Cameroun - Transports. Délimitation des zones de circulation : les mototaximen menacent

Le Jour Mardi le 06 Mars 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Douala. A compter du 12 mars prochain, les «bendskineurs» ne seront plus autorisés à circuler dans les quartiers Bonanjo, Bonapriso, Bali, Koumassi, Akwa, Deido, New-Bell, Bonassama et Rail Bonabéri.

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A sept jours de l’entrée en vigueur de la mesure interdisant les motos-taxis de circulation dans les arrondissements de Douala 1er,
Douala 2ème et Douala 4ème, l’atmosphère demeure très tendue dans la capitale économique, déjà réputée frondeuse à l’égard des pouvoirs publics. Des conducteurs de motos-taxis, regroupés dans différents carrefours et ronds points servant habituellement de points d’embarquement, n’en finissent pas de commenter cette décision. Dans leur immense majorité, ils se montrent radicalement opposés à la mesure adoptée par le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala (Cud) et visée par le préfet du département du Wouri.
 
Plus nombreux, les partisans du boycott et de l’insoumission annoncent par ailleurs une vive résistance. «Advienne que pourra. Ils vont certainement nous tuer cette fois-ci », laisse-t-on tomber çà et là. En effet, beaucoup d’entre eux voient dans la décision de la Cud une volonté délibérée de tuer leur profession. Certains estiment qu’avec la réduction de leur aire d’activité, les recettes journalières vont considérablement baisser. Toute chose qui pourrait engendrer des départs massifs au chômage, alors que la profession est déjà précaire.
 
Etat d’alerte
Les populations résidant dans les quartiers périphériques redoutent, quant à elles, la surenchère du prix du taxi et les retards au travail. A l’instar de cette habitante de Pk 15, qui emprunte la moto chaque matin jusqu’à son lieu de service au lieu-dit Ancien Paris Dancing, au centre commercial d’Akwa. Elle justifie ce choix par les embouteillages observés à quelques endroits de la ville et liés au défaut de routes appropriées.
 
A l’opposé, un enseignant de l’université de Douala pense que la décision est louable et qu’elle va contribuer à assainir quelque peu la profession, devenue le refuge de certains malfrats, qui se servent des motos pour commettre des forfaits. « Si on a interdit les motos avec succès à Bonanjo puis à Deido, pourquoi ne le ferait-on pas à Akwa?», s’interroge l’universitaire.
 
Mercredi dernier, des centaines de conducteurs de motocycles à exploitation commerciale étaient réunis devant l’immeuble abritant la chaîne Equinoxe Télévision, au carrefour Mobil Bonakouamouang à Akwa et devant le siège de la télévision Ltm à Bali. Ils ont été dispersés par des policiers alors qu’ils manifestaient bruyamment contre l’arrêté de la Cud, sous les caméras.
 
Les autorités de la ville, elles, ne se montrent pas résignées face à cette menace de manifestation qui se profile à l’horizon. Ce 29 février, le commandant du Centre d’instruction et d’application de la police de Mutengene a été instruit de placer les policiers actuellement en stage dans son école en état d’alerte. C’est dire si le climat social est tendu à Douala depuis que l’arrêté du délégué du gouvernement a été rendu public.
 
«C’est de la manipulation. Certains hommes politiques tentent de récupérer cette situation en leur faveur et nous connaissons ces politiques cachés derrière ce mouvement», a confié un cadre de la Cud, interrogé jeudi dernier sur les menaces de grève brandies par des bendskineurs.
 
Echauffourées

 « Nous essayons de calmer les collègues depuis qu’il y a des échauffourées dans certains carrefours de la ville. Nous sommes en train de leur dire que le syndicat est sur la bonne voie par rapport aux négociations; nous demandons aux gars d’être calmes, parce que d’un moment à l’autre, le gouvernement peut réagir », plaide le président régional du Syndicat national des motos-taxis (Synamotac) pour le Littoral, Elvis Djampou Fotso. « Les autorités n’ont pas tenu compte de l’impact social, étant donné que nous sommes dans une ville où chacun se débrouille. On ne peut pas mettre en application le décret du 31 décembre 2008 sans tenir compte de ceux qui souffrent », poursuit-il.
 
Les jeudis 16 et 23 février 2012, les responsables des organisations syndicales des motos-taxis et les maires des six arrondissements de Douala se sont réunis autour du préfet du Wouri, pour faire des propositions en vue de la réglementation de l’activité des motos-taxis dans le Wouri. Il avait été convenu que l’administration devait organiser des séminaires de formation pour expliquer aux « bendskineurs » le bien-fondé de la réglementation. L’arrêté du délégué s’inscrit en droite ligne des recommandations faites lors de ces réunions conjointes.
 
Théodore Tchopa
 


L’arrêté qui fâche
 
Règlementation. Les rues et zones d’interdiction seront matérialisées par des panneaux et les contrevenants encourent des sanctions.

 

Le 24 février 2012, le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala (Cud), Fritz Ntonè Ntonè, paraphait le document portant « délimitation des zones de circulation des motocycles à exploitation commerciale dans la ville de Douala ». Cet arrêté, préparé sur le plan technique par la Cud, a été soumis au préfet du Wouri, Bernard Okalia Bilaï, qui l’a lu et approuvé. L’arrêté décrit le nouveau plan de circulation des motos-taxis dans la ville.
 
Les zones où la circulation des motos-taxis n’est plus désormais tolérée sont situées dans les arrondissements de Douala 1er, Douala 2ème  et Douala 4ème. Il s’agit des quartiers Bonanjo, Bonapriso, Bali, Koumassi, Akwa, Deido et New-Bell. La circulation des mototaxis est également prohibée sur la rive ouest du fleuve Wouri, entre le quartier Bonassama et Rails Bonabéri. Les motos sont donc indésirables aussi bien à l’ancienne, qu’à la nouvelle route route de Bonabéri. D’après l’arrêté préfectoral, les contrevenants s’exposent à des sanctions. Toutes les motos saisies seront mises en fourrière et les frais de l’enlèvement sont fixés à 25.000 FCfa. Le propriétaire ou l’exploitant devra en outre payer 5.000 FCfa multipliés par le nombre de jours passés par l’engin à la fourrière municipale.
 
Le chapitre 2 de l’arrêté de la Cud porte sur les conditions et modalités d’exploitation des motocycles. Il précise, en son article 4, que « les zones et rues concernées par l’interdiction de circulation des motos-taxis seront matérialisées par des panneaux de signalisation ». A la Cud, la solution est toute trouvée. « Nous n’allons pas faire des textes savants. Nous allons concevoir des panneaux avec une grande moto barrée d’une croix rouge et quelques écritures au bas du panneau. Ce faisant, personne ne pourra justifier la violation des textes par le fait qu’il n’a pas pu lire le panneau », indique une source à la Communauté.
 
T.T.

 

“Pas d’autre choix que de s’opposer”
 
Ferdinand Fongang. Le président du Groupement des associations et syndicats des motos-taxis (Grasmota) explique les propositions faites à l’administration.
 
Comment appréciez-vous l’arrêté de la Cud du 24 février 2012?
L’arrêté n’est qu’un démembrement de l’arrêté ministériel de 2008 réglementant la profession des motos-taxis. Puisque force revient à la loi, nous y apportons certaines observations en ce qui concerne la mise en application de cet arrêté, qui va en défaveur non seulement des conducteurs de motos-taxis, mais aussi de la population qui est habituée à ce système de transport très rapide. Sur le plan économique, ça fragilise l’évolution des activités. Sur le plan de la réglementation, ça décourage les acteurs à se conformer aux normes prévues par cette réglementation.
 
Que pensez-vous du mot d’ordre de grève lancé par des conducteurs de motos le 12 mars prochain?
Il n’y a pas de mot d’ordre officiel. Mais, il ressort du terrain un mécontentement qui provient des déficits cités plus haut. Raison pour laquelle nous avons tenu une réunion la semaine dernière pour faire des propositions à l’administration. A savoir, un séminaire de formation pour les mototaximen identifiés, pour leur permettre de profiter des enseignements et de faire face à l’ensemble des maux qu’ils rencontrent. Car même l’interprétation de ce que les autorités appellent ‘‘zones interdites’’ nécessite une formation. L’administration étant garante des biens et personnes.
 
Comment comptez-vous désamorcer la crise?
Je ne suis pas pour que le secteur soit fragilisé. L’administration feint de ne pas savoir les raisons des manifestations observées le 29 février dernier. Les mototaximen se sont réunis pour manifester leur mécontentement, suite à cet arrêté qui est à l’origine des tensions. S’ils n’ont donc pas une suite favorable à leurs doléances, ils n’auront pas d’autre choix que de s’opposer. Chaque homme ne peut vivre que de son activité. Il est important de suivre l’actualité de son activité pour savoir comment s’y prendre. Car un homme sans activité est un homme à demi mort. Les mototaximen sont des Camerounais à part entière. Le Cameroun est un Etat de droit. Par conséquent, les autorités publiques ont l’obligation et même le devoir d’informer, de suivre les citoyens pour les faire converger vers le respect des rigueurs républicaines.
 
Propos recueillis par Reine Ntiani (Stagiaire)
 

Votre avis : Pour ou contre l’interdiction des motos-taxis à Douala 1er, 2e et 4ème?

 
“Beaucoup d’accidents” : Edith Ndango, commerçante
Les motos-taxis ne doivent pas circuler dans le centre-ville. Je suis d’accord avec cette décision. Ces motos ne respectent pas le code de la route et sont à l’origine de nombreux accidents. Leur violence n’est pas à négliger et c’est ainsi qu’ils causent des embouteillages.
 
“Le chômage va croître” : Moïse Valérie Nzié, agent d’entretien à Aes Sonel
Interdire aux motos-taximen de circuler dans le centre-ville n’est pas la solution. Il faut prendre en compte le fait que le centre-ville est un endroit où il y a beaucoup de déplacements. C’est l’endroit où se déroulent la plupart des transactions. De plus, cette interdiction va accroître le chômage. N’oublions pas que ces conducteurs iront rejoindre les autres chômeurs.
 
“Difficile sans moto” : Alain Philippe Samba, vigile à Protes Cameroun
Je suis contre cette décision. Vous savez, pour arriver jusqu’ici chaque matin, je suis obligé de prendre une moto. Toute chose qui me permet d’arriver à l’heure au boulot. Et même pour rentrer chez moi, je prends une autre moto qui me laisse à domicile. Que vais-je faire maintenant ? C’est difficile de trouver la réponse.
 
“Une décision pas mûrie” : Antony Ndiki, étudiant en sociologie à l’université de Douala
J’habite Ngodi, un quartier où les taxis arrivent difficilement. C’est grâce aux motos que je me déplace. Je suis étudiant à l’université, et sans moto, je ne vois vraiment pas comment j’arriverais jusqu’ici, vu les embouteillages. Moi, je pense que cette décision n’a pas été mûrement réfléchie. Ces zones interdites aux motos-taxis sont vraiment stratégiques. C’est là que se retrouve le plus grand nombre de travailleurs et se déplacer sera vraiment difficile pour eux.
 
Propos recueillis par
Josiane Kouagheu
(Stagiaire)

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