Cameroun - Politique. Daniel Ruben Um Nyobe: « Le combat de Um Nyobe est encore actuel »

Le Jour Samedi le 17 Septembre 2016 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Fils du nationaliste camerounais, il évoque son passé « douloureux » et l’histoire de ses parents dans le maquis.

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Que représente le 13 septembre pour vous ?

Il faut rappeler que je suis né en 1957, un an avant l’assassinat de mon père, Ruben Um Nyobe, le 13 septembre 1958. Je suis né dans le maquis. Ce sont les anciens discours de mon père que ma mère utilisait comme couche parce que nous étions en brousse. Ma mère est partie en mariage très jeune. La tradition chez les Bantous prévoit que c’est la mère qui doit former sa fille pour le mariage. Le 13 septembre 1958, non seulement j’ai perdu mon père, mais j’ai également perdu ma grand-mère maternelle qui se trouvait dans le maquis avec nous. J’avais également reçu une balle perdue au niveau du pied. Ce jour-là, je suis donc passé à côté de la mort. Lorsque j’évoque ce 13 septembre, c’est comme si je célèbre la victoire de la vie sur la mort. Plus tard, l’assassinat de mon père a été un grand choc pour moi. Lorsque j’ai grandi, j’ai eu à parler de ces moments douloureux plusieurs fois avec ma mère. Je dois vous dire que la mort de mon père était arrivée au moment où il s’y attendait le plus. Il a été assassiné à Libel Ligoi, le village maternel de ma mère. Il avait préféré se réfugier dans ce village parce qu’il se sentait déjà menacé. Lorsqu’on l’a tué, ma mère est restée éplorée. Malgré cela, nous sommes restés en brousse. Selon ce qui m’a été dit, je pleurais beaucoup après cet assassinat. A cause de ces pleurs, ma mère décide un jour de me porter pour m’amener chez les autres camarades de l’Upc cachés dans la brousse. Les camarades de mon défunt père n’ont pas voulu recevoir ma mère parce qu’ils craignaient qu’avec les pleurs d’un bébé, les colons allaient vite mettre les mains sur eux. Après le décès de Ruben Um Nyobe, nous sommes encore restés dans le maquis pendant deux semaines. Lorsque ma mère décide de sortir, il y a un groupement militaire à Makay dans le département du Nyong et Kéllé. Ce groupement militaire informé de notre sortie du maquis décide de me confier entre les mains d’un huissier de justice parce que les soldats en question pensaient que si je devais grandir avec ma mère, elle allait me raconter tout, et cela pouvait susciter en moi une sorte de rébellion. L’huissier de justice chez qui j’avais été confié était un partisan de mon père, c’est comme cela que ma mère me récupère après. Le 13 septembre est en réalité un jour noir pour nous. Je suis fier de parler aujourd’hui comme Camerounais et je pense que mon père s’est sacrifié pour le Cameroun en sachant dès le départ qu’il allait mourir. Après cette douleur, je ressens une grande fierté pour ce que mon père a pu faire pour le Cameroun parce qu’il a laissé un grand héritage aux Camerounais.

Que reste-t-il de l’héritage de Ruben Um Nyobe ?

Je suis très gêné parce que lorsqu’on parle de mon père on fait trop allusion à l’Upc. Il faut avouer qu’il n’avait pas été le premier secrétaire général de ce parti crée le 10 avril 1948. C’est le discours qu’il a tenu à la tribune des Nations unies qui l’a rendu célèbre. Dans ce discours, il n’avait pas parlé comme militant de l’Upc, il avait parlé pour le compte des étudiants, bref de toutes les catégories sociales. Il faut dire qu’avant ce discours, il n’était pas possible d’affronter un colon. Mais après, les gens ont compris qu’un Noir pouvait parler de l’indépendance et de la démocratie, et les mentalités avaient commencé à changer. Son discours prononcé à l’Onu a galvanisé plusieurs Africains qui ont pris le courage d’aller réclamer l’indépendance aux colons. Le combat de Ruben Um Nyobe est encore actuel de nos jours. Ce combat visait à relever le standard de l’homme noir qui, à cette époque-là, était réduit à rien. Il a montré que les Africains pouvaient dire non au colon sur le traitement qu’on leur infligeait à cette époque-là. Son discours est toujours actuel lorsqu’on voit tout ce qui se passe aujourd’hui au Nord du pays avec la nébuleuse Boko Haram.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’Upc ?

Aujourd’hui, je suis partagé entre la tristesse et la joie. La joie parce que l’Upc a été le premier parti politique de l’histoire, c’est le parti historique, témoin de ces grands moments. Je suis triste parce que le parti n’occupe pas le rang qui est le sien dans notre pays. J’y suis aussi pour quelque chose. Nous sommes tous responsables de la position que notre parti politique occupe actuellement. Nous n’avons pas fait le nécessaire pour relever ce parti. Les uns et les autres ont privilégié les batailles nombrilistes qui n’ont rien à voir avec le fonctionnement d’un parti comme le nôtre. Je pense que nous n’avons pas fait ce qu’il fallait faire. L’un des défis majeur était de réorganiser notre parti à la base. Lorsqu’un parti politique n’est pas structuré au niveau de la base, il ne peut pas atteindre ces objectifs.

Recueillis par Prince Nguimbous

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