.

Depuis cette nuit là, les habitants de Deïdo ont perdu le sommeil, mais pas seulement eux, à présent toute la ville de Douala a renoué en quatre jours avec la panique. Les moto-taximen (les vrais si on veut, car ceux qui ont agressé et tué Eugène Moni seraient des bandits), ont décidé de venger ceux des leurs qui ont été victimes de la violence physique et dont les motos ont été brûlées par les Deidoboys.

Les barrières ont été érigées sur le pont Bonabassem, axe lourd Bépanda, Rond point Deido coupant l’accès au centre commercial et centre administratif aux habitant de ces zones là. Certains se sont rendus au travail à pied. Pire, les enfants qui ont repris le chemin de l’école pour la rentrée du 2e trimestre, hier 3 janvier 2011 ont été pris dans l’étau de ces évènements.

Ils ne pouvaient pas sortir au collège Saker, de l’école publique de Deïdo, Eyengué Nkongo, Maria Goretti, etc., les parents ne pouvaient traverser les barricades pour aller les chercher. La Police à travers son car anti émeutes à lancé des bombes lacrymogène. Les jeunes moto-taximen révoltés et les Deidoboys ont été dispersés mais les élèves se sont évanouis, les parents avaient les yeux rougis par le piquant des bombes «mes enfants ne retourneront pas à l’école tant que les autorités de la ville ne nous auront assurés de la sécurité de nos vie», confie Herman Mbongue, portant à bout de bras ces jumelles inconscientes. Des scènes qui rappellent les villes mortes de 1990.

Des ménagères ont pris d’assaut les marchés pour faire des provisions car les lendemains à Douala sont devenus incertains. Très incertains. Et le plus incroyable dans tout ce mauvais film que les populations vivent depuis plusieurs jours c’est que ni les autorités administratives (gouverneur, préfet et sous préfets) ni les forces armées n’agissent.

Devant la détresse des populations de la capitale dont les échoppes et domiciles ont été incendiées, la police répète inlassablement «Nous n’avons pas reçu d’ordre». D’ordre de Faire quoi ? Mais les bombes lacrymogènes ont été tirées
Ce problème aurait cependant pu être évité si, dès les premiers frémissements, les autorités administratives et traditionnelles s’étaient assises pour trouver une solution à ce qui est devenue un embrassement incontrôlable. Des centaines de jeunes ont déferlé de Ndokoti comme une marrée, ont cassé et brûlé devant le Gouverneur de la région du Littoral Fai Yengo, le préfet du Wouri Okalia Bilaï stupéfaits. L’échos de leur appel à l’ordre à la paix a certes franchi le seuil de leurs lèvres mais n’est pas arrivé aux oreilles des émeutiers.

L’embrasement aurait été total si les émeutiers de Bonabéri de Mabanda avaient traversé le pont sur le Wouri. Hier, mardi 3 janvier, il y’a eu des signes clairs que Douala est bien sur une poudrière et que les populations sont bien loin d’être en sécurité. Les responsables d’écoles dans les zones barricadées ont prévu de ne pas ouvrir leurs portes ce jour, car personne même pas les autorités ne sait comme Douala se réveillera. La frayeur à repris droit de cité dans la ville et dans les domiciles.

M. O.

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