Opération Épervier. Cameroun - Au tribunal: Quand l’affaire Bibi Ngota devient celle d’Etoundi Oyono

Jean François CHANNON | Le Messager Vendredi le 26 Juillet 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
A l’origine, un document attribué à Laurent Esso et qualifié de faux par le ministre d’Etat ex-Sgpr, avait conduit à l’arrestation puis à l’emprisonnement de trois journalistes dont Bibi Ngota qui avait trouvé la mort en prison. Aujourd’hui se retrouve face au juge, Emmanuel Etoundi Oyono, à l’époque des faits directeur général de la Maetur et qui semble avoir joué un rôle dans cette affaire.

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A l’origine, un document attribué à Laurent Esso et qualifié de faux par le ministre d’Etat ex-Sgpr, avait conduit à l’arrestation puis à l’emprisonnement de trois journalistes dont Bibi Ngota qui avait trouvé la mort en prison. Aujourd’hui se retrouve face au juge, Emmanuel Etoundi Oyono, à l’époque des faits directeur général de la Maetur et qui semble avoir joué un rôle dans cette affaire.

Assurément, s’il y a un homme qui ne serait vraiment étonné de se retrouver à la barre aujourd’hui, dans le cadre de l’affaire du faux document attribué à Laurent Esso, alors ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr), et qui avait vu l’arrestation de quatre journalistes que sont Serge Sabouang, Harris Mintya, Simon Nko’o, et feu Germain Cyrille Ngota Ngota, dit Bibi Ngota, c’est bien Emanuel Etoundi Oyono, l’actuel directeur général du Port autonome de Douala. Dans ce qui est appelé «l’affaire Bibi Ngota », Emmanuel Etoundi Oyono a d’abord été cité comme témoin de l’accusation.

Aujourd’hui il doit comparaitre comme accusé pour faux et usage de faux. Il s’agit d’une affaire qui avait défrayé la chronique il y a environ trois ans de cela et dont Le Messager en son temps avait largement fait écho.

Nous sommes au début de l’année 2010. Les quatre journalistes que sont Simon Nko’o, correspondant du journal Bebela, Harris Mintya, directeur de publication du journal Le Devoir, Serge Sabouang, directeur de publication du journal La Nation et Germain Cyrille Ngota Ngota dit Bibi Ngota, directeur de publication du journal Cameroun Express, se retrouvent en possession d’une correspondance dont la signature est attribuée au ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso. Dans ladite correspondance, datée du 20 juin 2009, il est fait état d’une instruction du ministre d’Etat Sgpr qui, agissant comme président du conseil d’administration de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), demandant à l’administrateur directeur général de la Snh, Adolphe Moudiki, de payer des commissions, pour un montant de 1,3 milliard Fcfa, à certains hauts responsables des structures ayant œuvré dans le cadre du processus d’acquisition du bateau hôtel baptisé « Rio Del Rey ». Il s’agit notamment de Antoine Alo’o Bikoro, directeur adjoint du Chantier naval et industriel du Cameroun, Dayas Mounoune, alors directeur général du Port autonome de Douala (celui-là même qui avait succédé à Emmanuel Etoundi Oyono lors de son premier passage à la tête du Port autonome de Douala), et Francis Dooh Collins, dont le rôle dans ce processus était celui de consultant.


Une affaire de correspondance

Selon toute vraisemblance, c’est le nommé Simon Nko’o, correspondant du journal Bebela, qui aurait été le premier à détenir cette correspondance attribuée au Sgpr de l’époque, avant de la passer à Harris Mintya, le directeur de publication du journal Le Devoir. Et c’est par la suite que les autres journalistes cités plus haut ont eu l’information sur l’existence de ce document. Logiquement donc, en vue des recoupements nécessaires, les journalistes qui croient détenir un scoop se rapprochent alors du ministre d’Etat Sgpr, Laurent Esso, à qui est attribuée la paternité de la correspondance. Harris Mintya et Germain Cyrille Ngota Ngota font respectivement déposer des protocoles d’interview avec en annexes des photocopies du document en question, à la guérite du domicile du ministre d’Etat Laurent Esso. Nous sommes là à peu près au début du mois de février 2010.


L’affaire mute

Mis au courant, certaine sources contactées par Le Messager et proches de l’ex-Sgpr, affirmeront que Laurent Esso ne se serait absolument pas reconnu comme signataire de ce document qu’il qualifiera même de faux. C’est ici que commence donc l’affaire Bibi Ngota. Puisque, voulant savoir qui est à l’origine de ce document qu’il qualifie de faux et qui lui est attribué, le ministre d’Etat ex-Sgpr saisit les services de sécurité en vue de l’ouverture d’une enquête sur cette affaire. Les éléments de la direction de la police judiciaire qui sont sollicités pour cette tâche procèdent en fin février 2010 à l’interpellation des quatre journalistes qui ont pris possession de ce document. Ils seront par la suite transférés à la direction générale de la recherche extérieure (Dgre) où ils subiront, à en croire certains témoignages, un interrogatoire musclé. Avant d’être provisoirement libérés. En fait, leurs tortionnaires avaient pour mission de leur faire cracher les noms des commanditaires ou fabricants de ce document qualifié de faux. A nouveau arrêtés en mi-mars 2010, trois des journalistes (le nommé Simon Nko’o ayant réussi à s’enfuir) seront mis sous mandat de dépôt à la prison centrale de Kondengui. Et juste quelques semaines après, en avril 2010, Germain Cyrille Ngota Ngota meurt.

Mais si l’affaire rebondit aujourd’hui c’est bien parce qu’en 2010, lorsqu’elle était toute ardente, le nom d’Emmanuel Etoundi Oyono, ancien directeur général du Port autonome de Douala et directeur général de la Maetur à l’époque des faits, avait été cité comme étant l’une des personnalités qui aurait rencontré les quatre journalistes qui lui avaient alors montré le document qu’ils possédaient. Ceux-ci, de toute évidence, avaient certainement voulu se référer à son «expertise» d’ancien directeur du Port autonome de Douala au moment où le Rio Del Rey avait été acquis. Difficile alors de savoir ce qu’Emmanuel Etoundi Oyono (qui a été renommé il y a deux ans de cela à la tête du Port autonome de Douala) avait alors dit aux trois journalistes (Harris Mintya, Serge Sabouang, et Germain Cyrille Ngota Ngota) qu’il avait reçus, lors de l’information judiciaire qui avait été ouverte. Ce qu’on sait par contre, est que les trois directeurs de publications sont repartis de la Maetur avec des bons d’insertions publicitaires de la société d’Etat que dirigeait alors l’actuel directeur général du Port autonome de Douala. Ce qui naturellement a créé une certaine suspicion qui a entouré le rôle joué par Emmanuel Etoundi Oyono dans cette affaire, notamment sur la fabrication du faux document qui avait conduit à l’interpellation des journalistes. C’est certainement entre autres pour cela qu’Emmanuel Etoundi Oyono se retrouve devant la Justice aujourd’hui.

Jean François CHANNON


Focal: Les curiosités d’un procès…

La vérité est que, dans cette affaire, il y a désormais deux protagonistes dont l’un est devant la justice (Etoundi Oyono), et l’autre derrière la justice (Laurent Esso). Il faut dire qu’entre Laurent Esso et Emmanuel Etoundi Oyono depuis quelques années, les relations n’ont jamais plus été vraiment cordiales.

Et pour cause ? D’abord il s’agit de deux personnalités qui ont chacune des forte assises au sein du sérail politique national, chacune avec son degré d’influence. Mais le différend qui oppose en coulisse ces deux grands commis de l’Etat trouve certainement son origine dans les conditions du départ d’Emmanuel Etoundi Oyono de la direction générale du Port autonome de Douala en 2008. Il se dit en effet que l’actuel directeur général du Port autonome de Douala aurait de bonnes raisons de croire, à tort ou raison, que Laurent Esso, ex-secrétaire général de la présidence de la République (c'est-à-dire celui là même qui fait et défait les directeurs généraux des sociétés d’Etat au Cameroun) aurait été à l’origine de son éviction comme directeur général du très juteux Port autonome de Douala en 2008, lors de son premier passage. Ceci au profit de son frère Sawa, Dayas Mounoume, jugé alors, à tort ou à raison, plus contrôlable. Ce qui fait que quand la nébuleuse affaire de distribution de commissions pour l’acquisition du bateau hôtel le Rio del Rey, vient à pointer le nez dans les coulisses du sérail, certaines sources indiquent avec un fort accent nuancé que Emmanuel Etoundi Oyono qui, en son temps, avait beaucoup œuvré dans ce dossier d’acquisition du Rio Del Rey aurait eu quelques ressentiment de ne pas être convié au festin. Est-ce pour cette raison qu’on le retrouve d’une manière ou d’une autre dans les alentours de l’enquête de l’affaire Bibi Ngota ? Difficile à dire.

Toujours est-il que, contre toute attente et par la volonté de Paul Biya, Emmanuel Etoundi Oyono a entre temps retrouvé son poste de directeur général du Port autonome de Douala. Et curieusement, son retour au Palais de justice aujourd’hui, cette fois comme accusé pour faux et usage de faux dans la même affaire du faux document qui avait conduit les journalistes en prison n’est absolument pas gratuit. Il se trouve que Laurent Esso a quitté le Palais de l’unité pour…la justice.

JFCD 

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