Présidentielle 2011. Cameroun : Paul Biya attend les résultats à Kribi

Jean-Bruno Tagne | Le Jour Lundi le 17 Octobre 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Présidentielle. Acculé par les médias internationaux qui peignent en chœur un chef d’Etat « intermittent » et « vacancier » plus disposé à passer ses vacances dans les hôtels luxueux de la Baule et de Genève que dans son pays, il a décidé depuis jeudi de déposer ses valises dans sa résidence de Ngoye. Il devrait y rester jusqu’à la proclamation des résultats de la présidentielle, confient certaines sources.

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Le jeune pêcheur en est encore tout ému. Il confie avoir vu le président de la République, Paul Biya, samedi le long de la plage de Ngoye à Kribi, pas loin du lycée. « Je l’ai vu. Oui je l’ai vu de mes propres yeux, comme je suis en train de vous voir. Il était à vélo. Il pédalait, avec autour de lui, plein d’éléments de sa sécurité », confie-t-il les yeux écarquillés de joie et de surprise. Autour de lui, les autres pécheurs qui déchargent leur cargaison de poisson disent n’avoir pas eu la chance de leur collègue. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’il y a une impressionnante présence de militaires de la garde présidentielle dans la ville. Ce qui leur permet de penser qu’effectivement, Paul Biya est dans la ville.
 
A côté, un jeune conducteur de moto-taxi, lui aussi, affirme avoir vu le président Biya. Il va plus loin. « J’ai aussi vu sa femme. Le soir, elle va souvent se baigner là dans la mer », jure-t-il.
 
Paul et Chantal Biya sont effectivement à Kribi depuis jeudi soir. Ils sont arrivés en hélicoptère.  C’est leur deuxième voyage dans le chef lieu du département de l’Océan en l’espace d’une semaine. Le 7 octobre, veille de la présidentielle, le candidat Paul Biya s’y était déjà rendu pour la cérémonie de pose de la première pierre du port en eau profonde de Kribi. Cette fois, il est revenu pour se reposer, en attendant les résultats de la présidentielle, croient-on savoir à Kribi.
 
Autour de la résidence présidentielle construite sous Ahidjo et dans laquelle Paul Biya réside, la sécurité est de taille. Des éléments de la garde présidentielle, armes aux poings et l’air mauvais surveillent. Les plaisanciers sont tenus à bonne distance. La résidence, abandonnée à la broussaille il y a quelque temps, a été réaménagée. La clôture a été badigeonnée de chaux et les abords désherbés. Dans la vaste cour, deux héliports ont été construits et on peut voir deux petits hélicoptères posés.
 
Chômage
Tout autour de la résidence et dans la mer, des hommes du Bir patrouillent sur des chaloupes. Certains sont cagoulés. « Depuis que le président est là, témoigne un pêcheur, le travail est devenu très difficile pour nous. Dans la nuit, vous ne pouvez même pas approcher la résidence. Ils sont là, partout, toujours menaçants. Il y a des pêcheurs qui ont carrément décidé de ne plus travailler, jusqu’à ce que le chef de l’Etat s’en aille. Sauf qu’on nous dit qu’il est là jusqu’à la proclamation des résultats de la présidentielle. »
 
Aucune autorité administrative de la ville de Kribi n’a souhaité s’exprimer officiellement sur le séjour de Paul Biya dans cette cité balnéaire. « C’est une visite totalement privée, un peu comme s’il allait chez lui à Mvomeka’a, confie une source administrative sous le couvert de l’anonymat. Il est là pour se reposer et cela se voit même dans son attitude. En compagnie de sa femme, il sort faire des tours en voiture dans la ville, de jour comme de nuit et rentre se coucher. Il est vraiment là pour se reposer. C’est très privé. La preuve, le gouverneur n’est même pas là. »
 
Plusieurs séances de travail ont tout de même eu lieu entre les responsables du cabinet civil de la présidence d la République et les autorités administratives de la ville de Kribi. En compagnie des militaires de la garde présidentielle, certains parcours ont été jalonnés, au cas où le chef de l’Etat voudrait se déplacer.
Nul ne sait à Kribi ni l’heure, ni le jour où Paul et Chantal Biya décideront de quitter la ville. « Il est seul à le savoir, confie notre source. Le préfet, le délégué du gouvernement, le maire, sommes tous en stand-by. Nous attendons au bureau. Dès que le cabinet civil appelle, on court recevoir les instructions et sans plus. »
 
Dans l’ensemble, les gens se disent plutôt heureux de savoir que le président Biya est chez eux. Mais, l’enthousiasme laisse très vite la place aux revendications. « C’est bien que le chef de l’Etat soit là. Comme ça il va voir par lui-même l’état dans lequel se trouve la ville. Tout ce que nous voulons lui dire c’est que les jeunes souffrent. On n’a pas de travail et on est obligé de pêcher pour vivre. Nous voulons du travail », crie un jeune pêcheur.
 
La Baule
Valentin Bengono, président l’association Familles et développement, confie que c’est un honneur d’accueillir le chef de l’Etat. Il en profite pour poser quelques problèmes auquel la ville fait face : « Insécurité, manque d’éclairage public, manque de logements et de nourriture, chômage des jeunes et graves problèmes de santé. » Selon lui, la construction annoncée du port en eau profonde Kribi ne devrait pas résoudre les problèmes de chômage des jeunes. « Plusieurs jeunes qui font des demandes d’emplois n’ont aucune qualification. Ils auront du mal à trouver du travail », regrette-t-il.
 
L’autre problème auquel les populations de Kribi font face, selon Valentin Bengono, est celui de l’accès aux soins de santé. « L’hôpital central de la ville manque de personnel qualifié, se plaint-il. Les coûts sont très élevés et on manque de spécialistes. Les gens sont obligés d’aller à Yaoundé ou à Douala pour se soigner. Je pense que le chef de l’Etat doit y veiller. De nombreux étrangers vont bientôt arriver chez nous pour les grands chantiers annoncés. Comment vont-ils se soigner ? »
 
Comme par hasard, Anicet Ekane, candidat du Manidem à la présidentielle du 9 octobre est aussi dans la ville de Kribi. Il profite du temps légèrement ensoleillé de ce dimanche matin pour faire un peu de footing dans les rues aux maisons vétustes de la ville de Kribi. Lui-aussi a appris que Paul Biya est dans la ville. « Je me rends compte qu’il est là parce qu’il y a des gars de la garde présidentielle partout. On voit des hélicoptères dans sa résidence, mais lui-même on ne le voit pas. » Et l’ancien président du Manidem de poursuivre : « C’est bien qu’il soit venu à Kribi. C’est désolant. Kribi n’a rien d’une ville touristique. C’est une ville qui a un bord de mer. C’est tout. Il n’y a rien de spécial qui est fait pour attirer les touristes. Il n’y a absolument rien. Et cela ne semble émouvoir personne de ceux qui nous gouvernent. Or, ils ont tous des résidences ici à Kribi. Il en est de Kribi comme des autres villes. Regardez Limbé. C’est tout simplement regrettable. »
 
Dans les bars et autres restaurants de Kribi, l’on mange du poisson frais en devisant sur la présence de Paul Biya dans la ville depuis quelques jours. Une présence qui intrigue. Ce d’autant que son dernier séjour dans sa résidence officielle date du 12 juin 2004. Cette année-là, il était venu à l’inauguration du terminal du pipeline Tchad–Cameroun. Surtout que beaucoup doutent même qu’il ait jamais passé une nuit dans cette résidence. On le soupçonne d’avoir toujours gîté chez son ancien chef d’état-major particulier, le feu général Bénaé Mpéké.
 
A 78 ans, dont 29 passés au pouvoir, le chef de l’Etat camerounais aurait-il décidé de changer ? Au moment où certains médias internationaux le décrivent comme un président « intermittent » qui passe son temps dans les hôtels luxueux de Genève ou de la Baule, Paul Biya veut peut-être explorer les merveilles touristiques de son pays. Certaines sources indiquent, qu’en compagnie de son épouse, il devrait aller voir, dans les prochains jours, les magnifiques chutes de la Lobé.

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