Cameroun - Corruption. Docteur Ekollo Moundi: «La Sonara est la plus grosse vache à lait de la République»

Le Messager Mardi le 19 Février 2013 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Expert en politique énergétique et en droit pétrolier (University of Dundee), le Dr Ekollo Moundi Alexandre est aujourd’hui directeur général du cabinet African petroleum consultants. Au moment où la Sonara change de responsable, nous l’avons interrogé sur les enjeux de cette société qui, de Jean Assoumou à Charles Metouck en passant par Bernard Eding, a du mal à s’affirmer…

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Quel regard portez-vous sur la Sonara aujourd’hui

Les Camerounais ont le droit de savoir que la Sonara est la plus grosse vache à lait de la République, bien plus que la Camair du temps de sa splendeur. Pour toucher le jackpot, il suffit de lancer de grands travaux inutiles. Pour les lots plus modestes mais réguliers, il suffit de toucher des commissions sur chaque baril de pétrole brut importé de l’étranger par des intermédiaires dont la raffinerie nationale se serait bien passée puisqu’elle dispose d’une direction commerciale qui devrait procéder à ces achats en direct. Et puis, de temps à autre, il y a de petits coups fumants tels l’achat de bateaux de boue en lieu et place de pétrole brut et payés rubis sur ongle.

Cette raffinerie est-elle adaptée pour le raffinage du pétrole brut issu de notre sous-sol à ce jour ?

En fait, la Sonara fut construite lors des moments de gloire du secteur pétrolier camerounais pour raffiner notre pétrole en priorité. Il faut savoir que dans les années 1984, 1985, 1986, notre pays était le troisième producteur de pétrole brut en Afrique noire, derrière le Nigeria et l’Angola et légèrement devant le Gabon. C’était à l’époque où l’économiste Jean Assoumou dirigeait la Snh. Notre production était élevée du fait que des multinationales telles que Total Production Exploration (Tepcam), Mobil, Pecten qui est une filiale américaine de Shell Petroleum International investissaient beaucoup d’argent dans l’exploration.

Ce qui n’est plus le cas depuis que ce ne sont plus que de petites compagnies pétrolières, incapables d’investir les millions de dollars nécessaires dans la recherche de grands gisements qui contrôlent notre secteur pétrolier, se contentant de vider les puits que les multinationales ont abandonnés pour cause de réduction de rentabilité. De ce fait, les grosses sociétés pétrolières abandonnent environ 40% des réserves d’un gisement aux petites compagnies qui n’auront pas à risquer des fortunes dans les aléas de la prospection. Mais la conséquence est la chute constante de notre production. D’une part, les sociétés étrangères exportent leur part de cette production et la Snh en fait de même depuis la rupture par la Sonara des accords entre les deux entreprises. Avant, la Snh avait le monopole de l’approvisionnement de la Sonara en pétrole brut et en retour, lui accordait des prix préférentiels. Aujourd’hui, la Sonara doit acheter le pétrole camerounais au prix du marché international. C’est pour cette raison purement commerciale et non technique qu’elle s’est tournée vers le Nigeria pour s’approvisionner en pétrole brut en achetant des produits de moindre qualité tels que le Lokele et le Brass blend.

La Sonara a-t-elle mal à ses dirigeants ?

Du temps de feu Bernard Eding, de nombreux milliards furent engloutis dans la supposée construction d’un terminal susceptible d’accueillir des pétroliers capables de transporter un million ou deux millions de barils. L’argent fut emprunté à la Sgbc, à la Scb et à la Bicec et bel et bien dépensé. Mais seulement, le terminal en question fut à peine bricolé et aucun pétrolier géant ne peut y accoster. Le successeur de Bernard Eding quant à lui décida de se lancer dans des travaux dits d’extension de la Sonara afin, dit-il de rendre cette raffinerie à même de raffiner le pétrole brut camerounais.
Un gros mensonge technique pour lequel il décida de mobiliser la rondellette somme de 300 milliards Fcfa. Tout cela pour une raffinerie qui n’a jamais fonctionné à plus de 50% de ses capacités réelles et qui de surcroît raffine bel et bien le pétrole camerounais. Il y a quelques années, les autorités judiciaires de la Province du Sud-Ouest eurent à enquêter sur une étrange affaire : l’achat par notre raffinerie d’une cargaison qui s’avéra n’être que de la boue mais dont le prix fut payé rubis sur ongle, sans une inspection préalable de la quantité ou de la qualité.


Pourquoi la collaboration entre la Sonara et la Snh a-t-elle cessée ?

Mais avec la libéralisation des importations de pétrole brut survenue en 1998, certains responsables de notre raffinerie décidèrent de se faire des fortunes personnelles en se lançant dans l’importation de pétrole brut nigérian à travers des intermédiaires qui ne manquent pas de leur verser des commissions conséquentes sur chaque baril acheté. On ne peut pas expliquer pourquoi la Sonara qui dispose pourtant d’une direction commerciale achète son pétrole nigérian à travers des intermédiaires tels que Glencore ou Addax pour ne citer que ces deux, alors qu’elle devrait s’approvisionner à moindre coût en direct auprès de la Nigérian National Petroleum Corporation (Nnpc) qui offre des conditions préférentielles à certains pays africains tel que le Ghana en leur vendant le baril de pétrole brut pratiquement au prix de production. Avant son décès, M. Bernard Eding avait entrepris des démarches dans ce sens.

Entretien avec Edouard Kingue


 

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