Cameroun - Football. Cameroun - Splendeurs et déboires du football féminin au Cameroun: Sur le terrain… Des femmes talentueuses… mais sans soutien

Le Messager Mercredi le 20 Aout 2014 Sport Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Malgré la volonté affichée, le talent et l’engagement qu’elles donnent à voir sur l’aire de jeu, les footballeuses du championnat d’élite sont confrontées au quotidien à une misère rampante tributaire de la maltraitance dont elles font l’objet de la part des autorités en charge du sport et de la Fécafoot.

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A Yaoundé, tout le monde connaît le repère. « Chez Jean Marie », un bar très couru situé en face du stade annexe à Mfandena. Cet endroit qui fait office de vestiaires pour toutes les équipes féminines affiliées à la Ligue régionale de football du Centre. C’est ici que les joueuses s’habillent avant d’entrer sur l’aire de jeu ; où les entraîneurs donnent des consignes, mettent sur pied leur système de jeu ou encore font le débriefing après les matchs. Faute de mieux. C’est également sur cette terrasse que les joueuses, chichement vêtues, reçoivent ce qui tient lieu de primes de match (quand il y’en a). Sur le visage de ces jeunes mordues du ballon rond, se lit à la fois, la misère, du dépit mais surtout de l’incertitude. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on sait clairement qu’elles sont incapables de subvenir de façon décente à leurs besoins élémentaires, à plus forte raison, s'offrir un équipement digne de ce nom.


Infirmerie

En effet, beaucoup parmi elles s'accrochent à cette discipline par amour. Tout simplement. Sans toujours attendre de grandes retombées pécuniaires. Du coup, le statut de footballeuse renvoie au dénuement, à la « galère », pour parler trivialement. Rares sont les équipes qui possèdent un siège, encore moins un bus de transport, un réfectoire ou une infirmerie. Si déjà s’alimenter relève de la survie, ce n’est pas prendre en charge ces autres volets qui serait aisé. La faute au ministère des Sports et de l’éducation physique (Minsep) et à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) qui ont sacrifié le football féminin tout comme le foot jeune à l’autel de l’abandon. Tenez par exemple, lors des matchs, c’est à peine si une Commission d’homologation ou une équipe médicale sont à leur disposition. Pis, 12e joueur, à savoir le public est la plupart du temps maigre sinon absent. Ce, malgré la gratuité du spectacle. En plus de la désertion des stades, les sponsors se font rares s’ils ne sont pas tout simplement inexistants. Les primes reçues par les joueuses sont insignifiantes: 500 Fcfa par séance d'entraînement et de 500 Fcfa à 1500 Fcfa par match. Elles relèvent de la magnanimité du président du club.

Le salaire quand il tombe, s’apparente à un jackpot. « Il y a juste une prime de signature quand on entre dans un club et les plus chanceuses peuvent alors avoir 70.000 F Cfa. Sinon, il faut se contenter d'une modeste somme de 30.000 Fcfa », révélait Priscille Moadougou dans une enquête publiée en 2006. Dans certains cas, le club peut s'occuper de payer le loyer de la chambre de la joueuse et assurer sa maigre ration. Pour le reste, chacune se tourne vers les membres de sa famille afin de bénéficier d'une éventuelle aide financière ou matérielle, voire des soins médicaux en cas d’accident ou de maladie. Des clichés qui font couler des larmes dans un pays dit de football. Comment éviter dans un tel environnement ? L’exode des talents sans doute ?

Christian TCHAPMI



A cause d’une mauvaise vision… L’amateurisme étouffe le talent

Au Cameroun, malgré la volonté affichée des promoteurs, le football féminin demeure victime d’une mauvaise politique sportive. Suffisant pour le plonger dans les profondeurs abyssales, au point où il peine à sortir depuis des années. Evocations.

L’équipe nationale du football féminin fera partie des nations présentes en Namibie dans le cadre de la 9ème édition du championnat d’Afrique des nations (Can) de la catégorie qui se disputera du 11 au 15 octobre 2014. Les Lionnes indomptables du Cameroun ont été recrutées autant dans le championnat local que dans la cuvée des joueuses internationales évoluant à l’extérieur. Contrairement à leurs coéquipières qui évoluent à l’extérieur, on se demande bien sur quels critères la cuvée des footballeuses du terroir qui iront représenter le Cameroun, ont été sélectionnées. Surtout quand on sait qu’elles sont aujourd’hui privées de compétition à cause de la suspension du championnat.


Subventions

A peine rendu à la quatrième journée, le championnat de football féminin du Cameroun de première division a été interrompu par les promoteurs qui revendiquent une augmentation des subventions de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot). « Les présidents de clubs revendiquent une augmentation des subventions allouées aux clubs maintenant que le nombre est passé de 10 à 14 clubs. L’année passée la Fécafoot donnait cinq millions pour dix clubs, cette saison avec 14 clubs elle donne le même montant, ce qui est largement insuffisant face à nos dépenses», explique Eloundou Bessala, président-fondateur de Franck Rolliseck, un club de football féminin établi à Douala. En attendant un consensus entre les différentes parties, le championnat a été renvoyé à une date ultérieure, et ce au grand regret des promoteurs et des actrices, surtout à un moment où le football féminin bat de l’aile.


Gouvernement

Si le football féminin peine à sortir du gouffre dans lequel il est condamné depuis plusieurs années déjà, c’est la faute au gouvernement camerounais qui, selon eux, n’a mis sur pied aucune politique d’accompagnement des clubs. Un doigt accusateur est également pointé vers la Fécafoot, qui selon les présidents de clubs préfèrent investir en priorité dans le football masculin au détriment des dames. Pour cause, la plupart des championnats régionaux sont aujourd’hui quasi-inexistants. Dans la région du Littoral par exemple, le championnat régional qui, auparavant, comptait 6 formations, est au cours de la saison 2014-2013 réduit à zéro club. « Aucun promoteur de football féminin ne s’est présenté à la Ligue régionale de football pour le Littoral pour une affiliation. On ne peut pas organiser un championnat sans club », confie une source au sein de ladite Ligue.

A la question de savoir pour quelle raison les présidents de clubs ne sont pas affiliés, on brandit d’emblée l’aspect financier présenté comme le principal motif pour lequel les clubs existants (aucune statistique n’est disponible Ndlr) meurent à petit feu. Suffisant pour conclure comme ce dirigeant de club, que le football féminin est le parent pauvre de cette discipline sportive. Les promoteurs ou les sponsors n’ont aucune motivation à investir dans une formation sportive qui n’attire pas de public si ce n’est que quelques rares spectateurs. « C’est le même problème qu’on rencontre dans le football masculin. Sauf que le niveau du football féminin est encore très bas au Cameroun. Si les promoteurs hésitent à investir dans le football masculin, ce n’est pas dans le football féminin qu’ils seront motivés », avoue t-il. En outre, ces présidents de clubs évoquent dans la foulée, la prise en charge des femmes (joueuses), qui requièrent, selon eux, beaucoup de patience et de compréhension, contrairement aux hommes. « Les filles sont exigeantes et compliquées contrairement aux hommes. C’est d’ailleurs pour cette raison que les centres de formation de football féminin sont rares. Elles adorent les futilités », confie Alexis Kemmogne, ancien président de Black queens de Mfandena.


Recrutement

A la base, le recrutement des joueuses se fait sur le tas, selon Ibrahim Hassan Balla, l’encadreur technique de Caïman filles de Douala, parce que les centres de formation sont quasi-inexistants, «nous détectons les talents dans les rues, les établissement scolaires… C’est une fois en club qu’elles sont soumises à une préparation technique intense », affirme Ibrahim Hassan Balla. C’est au prix de multiples efforts et d’un travail acharné qu’une footballeuse acquiert au fil du temps une expérience sur le plan technique qu’elle peut mettre au service de certains clubs locaux, de l’équipe nationale et d’ailleurs. Mais ces efforts fournis par les techniciens camerounais, profitent dans la plupart des cas à certains pays africains et occidentaux.

A en croire une ancienne footballeuse, les athlètes camerounaises une fois le niveau minimum atteint, vont voir où l’herbe est plus verte dans les autres pays de la sous-région Afrique centrale notamment au Gabon, au Congo et en Guinée équatoriale. Là bas, les conditions d’exercice sont nettement mieux qu’au bercail. « Certaines d’entres-elles changent même de nationalités », explique-t-on. Selon Eloundou Bessala, au Congo par exemple, la Coupe du Congo soutenu par l’Etat rapporte environ 6 millions de francs au club vainqueur contrairement au Cameroun où les clubs doivent tous attendre de la Fécafoot. « La première année Franck Olysec a perçu 250 000 Fcfa comme prix du vainqueur de la Coupe du Cameroun, 500 000 les deux années qui suivaient. Une somme dérisoire si on s’en tient uniquement aux dépenses effectuées par les clubs au cours de l’année », déplore le président fondateur de Franck Rolliseck.

Marie Louise MAMGUE



Issue: L’urgence de sortir du labyrinthe

On le sait, au Cameroun, les discours s’accompagnent difficilement des faits. Mais pour sortir de cette cacophonie, les acteurs s’accordent sur le fait qu’il est important pour le gouvernent camerounais et la Fécafoot, de mettre sur pied une politique qui pourra permettre la relève du football féminin afin d’améliorer non seulement la prestation des Camerounaises, mais également permettre de conserver les talents locaux. « Toutes les disciplines sportives en général au Cameroun ont besoin d’être réaménagées. Le football féminin tout comme les autres disciplines sportives souffrent de la démission du gouvernement qui abandonnent les fédérations entre les mains des aventuriers », regrette un président de club. Malgré ces couacs, elles sont de plus en plus nombreuses à pratiquer ce sport sur le territoire national. Et elles seront plus d’une vingtaine à représenter le Cameroun à la Can. On souhaite bon vent à l’équipe nationale actuellement en stage bloqué à Buea depuis deux semaines.

M.L.M



Portrait - Enow Ngachu: le dresseur de Lionnes

Opiniâtre, engagé et patriote, le sélectionneur de l’équipe nationale féminine reste l’un des rares précurseurs de la discipline au Cameroun ; en dépit du marasme économique et de l’amateurisme criard auquel il est contraint au quotidien.

C’est un nom qui résonne bien depuis trois ans dans le paysage du football au Cameroun. Un nom qu’il faudra un jour inscrire au panthéon de la gloire du sport camerounais puisqu’il a quasiment tout remporté. Sous son aile, Christine Ngono Mani, Raïssa Feudjou et Cie ont écrit les plus belles années de l’histoire du football féminin camerounais. L’équipe qu’il a reçue en héritage en 2008, s’est au fil des années de sacrifice et d’abnégation, transformée en une vraie machine à gagner qui effraye déjà toute l’Afrique. Les redoutables sélections du Ghana et du Nigeria en gardent un mauvais souvenir. Elles qui ont mordu plus d’une fois la poussière devant ces Lionnes affamées. En bon meneur d’hommes et en tacticien malin, il a fait évoluer le traditionnel 4-4-2 qui est la religion des équipes camerounaises pour lui insuffler un nouvel esprit.

Résultat ? Modeste mais efficace, Enow a réussi à qualifier la meilleure équipe africaine 2011, à la prochaine Coupe d’Afrique des nations (Can) qui se dispute en octobre 2014, en Namibie. C’est aussi grâce à lui que le football féminin, longtemps boudé par les médias et le public, revient en force au devant de la scène. Fini le temps où l'on parlait des footballeuses pour leur calendrier sexy, les filles jouent au foot. Et plutôt bien. Et le public, entièrement acquis à la cause des Lionnes aujourd’hui sait apprécier à chaque fois, la maîtrise avec laquelle les joueuses sont organisées sur un terrain de foot. Ce qui montre qu’elles sont bien formées et bien encadrées. Des performances à mettre à l’actif des actrices, certes, mais davantage au compte du coach qui a du métier. Lui qui a su en dépit des primes payées à moitié, de l’absence de matchs amicaux de qualité, de programmes de stage non respecté, donner une âme et un moral d’acier à ces héroïnes en route pour Maputo.

C. T. 

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