Cameroun - Politique. Code pénal: Le Sdf réagit enfin
Pour le leader de l'opposition, le projet de loi qui a été soumis à l'examen des députés participe de la provocation.
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D'abord sur la forme: Dans une République qui se respecte, un projet de loi d'une aussi grande sensibilité en ce sens qu'il engage nos libertés individuelles et collectives, aurait dû requérir une lecture consensuelle de tous les acteurs majeurs de la société. L'absence de débat citoyen et démocratique sur ce code pénal est tout simplement déplorable. Le fait que les partis politiques, l'ordre des avocats, l'ordre des huissiers, la corporation des magistrats et les acteurs de la société civile n'ont pas été consultés met une fois de plus à nu la dérive monarchique permanente érigée en méthode de gouvernement depuis une trentaine d'années.
Sur le fond, ce projet de révision ne s'arrime pas aux exigences de modernisation de notre système judiciaire. Avec notre environnement étatique marqué par le refus du régime d'appliquer l'article 66 de la constitution sur la déclaration des biens, la corruption, l'impunité et les détournements de deniers publics -on a encore en mémoire le cambriolage récent du domicile d'un ministre au cours duquel près de 600 millions Fcfa ont été emportés par des individus - il était absolument nécessaire que ce projet de révision du code pénal intègre une disposition qui réprime sévèrement l'enrichissement illicite. Ce manquement entretenu est la parfaite illustration de ce que le régime a peur des réformes qui permettent de mieux combattre les maux qui gangrènent la gouvernance au sommet de l'Etat.
Sur un tout autre plan, le Cameroun étant un pays bilingue qui a adopté le français et l'anglais comme langues officielles, il est scandaleux que les versions française et anglaise soient différentes. Toujours sur le fond, quand on mentionne dans un instrument judiciaire d'une aussi haute importance qu'un locataire insolvable dont la mauvaise foi n'est pas établie peut être jeté en prison dans un pays qui a un Smig de 28.200 Fcfa par mois, un taux de sous-emploi de 75%, un taux de chômage endémique et une absence criarde de logements sociaux, on a l'impression qu'il y a des desseins inavoués qui sont projetés sur notre vivre ensemble. Trois ans d'emprisonnement ferme pour deux mois de loyer impayé mérite le livre Guinness des records. Le Cameroun sera le seul pays au monde à avoir une telle disposition dans son code pénal. Sur ce point également, il est difficile de donner du tort à ceux qui pensent que l'inscription de cette disposition a été motivée par la multiplication dans les grandes villes des investissements immobiliers aux financements suspects. Il s'agit ici pour le syndicat des barons-bailleurs du système tapis dans l'ombre d'exercer des pressions liberticides sur leurs futurs locataires. Ce groupuscule de barons-bailleurs veulent à travers ce code pénal imposer leur vision et leur idéologie qui vont impacter la vie et les comportements des camerounais au moins pendant les 50 prochaines années. C'est un acte criminel à l'égard des camerounais d'aujourd'hui et des générations à venir. On n'a pas le droit, au nom de la protection de ses intérêts propres et de ceux de sa progéniture, de confisquer la République au détriment du peuple souverain. Le peuple doit être associé à la construction de son avenir.
Penser et dire le droit au nom du peuple n'aura plus de signification au Cameroun si ce projet de loi portant révision du code pénal est adopté en l'Etat par le Parlement. Ce code pénal affaiblit les plus faibles et renforce les plus puissants. Ce n'est pas ça la conception de la République au sens vrai et noble du terme. La République, la vraie, c'est d'ôter du cœur des compatriotes le sentiment d'injustice. C'est de permettre à celui qui n'a rien de se sentir protégé par l'Etat qui est notre patrimoine commun. C'est également de permettre à celui qui travaille d'être digne et pas d'avoir le sentiment d'être en permanence écrasé par une oligarchie. Ce projet de loi ne résout aucune de ces préoccupations majeures en République.
L'introduction de ce projet de loi constitue un test politique à l'approche des futures échéances électorales. Si on ne réussit pas à obtenir la modification de ce code pénal de manière consensuelle, il sera difficile d'obtenir la révision du code électoral de manière consensuelle. Raison pour laquelle il faut accentuer la pression pour que le gouvernement soit à l'écoute des populations. C'est non seulement une question de bon sens mais également une question de gouvernance démocratique. Nous avons malheureusement un régime qui feint d'ignorer que le Cameroun est signataire de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui est un document dont l'esprit et la lettre mettent en valeur le caractère consensuel de toutes les dispositions que les États membres doivent prendre avant la mise en œuvre des mesures qui revêtent un caractère d'intérêt général. Dommage pour le pays.
Jean Robert Wafo
Ministre du shadow cabinet Sdf chargé de l'information et des médias
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