Syrie. Cameroun - Shanda Tonme: «L’intervention américaine en Syrie est inacceptable»

Alain NJIPOU | Le Messager Lundi le 02 Septembre 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L’expert des relations internationales et diplomate, auteur de plusieurs ouvrages qui scrutent la marche du monde et explore les rapports entre les Etats, les gouvernants et les gouvernés lève un coin de voile sur l’intervention militaire américaine annoncée en Syrie

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L’expert des relations internationales et diplomate, auteur de plusieurs ouvrages qui scrutent la marche du monde et explore les rapports entre les Etats, les gouvernants et les gouvernés lève un coin de voile sur l’intervention militaire américaine annoncée en Syrie


Le président américain Barack Obama a indiqué que le régime de Bachar El Assad a fait usage des armes chimiques, et par conséquent qu’il n’épargne plus une intervention musclée dans ce pays. Comment comprendre une telle prise de position?

Je crois qu’avant de porter un quelconque jugement, il importe de se rappeler du précédant irakien. Les Etats-Unis parlaient alors d’armes de destruction massive qu’était sensé détenir le régime de Saddam Hussein. A l’époque il s’agissait d’intervention préventive, en somme de guerre préventive pour reprendre un concept dorénavant en cours dans les enseignements des écoles de guerre. Pour ce cas-là, les Etats-Unis ne disaient pas que des armes chimiques avaient été utilisées, ils voulaient éviter cette éventualité. Vous connaissez comme moi la suite, un grossier mensonge qui a contraint l’ancien secrétaire d’Etat Collin Powell, à passer une retraite honteuse. Il rase aujourd’hui les murs dans son propre pays pour avoir brandi des cartes fabriquées de toute pièce au conseil de sécurité. Ne parlons même pas de Georges Bush, son patron. Ces gens ont couvert l’Amérique de honte et accentué la haine entre les peuples.


Est-ce que le fait que le président Obama suive le même chemin, ne vous dérange pas en tant qu’Africain ?

Je ne vois aucune relation directe entre Obama et moi, ni avec l’Afrique quand il s’agit de géopolitique et d’intérêts nationaux. Tous ceux qui avaient un peu trop cru au contraire en ont eu pour leurs frais. La constance de la politique étrangère des Etats-Unis repose sur un messianisme dominateur, insolent et condescendant qui ne dépend pas des personnes, mais bien des principes généraux et des fondements cardinaux inaltérables. En quoi est-ce que l’arrivée d’un Noir à la maison blanche allait changer ceci ou cela, objectivement parlant ?

Si vous avez parfaitement suivi les séquences des événements et analysé les différentes étapes, vous comprendrez très vite que seule la supposée rébellion peut avoir, en coaction avec les agents des services occidentaux maintenant nombreux sur le terrain, fait usage des armes neurotoxiques dont il est question. Le décor et les étapes ont été savamment planifiés et exécutées. C’est depuis plus d’un an que Hollande par exemple de sa propre bouche, avait déclaré que la France disposait des conseillers militaires sur le terrain en Syrie. Je peux vous dire que la Syrie est même très forte, puisque dans les faits, ce sont des armées de l’Otan et celle d’Israël qui combattent depuis plus de deux ans en lieu et place de ce qu’ l’on appelle tantôt résistance, tantôt armée syrienne libre, et tantôt martyrs. Toute l’histoire est un grossier montage. Ces comploteurs avaient dès le début annoncé par quelle prote et par quels prétextes ils engageraient la guerre contre la Syrie et nous y sommes entièrement.


Et la France alors dans tout cela ? Comment Hollande peut-il suivre aveuglement les Américains surtout quand on sait que la France en son temps, dirigé par Jacques Chirac, s’était fermement opposé à la guerre en Irak ?

Votre question est très intéressante, parce qu’elle nous permet de lever un voile sur le grand paradoxe de la classe politique française par rapport aux constructions permanentes ou circonstancielles de la diplomatie planétaire. Il faut savoir, et c’est ce qui surprend parfois, que les socialistes en France voire en Europe, ne sont ni des nationalistes au sens idéologique plein du terme, ni des patriotes au sens purement politique. Traditionnellement ils n’ont pas de constance idéologique et naviguent objectivement à droite sur les questions idéologiques. Certes, ils savent entretenir la confusion et le mensonge lorsqu’ils sont dans l’opposition, mais il faut se méfier de ces gens. Je vous renvoie aux enseignements d’histoire sur les pires crimes de la colonisation et vous vous apercevrez que ce sont les socialistes qui sont les plus grands responsables. Hollande joue en effet dans une continuité sans d’ailleurs avoir l’enveloppe d’un Mitterrand. Toujours est-il que pour être vassal des Etats-Unis, ils sont prompts et légers à la fois. Ils jouent d’ailleurs le même rôle ambigu sur le plan interne en ce qui concerne la politique syndicale tant face aux travailleurs que face aux étudiants.


Que vous suggère l’attitude des Etats-Unis, du Royaume-Uni à l’égard de l’Onu ?

Mais je ne suis point surpris de les entendre dire qu’ils se passeront de l’Onu pour aller attaquer la Syrie. C’est une autre constance dans la politique des Etats-Unis, c'est-à-dire piétiner l’Onu et ne s’en servir que quand cela arrange leurs intérêts stratégiques et géopolitiques. Les exemples sont nombreux dans l’histoire de l’organisation. Ce fut notamment le cas en Corée en 1952 et ce fut encore le cas en ex Yougoslavie. L’Onu n’existe réellement que si elle remplit les buts et objectifs de la politique étrangère des Etats-Unis et de ses alliés. On a souvent brocardé que la guerre froide est née de la volonté expansionniste du communisme. C’est une assertion complètement fausse. Même la création du pacte de Varsovie n’intervint que comme réponse à la création du Traité de l’Atlantique Nord (Otan). C’est la recherche d’avantages exorbitants dans la conduite des affaires du monde et des institutions de la coopération universelle, qui a produit la guerre froide. Or plus que même le communisme dans ses proclamations dogmatiques les plus radicales, c’est le messianisme dominateur et impérialiste des pères fondateurs des Etats-Unis qui est à la source du principal contentieux entre les nations.


Que penser de l’attitude de la Russie et de la Chine ?

Belle question ! Ecoutez, aujourd’hui ne saurait ressembler à hier, et personne dans les centres et instituts sérieux d’analyses, de planification et de projection géostratégiques, ne saurait assister sans inquiétudes nourries, à l’indifférence que semblent afficher la poignée de pays occidentaux devenus des inconditionnels des Etats Unis dans les projections arrogantes de domination du monde. Le couple exclusif de la relation russo-américaine a depuis longtemps volé en éclat, face à la montée en puissance de la Chine. Ces deux pays ont refait leur alliance et refondé des espaces de coopération et de collaboration pour mieux tenir contre l’expansionnisme des Etats-Unis. La Libye, l’Irak, ont été des traumatismes qu’ils ne veulent pas voir se répéter, avec les mêmes acteurs, les mêmes donneurs d’ordre, les mêmes implications directes et indirectes. IL faut d’ailleurs souligner qu’il y a heureusement le conseil de sécurité pour servir de témoin. Il faut être bête pour avaliser les thèses américaines, françaises et pakistanaises.


Et maintenant, pouvons-nous évoquer le cas des régimes arabes, lesquels sont déversés comme des baleines mourantes dans la cour du grand frère Américain ?

Franchement, je les trouve pitoyables, vexants, honteux. De qui parle-t-on finalement, si ce n’est de ce petit réduit de fous monarchiques qui n’ont plus aucune direction dans la projection de leurs intérêts sur la scène internationale, et par ailleurs qui sont devenus d’une manière ou d’une autre des comptoirs coloniaux américains. Depuis Nasser et Boumediene, le monde arabo-musulman, n’a plus jamais véritablement eu un leader suffisamment éclairé, influent, respecté et charismatique. Les Etats-Unis et leurs alliés obligés ne font pas la guerre pour aider les peuples, ils font la guerre pour tester des nouveaux systèmes d’armements. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je vous le confirme et insiste. Vous pouvez d’ailleurs vous reporter au livre que j’ai commis en avril 2013 et qui met en exergue cette évidence avec très peu de possibilité de contestation : «violences et guerres comme instruments des systèmes de gouvernance ».


Quand la Syrie dit qu’elle va se défendre énergiquement, à quoi faudrait-il s’attendre ?

A tout en réalité. Vous savez que les systèmes d’armements évoluent très vite, trop vite même, et c’est d’ailleurs pourquoi les guerres offrent toujours le meilleurs terrain de les soumettre à l’épreuve au-delà de simples essais de prototypes hors des champs actifs des conflits. Prenez par exemple les missiles sol-sol et sol-air. Chaque acquéreur d’un modèle est capable avec un peu d’ingéniosité, de le transformer à sa guise, souvent au-delà de l’intelligence et de la compétence du fabricant. Donc, d’un point de vue strictement technique et militaire d’abord, il faut craindre le pire. Maintenant, au regard des dangers sur la stabilité globale de la région d’une part et l’agencement des rapports des forces entre les puissantes planétaires, il est fort à craindre que nombre de rapports multilatéraux en sortent modifiés durablement, voire compromis. Nous sommes en réalité revenus à une étape similaire à la période qui va de 1981 avec l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison Blanche, à 1990 qui voit l’arrivée de Bill Clinton. Je rappelle que dans cet espace de temps, il y a eu la phénomène Gorbatchev à qui le monde doit d’avoir désamorcer tous les présupposés de menace contre la paix et la sécurité internationale. Les Etats-Unis jouent tout le temps avec la guerre comme un gamin joue avec le feu en manipulant nonchalamment des allumettes.


Quelle position adopter par les Africains face aux armes chimiques ?

C’est très amusant, votre question. N’aviez-vous pas suivi le scandale des déchets toxiques déversés par un navire européen à Abidjan et qui avait fait de nombreuses victimes ? Ces gens là nous tuent tous les jours en transformant le continent africain en dépotoir des saletés de leurs usines et de leurs laboratoires. Et avec les régimes que nous avons, il n’y a même pas lieu de protester ou encore de contrôler quoi que ce soit. Donnez quelques milliards à dirigeant africain et il vous offrira le caveau de son grand père pour déposer vos excréments. D’ailleurs, la vraie contre partie pour les dictateurs, c’est leur maintien au pouvoir. Tout ce qu’ils demandent aux maîtres occidentaux, c’est de les laisser changer de constitution comme bon leur semble pour mourir au pouvoir.


Votre position sur la Syrie…

Je ne soutiens pas la dictature de la famille Assad et aucune autre dans le monde non plus, mais je ne peux pas cautionner l’impérialisme, le mensonge, la pensée unique et le pillage sous de fallacieux prétextes. L’intervention américaine en Syrie est inacceptable, parce que montée sur des bases mensongères. Ils disent vouloir protéger les populations civiles, c’est bien, mais dites-mois, êtes-vous au courant que de janvier à juillet 2013, il y a eu plus de trois mille morts dans les violences interconfessionnelles en Irak ? Qui est responsable sinon les Etats-Unis. Ils sont allés semer la merde dans ce pays et ont plié bagages, laissant un pays jadis prospère dans la ruine totale. Et puis, réellement à propos des armes chimiques, il convient de rappeler que les Etats-Unis sont le seul pays au monde à avoir fait usage de ces armes de façon criminelle, sur une longue durée, de façon systématique et massive. C’était au Vietnam et ils y ont déversé plus de trois cent mille tonnes de bombes chimiques (300.000 tonnes). On parle de quoi là ? Obama devrait se taire une fois pour toute et méditer sur tous les torts causés par son pays aux autres pays de la planète. Ces gens-là ne disposent de l’autorité morale suffisante pour donner des leçons de morale militaire et d’éthique diplomatique à qui que ce soit.

Entretien avec Alain NJIPOU 

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