Opération Epervier. Cameroun: Bernard Njonga “La corruption se porte bien au ministère de l’agriculture”

Le Jour Mardi le 12 Avril 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Bernard Njonga. Le président de l’Acdic dresse un bilan du comice agropastoral et annonce une manifestation des paysans à Yaoundé le 13 mai.(...)Le Chef d’Etat a certes évoqué un certain nombre de mesures qui auraient dues être portées à l’actif du comice. Malheureusement, non seulement certaines de ces mesures sont de mauvaises solutions aux vrais problèmes de l’agriculture camerounaise, mais aussi, la mise en œuvre, dans le contexte qui est le nôtre, pose plus de problèmes qu’il n’en résout

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Quel est l’objectif de la manifestation du 13 mai prochain?

La manifestation du 13 mai est une réponse de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs et des producteurs à un ensemble de situations qui à l’analyse concourent à détériorer les conditions de vie des populations.

Les manifestations font partie de la palette d’outils reconnus que la société civile utilise non seulement pour s’exprimer mais aussi pour demander correction, réparation ou solution à un problème identifié. En termes de participants,  la manifestation prévue le 13 mai réunira à la fois les producteurs et les sympathisants à la cause paysanne.

Qu’est ce qui motive concrètement cette marche ?

Une manifestation répond toujours à un problème qui se pose et qu’on veut voir résolu en jouant du plaidoyer et du lobbying. Pour ce qui concerne la manifestation du 13 mai, elle se justifie par les deux raisons essentielles suivantes : les petits producteurs qui forment la majorité écrasante des producteurs camerounais (97%)  et produisent la majorité écrasante des vivriers consommés (95%) sont complètement ignorés des décisions prises dans l’optique de booster la production agricole. Pis, les mauvaises solutions proposées aux vrais problèmes de l’agriculture camerounaise, pour être inefficaces, leur sont préjudiciables.  Par ailleurs, elle vise aussi à dénoncer les Démarche infructueuse des actions de plaidoyer et lobbying de l’Acdic ces six dernières années, pour : un meilleur accompagnement des producteurs; une valorisation des emplois ruraux; Une éradication du clientélisme, de la corruption et autres détournements au Minader ; une souveraineté alimentaire nationale.

Comment comptez-vous mobiliser les paysans des différentes régions pour cette manifestation?


Vous êtes sans ignorer que, dans toutes les régions du Cameroun, il existe un bureau régional Acdic très actif. La mobilisation des paysans et autres sympathisants au niveau régional sera effectuée par ces bureaux. Il y a aussi le réseau de la Cosac  (Coalition souveraineté alimentaire Cameroun), qui contribuera amplement à cette mobilisation. Evidemment, nous comptons sur les médias pour informer le grand nombre possible de potentiels participants à la manifestation.

Pour quels résultats ?

A l’issue de notre manifestation, nous espérons voir un ensemble de mesures ou de décisions prises en réponses aux problèmes que nous posons. Mieux encore, nous avons donné des suggestions de solutions à chaque problème et, comme vous pouvez imaginer, nous serons heureux de les voir prises en compte.

Cette manifestation intervient quatre mois après la tenue du comice agropastoral.  Est-ce à dire que le comice n’a pas apporté grand-chose aux paysans camerounais ?


Le  comice agropastoral n’avait pas pour ambition de résoudre tous les problèmes que les paysans peuvent rencontrer, au point qu’après la tenue dudit comice,  les paysans n’aient plus autre chose à demander ou à dire. Objectivement, je crois que s’il faut s’en tenir aux résultats ou aux effets de ce comice sur la stimulation de l’essor du monde rural, on n’aurait même pas attendu deux mois pour réagir car,  de ce point de vue, le comice n’a pas apporté grand-chose au monde rural ou aux producteurs.
Honnêtement, pour le paysan camerounais, pour la stimulation de l’essor du monde rural, ce comice aura été une montagne qui a accouché d’une souris. Il a été récupéré par les politiques, parasité par l’administration et détourné par les élites. En dehors de ces quelques paysans, je veux dire les 1200 qui sont venus représenter la junte paysanne au comice et qui sous plusieurs aspects, peuvent être satisfaits du comice tel qu’il s’est passé, il est difficile de trouver quelque chose que le comice aurait apporté au paysan ordinaire.
Cette stimulation du monde rural a été simplement renvoyée aux calendes grecques. Je vous fais remarquer qu’on ne parle presque plus du tout du comice agropastoral d’Ebolowa. C’est déjà un passé très lointain et pourtant proche. Le Chef d’Etat  a certes évoqué un certain nombre de mesures qui auraient dues être portées à l’actif du comice. Malheureusement, non seulement certaines de ces mesures sont de mauvaises solutions aux vrais problèmes de l’agriculture camerounaise, mais aussi, la mise en œuvre, dans le contexte qui est le nôtre, pose plus de problèmes qu’il n’en résout.

Dès lors, faut-il considérer le comice comme un échec ?

Le comice agropastoral d’Ebolowa, sur le plan événementiel, a été un succès, avec des retombées indéniables sur des acteurs autres que les producteurs. J’ai cité : la ville d’Ebolowa, les politiques, quelques opérateurs économiques, sans oublier les visiteurs, qui, sur plusieurs plans,  ont eu pour leur compte. Je citerais aussi volontiers le Minader, qui à pavoisé de ce qu’il a reçu plus que donné, Malheureusement, comme je l’ai dit tantôt, sur le plan de la stimulation du monde rural, le comice aura été un échec.

D’après vous,  de quel côté faudrait-il situer les responsabilités ?


Surtout pas du côté des paysans, qui ont su faire montre de leur savoir être et de leur savoir faire, qui ont  valablement représenté la junte paysanne à travers leurs produits. Les visiteurs eux aussi  ont répondu présents. Il ne manquait que des bonnes décisions ou mesures pour booster la production agricole nationale, pour faire entrer le comice agropastoral d’Ebolowa dans l’histoire. Malheureusement,  tous ceux qui attendaient cela du discours du Chef de l’Etat ont vite déchanté.

Quels sont   les problèmes auxquels les « seigneurs de la terre » sont confrontés au quotidien ?

Je ne sais pas si c’est par hypocrisie ou par ironie que vous les appelez les « seigneurs de la terre » parce que s’ils méritaient vraiment cette appellation, ils ne seraient pas traités avec autant de mépris comme ils le sont actuellement et ne rencontreraient pas autant  de problèmes dans leur quotidien. Quand vous imaginez que 60% de pauvres de notre pays se trouvent en milieu rural, c’est tout dire. Ils sont en permanence confrontés aux problèmes de tout genre :  d’intrants agricoles, d’enclavement  de commercialisation, de formation, de financement et que sais-je encore.

Six ans après, on constate que les mêmes problèmes que vous souleviez par le passé restent d’actualité. Est-ce à dire que votre combat pour l’amélioration des conditions de vie du monde paysan n’a pas porté ses fruits ?

On ne peut pas dire que toutes les actions que nous avons menées n’ont porté aucun fruit. Le combat que nous avons mené et gagné contre les poulets congelés importés a favorisé le redécollage de la filière avicole nationale, pour le bonheur des consommateurs, qui, aujourd’hui, consomment un poulet local nettement meilleur que le poulet congelé importé.

Parmi ces combats figuraient la baisse des importations. A quel niveau nous en sommes ?

Plusieurs autres produits de grande consommation tel que le riz, le sucre, l’huile continuent à être importés de manière je dirai massive. Il faut aussi relever que les filières de production de ces produits ne sont pas aussi solides que ce que nous avons connu avec la filière avicole. Pour dire que les importations ont encore de beaux jours devant elles tant que nous n’aurons pas obtenu une volonté politique forte pour inverser le cours des choses. C'est-à-dire porter la production nationale à un seuil qui puisse permettre d’assurer la sécurité alimentaire voire la souveraineté alimentaire du pays.

Qu’en est-il de la corruption au ministère de l’agriculture?

Elle se porte bien et elle est bien implantée et difficile à déraciner, autant que je vous le dise. C’est un des combats pour lequel nous avons joué au « Qui perd gagne ».  Tous les fonctionnaires que nous avions (la Conac avec) soupçonné de fait de corruption sont en poste et c’est un peu comme si tant le ministère que la Conac ou encore la justice camerounaise auprès de qui nous avons porté plainte avaient tourné la page de ce dossier de corruption au ministère de l’agriculture. Je ne vous cache pas que nous sommes déçus de cette situation, mais décidés à poursuivre le combat contre cette corruption au Minader.

Propos recueillis par Boris Bertolt
 

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