Cameroun - Politique. Cameroun : Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général tout-puissant de Paul Biya

cameroun24.net Lundi le 28 Octobre 2019 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Secrétaire général de la présidence depuis 2011, il est l’homme de confiance de Paul Biya. Insaisissable mais omniprésent, il bénéficie du soutien de la première dame, mais prend soin de n’afficher aucune ambition relate le panafricain Jeune Afrique.

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Les débats ne s’ouvriront que le lendemain, mais lui est déjà dans l’arène. Ce 29 septembre, chacun au Cameroun ne pense qu’au Grand dialogue national grâce auquel Paul Biya espère reprendre la main dans la double crise – politique et sécuritaire – qui le fragilise. Le secrétaire général de la présidence ne fait évidemment pas exception.
Ce dialogue, Ferdinand Ngoh Ngoh n’en voulait pourtant pas. Il voyait d’un mauvais œil une ouverture à l’opposition et aux anglophones modérés. Le chef de l’État le savait, mais il est passé outre, et Ngoh Ngoh s’est résolu à jouer son rôle, à être les yeux et les oreilles du président dans ce Palais des congrès où tout – ou presque – doit se jouer.

Omniprésent

Dans un bureau du premier étage, qui jouxte celui qu’occupera le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, pendant la semaine de débats, il installe l’un de ses adjoints. Non loin de là, les envoyés des différents services de renseignement du pays (notamment les Renseignements généraux et la Direction générale de la recherche extérieure de Léopold Maxime Eko Eko) prennent également leurs quartiers.

Ferdinand Ngoh Ngoh ne contrôle pas tout des événements à Yaoundé. Il ne décide pas non plus de tout. Il peut même encore avoir à s’inquiéter de l’influence de tel ou tel ambitieux de la capitale, et notamment de celle d’un Premier ministre renforcé par le dialogue. Mais le secrétaire général, en poste depuis le 9 décembre 2011, est jaloux de ses prérogatives et veut rester omniprésent.

Le 13 août, il a, dans un courrier remarqué, fait savoir à Joseph Dion Ngute, qui s’apprêtait à choisir un nouveau responsable pour l’Agence de régulation de l’électricité, que les nominations des directeurs généraux des grandes agences de l’État étaient de la compétence de la présidence.

Dominer en nominant

Dans les entrailles de la colline d’Etoudi, qui abrite le palais présidentiel, Ngoh Ngoh a puisé les sources de sa puissance entre milieux économiques et milieux politiques. Le secrétaire général domine parce qu’il nomine, « sur hautes instructions du chef de l’État », dont il a en outre obtenu, le 5 février, la délégation de signature.

Louis Georges Njipendi, le directeur général de Camair-Co, est l’un de ses proches, tout comme Victor Mbemi Nyaknga (Société nationale de transport d’électricité), Bertrand Pierre Soumbou Angoula (École nationale d’administration et de magistrature), Antoine Félix Samba (inspecteur général des services administratifs et budgétaires), Joseph Ngoh (Agence de régulation des marchés publics) ou encore Jean-Paul Simo Njonou, ex-conseiller économique à la présidence (Société nationale de raffinage).

« Il ne faut pas le cantonner aux réseaux économiques, affirme toutefois l’un de ses collaborateurs. Il entretient des liens étroits avec la sécurité de l’État, de la gendarmerie au renseignement. » Au secrétariat d’État à la Défense (le fameux SED), c’est l’un de ses anciens collaborateurs au ministère des Relations extérieures (dont il a été le secrétaire général d’août 2010 à décembre 2011), en la personne de Galax Yves Landry Etoga, qui dirige les gendarmes. Ferdinand Ngoh Ngoh est également en bons termes avec les conseillers israéliens de Paul Biya en matière de sécurité et de surveillance, notamment l’officier Eran Moas.

Seul Raymond Charles Beko Akondo, le commandant de la garde présidentielle, semble encore lui « résister », étant plus proche d’un autre poids lourd d’Etoudi, le directeur du cabinet civil, neveu du chef de l’État et ancien ambassadeur du Cameroun en France, Samuel Mvondo Ayolo, qui, fort de sa quasi-filiation avec Paul Biya, bénéficie d’une influence non négligeable dans les milieux diplomatiques.

À Etoudi, les rivalités autour du chef de l’État ne sont pas nouvelles. Depuis 2011, Ferdinand Ngoh Ngoh les expérimente, les observe, les influence. Le secrétaire général a été à bonne école : après un court passage au cabinet civil en 1997 et 1998, le diplômé de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) avait mis le cap sur les États-Unis, rejoignant à la représentation camerounaise auprès des Nations unies un certain Martin Belinga Eboutou, directeur du cabinet civil de 1996 à 1997 et exilé à New York pour cause de conflit avec la première dame, Chantal Biya. Ngoh Ngoh, qui loge à l’époque dans le quartier de Yonkers, au nord de la mégalopole américaine, y fait ses armes.

Mentor

Lorsque Belinga Eboutou est rappelé au cabinet civil à Yaoundé, en 2009, Ngoh Ngoh ne tarde pas à le suivre et à quitter New York – où sa famille dispose cependant toujours d’un « pied-à-terre » dans la banlieue huppée de New Rochelle. En 2011, à l’âge de 50 ans, il est nommé sur recommandation de son protecteur secrétaire général de la présidence.
« Ngoh Ngoh ne quittait pas son mentor, qui en a profité pour prendre le contrôle quasi total du Palais [par son intermédiaire] », se souvient un habitué d’Etoudi. « Belinga Eboutou a fait coup double. Il a retrouvé son poste de directeur de cabinet et a obtenu la nomination d’un proche, tout en assurant la paix avec Chantal Biya », ajoute un ancien de la présidence.

Ferdinand Ngoh Ngoh n’est pas seulement diplomate : il est aussi originaire de la Haute-Sanaga, comme la famille de la première dame, dont il est un cousin. Bien sûr, Chantal Biya est née à Dimako, dans l’Est. Mais sa mère, Rosette Ndongo Mengolo, est native de Nanga-Eboko, à une soixantaine de kilomètres de Minta, village d’origine de Ngoh Ngoh. Le secrétaire général est également proche des enfants du couple présidentiel, Paul Junior et Anastasie Brenda.

« Ngoh Ngoh est une tête de pont du clan dit des “Nanga-Eboko”, qui partage le pouvoir avec les représentants des “Bulu-Béti”, la famille du chef de l’État, dont font partie Samuel Mvondo Ayolo et les ministres des Finances et de l’Enseignement supérieur, Louis-Paul Motaze et Jacques Fame Ndongo », résume un diplomate à Yaoundé.

Ngoh Ngoh et Motaze se sont d’ailleurs opposés tout au long de l’année écoulée autour du scandale de l’organisation, avortée, de la Coupe d’Afrique des nations 2019.
D’un côté, le « SG » et son entourage, notamment l’homme d’affaires Ben Modo (qu’il a connu aux États-Unis), qui estiment que le ministère des Finances a empêché la bonne marche des travaux en bloquant certains financements. De l’autre, certains contrats, jugés douteux par les services de Motaze, ont fuité sur les réseaux sociaux, remettant en cause la gestion de la « task force » mise en place par Ferdinand Ngoh Ngoh. La rivalité n’a pour le moment pas fait de victimes, et Ngoh Ngoh, pointé du doigt avec insistance, n’en a pas fait les frais.

Peu porté sur les mondanités

L’homme se sait puissant, bénéficiant du soutien de la première dame et de la proximité qu’il entretient notamment avec Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale. C’est d’ailleurs au duo qu’il forme avec ce dernier que l’on attribue la décision de faire arrêter l’opposant Maurice Kamto, à la fin de janvier, et l’ancien ministre Edgar-Alain Mebe Ngo’o, un mois plus tard.
« Avec la signature de Paul Biya, il peut diriger les ministres, parfois sans se soucier de la primature, mais il est aussi conscient de ses limites, précise un proche. Il ne se mêle pas vraiment des affaires du parti au pouvoir, que dirige Jean Nkuete, et reconnaît l’influence des ministres René-Emmanuel Sadi et Joseph Beti Assomo [Communication et Défense], qui ont l’oreille de Paul Biya. »

Dans sa résidence de fonction du quartier Bastos de Yaoundé, celle qu’occupa naguère un certain Mebe Ngo’o, Ferdinand Ngoh Ngoh a-t-il le temps de penser à son avenir ? Assailli de visiteurs, cet homme décrit comme peu mondain préfère sans doute le calme relatif de sa villa du faubourg de Nyom, au nord de la capitale, où il emporte le week-end ses dossiers les plus confidentiels. Peut-être, enfin, attend-il de prendre du recul dans sa maison de Nanga Eboko, le fief politique qu’il partage avec Chantal Biya et où il reçoit épisodiquement. Il a 58 ans et sait devoir se montrer prudent : d’autres avant lui, enorgueillis de leur proximité quotidienne avec Paul Biya, ont goûté à la toute-puissance d’Etoudi. Et certains l’ont regretté.

Diplomate un jour…

Comme le directeur du cabinet civil Samuel Mvondo Ayolo, Ferdinand Ngoh Ngoh est un interlocuteur privilégié des milieux internationaux. Initié à la diplomatie aux États-Unis, il incarne une frange « dure » du régime, tandis que Mvondo Ayolo, ancien ambassadeur à Paris, est considéré comme plus souple.
Cela n’empêche pas Ngoh Ngoh d’être l’un des référents des Suisses du Centre pour le dialogue humanitaire, médiateur dans la crise anglophone.

 

Mathieu Olivier - envoyé spécial à Yaoundé

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