Cameroun - Politique. Cameroun: Où est passée la haute Cour de justice? - Qui doit répondre des actes de Paul Biya ?

GEORGES ALAIN BOYOMO | Mutations Jeudi le 07 Novembre 2013 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L'institution chargée de juger le Président de la République dans l'exercice de ses fonctions n'est toujours pas mise en place.

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Manifestement, il s'agit d'un sujet tabou pour Paul Biya. Lorsqu'il lui arrive de s'exprimer sur l'architecture institutionnelle du Cameroun, le chef de l'Etat évite soigneusement de faire cas de la Haute cour de justice. Aucune mention dans son discours d'investiture du 3 novembre 2011 au Palais de l'Assemblée nationale.

Black-out également sur la question au cours de l'interview accordée à Charles Ndongo (Crtv), au sortir de son vote à l'Ecole publique de Bastos, le 30 septembre dernier. «Nous sommes en train de faire des progrès gigantesques et après les législatives et les municipales, nous mettrons en place le Conseil constitutionnel; l'édifice démocratique du Cameroun sera ainsi achevé. J'invite tous les Camerounais à y participer», indiquait, triomphaliste, le chef de l'Etat ce jour-là. Dans les cercles du pouvoir, il semble acquis qu'évoquer un éventuel avènement de la Haute cour de justice aujourd'hui, c'est commettre un crime de lèse-majesté...

Pourtant, cette institution est explicitement prévue dans la Constitution du 18 janvier 1996, comme le Sénat et le Conseil constitutionnel. A la faveur de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008, les dispositions y relatives ont même été «subrepticement» modifiées, uniquement pour immuniser le chef de l'Etat, l'issue de son mandat, de toute poursuite judiciaire liée à des actes posés... dans l'exercice de ses fonctions.

Cela dit, à la lecture de l'article 53 de la Loi fondamentale, l'on apprend que «la Haute cour de justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par le président de la République en cas de haute trahison, le Premier ministre, les autres membres du gouvernement, les hauts responsables de l'administration ayant reçu délégation de pouvoir (,..), en cas de complot contre la sûreté de l'Etat».

Le constituant précise que «le président de la République ne peut être mis en accusation que par l'Assemblée nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des 4/5 des membres la composant». Enfin, «l'organisation, la composition, les conditions .de saisine ainsi que la procédure suivie devant la Haute cour de justice sont déterminées par une loi».


Questions:

Pourquoi cette Haute cour, fruit du compromis historique- de la Tripartite de 1991, n'est-elle pas toujours en place ? Que redoute le chef de l'Etat alors que son parti, le Rdpc, jouit d'une majorité écrasante dans les deux chambres du parlement ? Qui répondra des actes posés par le chef de l'Etat durant son règne?


Bon à savoir:

La Haute cour de justice est différente du Tribunal criminel spécial. La juridiction citée, déjà en activité, est compétente pour connaître, lorsque le préjudice est d'un montant minimum de 50 millions FCFA, des infractions de détournements de deniers publics et des infractions connexes prévues par le Code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Cameroun.

Là aussi, il va de soi, en l'état actuel des choses, qu'aucun procureur saisi d'une plainte, d'une dénonciation ou d'une requête visant le président de la République, n'ouvrira une enquête judiciaire.

Au plan international, le Cameroun ne faisant pas partie des Etats africains ayant ratifié le traité de Rome, relatif à la Cour pénale internationale (créé pour contribuer à mettre fin à l'impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale et partant pour renforcer l'Etat de droit, promouvoir la paix, la sécurité et les droits de l'Homme dans le monde entier), le président Biya peut dormir sur ses deux oreilles. A moins que...


Le Chef est intouchable!

Les dispositions relatives à la Haute cour de justice sont probablement, de toutes les dispositions constitutionnelles depuis 1960, celles qui font l'objet de la plus faible sollicitude du constituant, un peu comme pour en souligner l'utilité simplement décorative, la personne du Chef étant perçue comme naturellement immunisée par rapport aux actes qu'elle pose. C'est à cette aune qu'il, faut considérer la retouche de l'article 53 de la Constitution relatif à cette juridiction qui n'a jamais fonctionné, avec la retouche de l'alinéa 1, la rédaction d'un alinéa 2 et surtout celle d'un alinéa 3 totalement nouveau dans l'histoire constitutionnelle du Cameroun depuis l'in-dépendance.

L'alinéa 1 réintègre la notion de «haute trahison» dans la Constitution, pour signifier que le président de la République ne peut être poursuivi dans l'exercice de ses fonctions que pour des actes qui revêtent un tel caractère. Cette notion avait été exclue de la Constitution avec la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, pour des raisons restées obscures, alors qu'elle figurait dans les textes constitutionnels depuis 1960. La haute trahison, faut-il le rappeler, n'a de sens que pour les actes relevant de la fonction présidentielle, lesquels seraient entachés d'une particulière ignominie ou d'un t gravité spéciale au regard de l'intérêt supérieur de l'Etat et de la nation (...).

Les modalités de mise en accusation retenues sont particulièrement lourdes et compliquées à mettre en mouvement, avec du reste un scrutin public, ce qui traduit le souci de ne pas engager un tel processus à la légère, mais aussi de mettre le président de la République à l'abri d'une action en responsabilité, la majorité des 4/5 du parlement étant difficile à réunir (...).

La haute trahison serait une situation tellement grave et objective, impossible à dissimuler, qu'elle est évidemment perceptible ou n'est pas. Il peut y avoir des erreurs d'appréciation dans l'accomplissement des fonctions, des décisions politiquement contestables, inopportunes, partisanes, etc. mais une méconnaissance des contraintes juridiques et symboliques liées à sa charge n'est pas une occurrence quotidienne susceptible de passer inaperçue. Le débat, naturellement, reste ouvert à ce sujet quant au véritable programme normatif de cet alinéa 3 nouveau de l'article 53 de la Constitution.


ALAIN DIDIER OLINGA (POLITOLOGUE)


Source: «La révision constitutionnelle du 14 avril 2008 au Cameroun». Initiatives de gouvernance citoyenne. Yaoundé, Mai 2008 

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