Cameroun - Politique. Cameroun - Assemblée Nationale: Mbah Ndam et Gaston Komba s’affrontent - L’entretien croisé des députés du Sdf et du Rdpc sur les questions de l’heure

Joseph Flavien KANKEU | Le Messager Jeudi le 27 Mars 2014 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
La session ordinaire de mars 2014 s’est ouverte mardi 11 mars 2014 à l’hémicycle du palais des verres de Ngoa-Ekélé pour l’Assemblée nationale et au palais des Congrès pour le Sénat. Jusqu’ici, la plus grande attente déjà satisfaite a été la mise en place des bureaux définitifs des deux chambres.

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A vous la parole !

La session ordinaire de mars 2014 s’est ouverte mardi 11 mars 2014 à l’hémicycle du palais des verres de Ngoa-Ekélé pour l’Assemblée nationale et au palais des Congrès pour le Sénat. Jusqu’ici, la plus grande attente déjà satisfaite a été la mise en place des bureaux définitifs des deux chambres. Ainsi, Cavaye Yéguié Djibril et Marcel Niat Njifenji ont été reconduits, ainsi que tous leurs collaborateurs, à leurs postes respectifs. Cette option du chef de l’Etat a d’ailleurs battu en brèche mille et un pronostics qui donnaient le président de la Chambre basse partant. Cette reconduction brouille également les hypothèses avancées par certains observateurs qui avaient tôt fait de prêter à Paul Biya, l’intention d’instituer un poste de vice-président de la République, en introduisant un projet de loi y relatif à l’étude. Jusqu’ici, cinq projets de loi sont sur la table des parlementaires. Les projets de loi portant sur des sujets brûlants sont toujours attendus. Notamment celui sur le compte d’affection spéciale à la presse, et celui sur le prolongement des durées de session. Comme on le sait, elles sont pour le moment, de 30 jours.

Mais le principe de la navette parlementaire s’implémente péniblement. 15 jours après l’ouverture de cette session, nous avons approché deux députés de la nation. Gaston Komba du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) et Joseph Mbah Ndam du Social democratic front (Sdf). Tous connus pour leurs verves et leur attachement aux principes républicains, les deux élus de la nation déclinent dans cet entretien croisé leurs attentes pour la session ordinaire en cours et leurs regards sur les grands sujets d’actualité qui ont marqué notre pays ces derniers jours.

Joseph Flavien KANKEU


Honorable Gaston Komba: «L’apaisement et le pardon sont aussi des vertus en politique»

Les relations ont été très turbulentes entre les deux chambres du Parlement ces derniers mois. Suffisant pour que le parti au pouvoir sonne la fin de la recréation, en organisant au palais des Congrès de Yaoundé, un séminaire à l’intention des parlementaires du Rdpc. Gaston Komba, député du Nkam à l’Assemblée nationale revient sur les retombées de ce séminaire, de même qu’il se prononce sur les enjeux de la session de mars ouverte ce mois
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Avec quel état d’esprit revenez –vous au parlement à l’occasion de cette session ordinaire de mars ayant pour point d’orgue le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale?

Nous avons déjà cette forte envie de revoir les collègues et amis parlementaires. N’oubliez jamais qu’au delà des chapelles partisanes, nous constituons une famille, celle des députés avec comme dans une famille normale, la joie des retrouvailles. C’est vrai, que la session de mars a une particularité qu’elle comporte dans son agenda l’élection du bureau de l’Assemblée nationale. Malgré le fait que les institutions parlementaires sont en général stables, il y a toujours évidemment ce brin mélange d’anxiété et d’espoir qui caractérise les uns et les autres au moment des investitures et des élections.


La presse nationale à longuement spéculé avant l’ouverture de cette session sur la probable institution d’un poste de vice-président de la République. Cela est-il vraiment opportun pour notre démocratie ?

Il faut déjà dire que la dynamique législative participe en principe de la vitalité d’un pays qui doit s’adapter à l’évolution de l’environnement sociopolitique. L’objectif majeur étant à la fois la stabilité institutionnelle et sociale ainsi que les perspectives de développement local et national. D’où la constance en tout temps de l’opportunité, pourvu qu’elle participe à l’atteinte de cet objectif. Attendons déjà de voir si les affirmations de la presse vont s’avérer fondées. Toutefois, il faut relever que le plus important dans une nouvelle structure managériale, qu’elle soit politique ou économique, c’est le contenu dédié à la fonction et les attentes escomptées.


Et si cela arrivait, quel choix opériez-vous personnellement en tant que militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais ?

Il faut d’abord savoir si le vice-président sera nommé ou élu dans un ticket avec le président de la République. S’il est élu, cela a des répercussions forcement sur l’agenda politique parce qu’il faudra penser à anticiper les élections présidentielles. S’il est nommé, la Constitution est claire là-dessus, le président de la République nomme aux emplois civils et militaires, cela relève donc de sa seule compétence. Mais dans le contexte et l’environnement sociopolitique actuel de notre pays, la fidélité et la loyauté, le sens de l’Etat et l’intérêt général, l’expérience, l’engagement citoyen et républicain, le respect du bien public constitueraient des atouts pour les personnes éventuellement pressenties.


Le président de la République a récemment pris un décret accordant des remises de peine élargis aux détourneurs des deniers publics. Comment avez-vous accueilli une telle décision ?

Effectivement, c’est la première fois que le président de la République Paul Biya déroge à cette règle. Cela peut sembler contradictoire avec la politique de rigueur et de moralisation qui est son crédo et le leitmotiv de son action politique. Mais il faut relever que l’apaisement et le pardon sont tout aussi des vertus en politique et des attitudes des grands hommes. Il n’est pas facile de pardonner parce que cela vous coûte toujours quelque chose de pardonner. Ce qu’il faut tout aussi saluer ici et apprécier, c’est de reconnaître que le président de la République a pris un risque politique et social réel. En effet, il y a risque d’incompréhension par les populations de ce choix avec des éventuels mécontentements sociaux. Il y a risque d’entacher négativement l’opération « mains propres » dite opération épervier, par l’atténuation de la peur des gestionnaires de la voracité de cet oiseau. Mais surtout il y a le risque majeur de la désacralisation des fonds publics. Vous pouvez ainsi vous-même apprécier la portée de son geste et son impact sur sa politique et sa personne pour mesurer le poids de cette décision qui a nécessité beaucoup d’élévation et de grandeur d’âme. Mais attention, ces remises de peines ne sont pas de nouveau blanc seing de virginité délictuelle ou criminelle des personnes concernées.


Qu’en est-il maintenant de la collaboration entre le Sénat et l’Assemblée nationale après les échanges épistolaires entre les membres des deux chambres du parlement ?

Rires…Bof, c’est normal que le début de toute collaboration institutionnelle soit un tout petit peu mouvementé. Cela a été le cas partout ailleurs dans d’autres pays pendant la mise en place du Sénat. Il n’y a aucun problème de fond à l’observance. Mais ne confondez pas les rivalités politiques interpersonnelles qui peuvent exister entre députés et sénateurs à une rivalité institutionnelle. Après tout, nous sommes des hommes. Vous constatez avec nous que cette session se déroule dans la sérénité, certains malentendus étant en voie d’être résolus. Nous sommes les deux chambres d’une même maison : le parlement. Et chaque chambre a sa dimension et un rôle bien défini à jouer. En plus, nous avons, Assemblée nationale et Sénat un devoir de solidarité institutionnelle à remplir obligatoirement pour renforcer la force et la cohésion du pouvoir législatif.


Et les relations entre les parlementaires et les membres du gouvernement alors ?

Personnellement, j’ai de très bonnes relations avec la grande majorité des membres du gouvernement sinon presque tous et développe avec eux des relations de respect mutuel et d’amitié avec certains d’entre eux. Mais cela ne nous empêche pas de jouer notre rôle de force de proposition, qui est le rôle du député dans l’accompagnement de la conception et de la réalisation des politiques publiques par le gouvernement. Ministres et parlementaires, nous servons le même pays, nous servons les mêmes populations. Et pour nous députés, nous servons une même politique et un même homme : le président Paul Biya. Ministres et parlementaires, nous avons les mêmes objectifs : le développement de notre pays et le bien-être des populations. Nous sommes tous ensemble au service de l’intérêt national et l’intérêt général des populations. Tous ces objectifs par essence rassemblent et non divisent. Et en principe on ne devrait avoir aucun problème. Au contraire, la synergie d’action devrait être notre leitmotiv commun. Certaines batailles locales de leadership ne peuvent remettre en question quels que soient ceux qui sont la cause, ou les initiateurs, la primauté de cette aventure commune vers le Cameroun émergent que nous appelons ensemble de tous nos vœux.


Vous avez parfois des prises de position ambigües vis-à-vis du régime que vous servez…

L’Assemblée nationale a beaucoup changé. Et le président de la République du haut de la tribune de l’hémicycle a appelé les députés à ne pas être une chambre d’enregistrement. J’ai des positions de quelqu’un qui aime son pays et qui est conscient de son avenir. Peut-être ne mesurez-vous pas l’ampleur des défis de développement qui nous interpellent. Que ferons-nous de ces milliers de jeunes dans les écoles et collèges? Savez-vous que le nombre d’étudiants dans les universités est en passe d’être supérieur au nombre total des agents et fonctionnaires de l’Etat? Vous connaissez quelqu’un qui ne soit pas mortel ? Les difficultés sont inhérentes à la condition humaine et à la vie sur terre. J’agis par conviction et non par injonction, sans passion, mais avec l’engagement, la ténacité et le courage nécessaire. Il est courant dans notre pays de constater tout ce qui est fait par certains pour décourager et entraver l’action de ceux qui sont habités par l’envie et un certain patriotisme. Nous devons encourager fortement ceux qui essaient de faire bien et amener les autres à faire de même par des critiques constructives. Un pays doit permanemment avancer s’il ne veut créer les conditions de sa cassure. Et chaque fois que nous amenons les pouvoirs publics à agir efficacement, c’est le pays qui avance. Chaque fois que nous accompagnons le gouvernement dans l’implémentation des politiques publiques ambitieuses et innovantes, c’est vers le chemin de l’émergence que nous conduisons notre pays.

Réalisée par Joseph Flavien KANKEU





Joseph MBAH NDAM: «Une proposition de loi sur la question de la double nationalité en vue»

La session parlementaire en cours, ouverte le 11 mars dernier, a été précédée par des spéculations en tout genre. D’aucuns annonçaient la chute de Cavaye Yéguié Djibril et l’institution d’un poste de vice-président de la République. Mais il n’en a rien été. Joseph Mbah Ndam est député du Social democratic front (Sdf) et vice-président de l’Assemblée nationale. Il décline les grandes lignes des propositions de loi que son parti envisage de soumettre à la conférence des présidents, de même qu’il se prononce sur quelques sujets d’actualité.


Le bureau de l’Assemblée national a déjà été mis en place. Un bureau qui a été entièrement reconduit alors qu’on annonçait des bouleversements. Quelle analyse faites-vous de cette reconduction totale de l’ancien bureau dont vous faites d’ailleurs partie?

La mise en place de ce bureau a mis fin aux spéculations qui étaient très répandues dans l’opinion publique camerounaise. Beaucoup avaient estimé qu’il y aurait un bouleversement de l’équipe dirigeante de l’Assemblée nationale. Mais cela n’a pas eu lieu. C’est le régime en place qui place qui il veut quant il veut. Pour nous au Sdf, nous avions dès le début de la législature, donné l’investiture à quelques responsables. Nous ne pouvions pas les changer parce que nous ne faisons pas un travail à court terme. Seul l’échec de l’un des nôtres peut amener le parti à mener une réflexion par rapport à son remplacement. Je suis content que le calme soit revenu et que l’on puisse se pencher sur le travail maintenant. Nous attendons que le gouvernement nous envoie les projets de loi pour calmer les rumeurs qui enflent dans l’opinion publique sur les changements constitutionnels.


L’opinion a peut-être raison de penser que beaucoup de choses doivent être modifiées dans la Constitution…

Pour ma part, Il n’y a rien à changer dans notre Constitution. Parce qu’elle n’a jamais été mise en place. Nous n’avons qu’un projet de Constitution. Et nous ne savons pas pourquoi. Si vous coupez un morceau d’un habit et greffez sur un autre, vous n’aurez pas un nouvel habit. Il y a beaucoup d’institutions qui ne fonctionnent pas. Quelques uns se révèlent être aujourd’hui archaïques. La façon de fonctionner qui consiste à amender des morceaux de la constitution a montré son inefficacité. Note vision est ailleurs. Il faut aménager le système électoral pour faciliter l’alternance. Il faut aller vers Elecam et voir ce qu’il y a lieu de faire pour accroitre sa neutralité. Il faut chercher à contourner l’achat des consciences en mettant sur pied le bulletin de vote unique. Cette pratique a montré son efficacité dans les autres pays.


Lors de l’élection du président de l’Assemblée nationale, vous avez émis des réserves sur la qualité des bulletins de vote. De quoi était-il question exactement ?

Nous avions constaté que les bulletins de votes dataient de 2013. Pour nous, c’était une erreur inacceptable. On ne pouvait pas laisser passer une telle erreur parce que nous sommes quand même dans la chambre législative du Cameroun. C’était une erreur matérielle qu’on pouvait corriger sans trop de peine. Quand ils sont devenus récalcitrants comme d’habitude, nous avons haussé le ton. C’était un peu bizarre parce qu’en français c’était 2014 et en anglais 2013. Cela pose d’ailleurs un autre problème. Parce que beaucoup de ministres se plaignent de ce que les textes envoyés à l’Assemblée nationale reviennent avec des erreurs et des fautes. Parce que certains s’y accrochent et obstruent sa révision. La majorité pense toujours qu’un texte qui vient du gouvernement est d’office bon. Alors que généralement les initiateurs de ces textes attendent des améliorations.


Des indiscrétions font état de ce que le Sdf a des propositions de loi à soumettre à la conférence des présidents. Sur quoi portent ces propositions de loi ?

Nous ne pouvons pas pour le moment en parler parce qu’on y réfléchit encore. Il est question aujourd’hui de régler définitivement ce problème de double nationalité qui trouble tant les Camerounais. Il y a ce problème de bulletin unique qui est pratiqué presque partout. Mais qui n’est pas d’actualité au Cameroun. Nous préparons des propositions de loi dans ce sens. S’ils veulent ils les rejettent comme d’habitude. Parce que comme je vous le dis, lorsque ça vient du gouvernement c’’est bon même si on n’a pas lu. Et quand ça vient de l’opposition, c’est très mauvais.


Beaucoup ont quand même annoncé l’institution d’un poste de vice président de la République pendant cette session de mars. Pensez-vous que cela puisse être possible ?

Les projets de loi sont conçus et envoyés tous par la présidence de la République. Le président de la République seul peut donc envoyer un projet de loi à l’Assemblée nationale. Tout ce que les gens disent n’est que spéculation. Il a déjoué tout le monde en décidant d’organiser le double scrutin le lundi 30 septembre. Alors que tous les calculs ne permettaient à personne d’envisager cela. Chacun pensait au 29 septembre. Même s’il devait faire parvenir un tel projet de loi à l’Assemblée, il ne le fera plus parce que vous êtes déjà au courant. Pour ma part, l’institution d’un poste de vice-président n’a aucune portée pour le moment. On n’aurait jamais mis en place le Sénat sans corriger la durée des sessions. Les députés sont payés mensuellement. Nous ne savons pas pourquoi on ne peut pas faire comme les autres en tournant à plein temps, quitte à prendre trois mois pour souffler. Tout est provisoire au Cameroun. Lorsque ma commission n’est pas engagée par un texte, je suis en congé. La loi des finances recommande qu’on envoie le projet de règlement en septembre. Et le budget même doit être au parlement 15 jours avant l’ouverture de la session. Mais cela n’a jamais été le cas.


Sortons par une question d’actualité. Le chef de l’Etat a signé récemment un décret portant commutation et remise des peines à des personnes condamnées pour détournement des deniers publics. Cela entre-t-il dans ses prérogatives ?

Notre arsenal juridique est clair là-dessus. Il y a quelques infractions qui ne bénéficiaient pas de la prérogative présidentielle. Je ne parle même pas de la grâce parce que le chef de l’Etat l’exerce seulement pour les condamnés à mort. La remise de peine ne s’applique pas à l’infraction de détournement des deniers publics, de viol des mineurs, de vol à mains armées. Toutes ces infractions ont été exclues du champ des prérogatives présidentielles. Ce que le président a fait est très embarrassant. Il aurait dû faire cela autrement. Il a sa majorité avec lui. Conscient de cela, il aurait pu envoyer un projet de loi y relatif à l’Assemblée nationale avant d’envisager cette remise de peine, plutôt que de violer la loi comme il l’a fait.

Entretien avec Joseph Flavien KANKEU 

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