Cameroun - Culture. Contrefaçon: Yaoundé, le Cd piraté en service libre

Jacques Bessala Manga | Le Jour Lundi le 25 Juillet 2011 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Malgré le caractère illégal de l’activité, les vendeurs ne se cachent plus pour exposer leur marchandise. Dans l’indifférence totale des autorités. Au grand désarroi des musiciens.

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Ce samedi 28 mai 2011, il n’est que 8 heures du matin. Mais le carrefour Mvog Mbi, comme à son accoutumée, grouille déjà de monde.
Des commerçants, des pousseurs de brouette, des clients ou de simples passants en quête d’un taxi, tous tentent de se frayer un passage au milieu des étals à même le sol ou sur des comptoirs de fortune installés le long des trottoirs encombrés. Au pied d’un immeuble décrépit, des vendeurs de disques compacts, ont établi leurs quartiers.

Sur de gigantesques présentoirs, des Cd et des Dvd audio et vidéo, par centaines, voire par milliers, s’affichent fièrement. Des musiques populaires du box-office, du terroir et d’ailleurs, des albums ou des compilations, sont proposés aux clients qui viennent à passer par là. Sur les comptoirs, du matériel de sonorisation, généralement un lecteur de Dvd, un amplificateur de son et des baffles, diffusent déjà à cette heure matinale des airs connus. Sur certains comptoirs, il n’est pas rare d’apercevoir un laptop. Patience Dabany et sa chanson culte « On vous connait », Sergéo Polo dans son « Amour à deux », Daniel Baka et son « Pinguis », mais aussi des classiques passés de mode, que certains nostalgiques d’un passé glorieux affectionnent particulièrement, sont diffusés en boucle au maximum de leurs décibels, dans une cacophonie indéfinissable. Sur un écran de télévision, des vidéoclips passent en boucle. Question d’aiguiser davantage le client intéressé et indécis, mais aussi, d’attirer le plus d’attention du client indifférent.

A l’arrière de ces magasins de disques en plein air, un étrange manège se trame. C’est le déballage. Des vendeurs ambulants sont en train de « trier » les disques qu’ils rangent dans des sacs en fibre, communément appelés « Mbandjock ». Carlos, la trentaine, un des grossistes installés ici au carrefour Mvog Mbi est à la manœuvre. Il fait le décompte des Cd que les détaillants ont choisi de l’immense malle en aluminium. En même temps qu’il récupère la somme d’argent correspondante qui lui est due. Sur l’origine de tous ces Cd et Dvd de contrefaçon qu’il distribue à des détaillants, celui que nous avons décidé de nommer Oscar, par souci d’anonymat, reste peu disert. Il dit s’approvisionner lui-même chez un autre grossiste, installé quant à lui à Douala, et qui, selon lui, effectue la ligne du Nigeria, la base arrière où sont produits les Cd distribués au Cameroun. Tout au plus, il avouera qu’il utilise son ordinateur portable pour des téléchargements sur place, et des gravures de compilations que les clients lui commandent. Dans une heure, les vendeurs vont se déployer à travers la ville, pour « placer » les nouveautés à des clients de plus en plus nombreux et exigeants.

A ciel ouvert
La scène du carrefour Mvog Mbi, pour anecdotique qu’elle puisse paraître, est un cliché saisissant d’une activité qui a pris une ampleur inimaginable il y a quelques années encore. On peut observer la même scène à d’autres lieux très fréquentés de la ville de Yaoundé, à l’instar du carrefour Ekounou, du terminus de Mimboman, du carrefour Biyem Assi, du marché Melen, ou du carrefour Etoudi. Au-devant des boulangeries, des stations-services, des supermarchés, les vendeurs de Cd piratés assiègent littéralement leur clientèle. Lorsqu’on les interpelle sur le caractère illégal de leur activité, Martin O, Junior T. et Jean P., des vendeurs ambulants de Cd qui sont fréquents devant la boulangerie Calafatas à Yaoundé, disent tous avoir conscience de la situation. « On va faire comment grand ? On ne veut pas aller braquer pour vivre », ironisent-ils, presqu’en chœur.

Un sac dans une main, quelques échantillons de Cd dans l’autre, les trois compères vont aller à l’assaut d’une clientèle hétéroclite dispersée à travers plusieurs points névralgiques de la ville. La clientèle se recrute parmi le vendeur à la sauvette du marché central de Yaoundé, le cadre de banque dans son bureau climatisé, autant que l’officier de police à son poste de garde. « Je commence à vendre à la gare routière de Mvan. Les clients qui voyagent pour Douala, Ebolowa ou Bertoua aiment souvent emporter avec eux les nouveaux Cd que nous leur proposons », déclare Martin O. Pour 500 francs, parfois pour moins que ça, le dernier album de Patience Dabany, l’un des « diamants » qui passe sur le marché ces jours-ci, peut être acquis. Pour 1500 francs, le coffret « prestige » du meilleur de Kassav au paroxysme de sa popularité, ou la compilation entière de Richard Bona peut autant être acheté. Après Mvan, le soir venu, Junior dit avoir des rendez-vous au quartier général, où des officiers de l’armée lui auraient « commandé » des compilations de makossa.

Puis après, à la tombée de la nuit, il squattera la boulangerie Acropole, racolant au passage quelques clients venus s’approvisionner en pain et autres gourmandises. Sous les apparences d’un commerce ordinaire, c’est le drame de toute une industrie qui se noue dans l’indifférence complice de tous.

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