Cameroun - Agriculture. Commerce International: graves menaces sur la banane camerounaise en Europe

Hervé B.Endong | La Nouvelle Expression Mercredi le 24 Avril 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Malgré les efforts de modernisation, les coûts de production de la banane africaine restent pratiquement deux fois plus élevés qu’en Amérique centrale.

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Il n’y a pas de production d’engrais en Afrique, ni de cartons d’emballage dignes de ce nom. Il faut tout importer. Ces deux postes représentent 45 % des coûts». Ces propos sont de Paul Jeangille, économiste de la filière, détaché par l’Union européenne auprès de l’Association des producteurs camerounais (Assobacam), cité par le magazine Alternatives Economiques. « A ce handicap s’ajoute l’érosion constante des avantages tarifaires offerts par les pays de l’Union européenne à leurs ex-colonies d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (les pays ACP) pour les protéger du rouleau compresseur latino-américain», ajoute Antoine de Ravignan, l’auteur de cet article intitulé «Esclavage dans la bananeraie». Or, explique-t-il, le marché européen (33 % des importations mondiales) est le seul accessible à la production africaine, l’Amérique du Nord se fournissant chez ses voisins et l’Asie étant trop éloignée.

Dernier acte de cette pièce, qui se joue à l’Organisation mondiale du commerce (Omc) : l’accord de Genève du 15 décembre 2009, abaissant à cette date les droits de douane (dont sont exemptées les bananes Acp) de 176 (114.400 FCfa) à 148 euros (96.200FCfa) par tonne, puis à 114 euros en 2017 (74.100 FCfa). Ce faisant, les Européens ne cèdent pas vraiment aux pressions des producteurs latinos à l’Omc. Ils les devanceraient même, apprend-on. En mai 2010, l’Union européenne, soucieuse de développer ses échanges commerciaux avec l’Amérique latine, a conclu des accords bilatéraux avec la Colombie et le Pérou, qui prévoient des droits de 75 euros la tonne (48.750 Fcfa).

D’autres pays, dont l’Equateur (un tiers des exportations mondiales), devraient suivre. Bonne fille, l’Union a prévu d’aider les producteurs Acp à améliorer leurs performances. Mais ce ne sont pas 190 millions d’euros (un peu plus de 12 milliards Fcfa) de subventions, dont pas un centime n’a encore été versé, déplore le député Joseph Owona, secrétaire général de l’Assobacam, qui permettront à ces pays de rester dans la course, tant l’écart de compétitivité est élevé.

En attendant le grand soir d’une réforme du marché mondial de la banane, il faudrait, pour sauver l’emploi dans ces pays très pauvres, convaincre les Européens de payer leur banane africaine un peu plus cher, et pouvoir leur garantir qu’elle a été produite dans des conditions correctes », écrit Antoine de Ravignan. Une stratégie poursuivie par la Compagnie fruitière auprès de Flo-Cert, organisme certificateur qui délivre le fameux label du commerce équitable Max Havelaar. Et qui se décrédibiliserait s’il garantissait les pratiques actuelles éminemment contestables. Vu la part marginale de la main-d’œuvre dans le prix d’une banane, un label qui instituerait par exemple le doublement du salaire actuel des ouvriers camerounais aurait un impact très limité sur le prix au consommateur.


Ce dernier devrait même exiger que ce surcoût soit assumé par les supermarchés, eux qui font aujourd’hui la loi sur les prix et qui n’ont cessé jusqu’à présent d’accroître leurs marges à la faveur de la baisse des tarifs douaniers européens. «Car ce sont eux les véritables gagnants de la guerre de la banane engagée par les exportateurs d’outre-Atlantique pour accroître leur part du juteux marché européen», tranche notre confrère. Une guerre qui, aujourd’hui, broie les ouvriers dans les plantations soumis à un esclavage sans précédent et sont exposés aux licenciements. «Si l’ouvrier camerounais gagne peu, il travaille en revanche beaucoup pour fournir les marchés français et britannique, principaux débouchés des bananes exportées par le pays. Six jours par semaine, 48 semaines par an. Il se lève vers 4 heures. Le travail commence à 6 heures et s’achève vers 17 ou 18 heures. Mais il n’est pas rare qu’il reste jusqu’à 22 heures lors des pointes de la demande. Le salaire n’est pas calculé sur une base horaire mais en fonction de la tâche fixée chaque jour par la direction. Si le quota n’est pas atteint, cela donne lieu à des retenues. La clémence des supérieurs se négocie sur ce sujet comme sur tout le reste, particulièrement à l’endroit des femmes. Au total, l’écart peut être important entre la rémunération perçue et ce qu’indique la grille salariale (31 777 francs CFA en catégorie 2, échelon A, le niveau auquel un ouvrier non qualifié », déroule Antoine de Ravignan dans son enquête. « Ils sont nombreux à gagner moins que les 28 000 francs du minimum légal », ajoute-t-il. En tout cas, de graves menaces pèsent sur la banane camerounaise, voire africaine en général en Europe. Pour nombre d’experts, ce n’est pas l’Ape qui va résoudre le problème. «La problématique de la banane camerounaise est principalement due à une préférence des marchés européens pour la banane d’Amérique latine et à la très forte marge des supermarchés européens. La banane camerounaise se meurt et ce n'est pas ce projet européen qui peut la faire gagner, sauf à faire un deal entre un grand importateur européen, supermarchés européens, producteurs camerounais, sur la production d'une banane vertueuse sur le plan de la Rse », commente Toussaint Mboka Tongo, expert Rse. Le secrétaire permanent du Mouvement des entrepreneurs du Cameroun (Mecam) fait ainsi observer que le coût de la main d’œuvre camerounaise est de 0,07 % du cout moyen d'une banane vendue en super marché...

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