Economie. Budget 2013 hors sujet : le Cameroun sur le chemin de la Grèce

237online Vendredi le 28 Décembre 2012 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le déficit commercial du Cameroun sera de 1251 Milliards à la fin 2013. L’Etat contribuera pour 812 Milliards. Le reste de l’Economie contribuera pour 438 Milliards. Dans un PIB de 13 000 Milliards, l’Etat prélève 3 228 Milliards, soit le quart. Par contre, sur les 2 600 Milliards de devises générés par le système, la réalisation du budget de l’Etat entraînera à elle seule une dépense en devises de 1458 Milliards, soit 56% du total. Faillite programmée.

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Les autorités camerounaises feignent d’ignorer que le budget est aussi un instrument économique.

Avant d’être un instrument financier et comptable ou une loi, le budget est d’abord et avant tout un instrument

d’une haute technicité économique. Les instructions du Chef de l’Etat, la synthèse des stratégies des Ministères, le vote par la Représentation Nationale, le consensus de tous les camerounais, l’honnêteté dans la gouvernance et le respect scrupuleux des conseils du FMI et de la Banque Mondiale, tout cela est certainement utile. Mais rien de cela ne présente aucune utilité à partir du moment où le budget viole certaines règles fondamentales de l’économie.

Il est sans doute utile de rappeler que quel que soit son niveau de sophistication, l’économie internationale est un troc. Le Cameroun ne peut acheter à l’extérieur qu’à concurrence de ce qu’il a vendu et il doit respecter cette règle, au risque de plonger dans un endettement abyssal. Et même si on accorde qu’il puisse s’endetter, la dette ainsi concédée doit se limiter aux investissements qui, non seulement augmentent le revenu, mais aussi et surtout, génèrent les devises requises pour financer le remboursement.

C’est cette réalité élémentaire qui doit guider la confection du budget de l’Etat, avant toute autre considération. Évidemment, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Ceux qui disposent de moyens technologiques peuvent substituer les biens locaux aux importations dès que leur balance extérieure est menacée : par exemple, la France peut construire les routes en important les bulldozers d’Allemagne, mais elle les produira au besoin en cas de risque de déficit durable. Elle pourra alors renforcer ses usines qui produisent les bulldozers par de multiples mesures telles que les subventions, l’augmentation des taux de douane, la dévaluation de sa monnaie, le contingentement des importations ou la préférence nationale aux entreprises locales.

De même, les pays qui disposent de gigantesques réserves en devises n’ont guère à se préoccuper de leur équilibre extérieur, ainsi que le témoigne la Guinée Équatoriale dont les réserves oisives lui permettent d’engager des investissements coûteux sans se préoccuper des conséquences.

Le Cameroun n’est pas dans ces deux cas de figure. Ne pouvant pas produire lui-même les biens et ne disposant pas d’énormes ressources en devises, il est obligé d’équilibrer en permanence sa balance extérieure au risque de sombrer dans un déficit abyssal qui, loin de le conduire à l’émergence, va le précipiter dans une situation à la Grèce.

Ce fait l’oblige à prêter plus d’attention à la confection de son budget et surtout, à changer de perspectives en mettant plus l’accent sur les impacts économiques et beaucoup moins sur les équilibres financiers. La différence entre les deux approches s’explique mieux avec l’exemple suivant : supposons qu’on veille construire une école à Nkoteng, dans les quartiers abritant les ouvriers de l’usine SOSUCAM. L’école peut être construite, soit en briques cuites au coût de 10 Millions de FCFA, soit en matériaux préfabriqués importés au coût de 7 Millions de FCFA.

Si la construction se trouve à la charge du Directeur Général de CAMSUCO, celui-ci prendra évidemment l’option des matériaux préfabriqués qui coûte moins cher. Et cela est logique : le Directeur Général n’a pas à se préoccuper de l’origine des intrants qu’il achète, puisque cette origine ne joue aucun rôle dans sa comptabilité. Il préférera donc acheter un bien importé qui lui coûte moins cher que ses substituts locaux. C’est une approche financière et microéconomique.

Par contre, si l’Ecole est réalisée par l’Etat, le Gouvernement doit distinguer les dépenses faites pour encourager la production locale et les importations qui menacent le pays d’endettement. Dans le cas d’espèce, c’est l’école en briques cuites qui doit être privilégiée, car c’est elle qui est la moins coûteuse en importations et plus rentable en termes d’activités locales.

On voit bien la différence entre les deux approches : pour le Directeur Général, l’utilisation des matériaux locaux est un coût comme n’importe quel coût alors que pour le Gouvernement, cette utilisation est une valeur ajoutée.

C’est cette vision qui doit donc prévaloir dans la confection du budget et non la vision financière promue par le FMI et relayées par les économistes administratifs. Elle doit se traduire, concrètement, non seulement par l’équilibre global en recettes et en dépenses du budget, mais également par l’équilibre global en recettes et en dépenses en devises.

Un tel exercice doit naturellement s’appliquer à l’ensemble de toute la Nation. Les résultats d’une simulation faite sur le budget actuel par le Centre d’Analyses Economiques et Sociales (CAES) donnent des résultats ci-après :

Comme on le voit, sur un PIB de 13 000 Milliards, l’Etat prélève 3 228 Milliards, soit le quart. Par contre, sur les 2 600 Milliards de devises générés par le système, la réalisation du budget de l’Etat entraînera à elle seule une dépense en devises de 1458 Milliards, soit 56% du total.

Il en découle qu’à montant identique, les dépenses de l’Etat contiennent quatre fois plus d’importation que le reste des autres acteurs. Ce caractère excessivement extraverti de la dépense publique s’explique aisément : outre le service de la dette qui est une contrainte, l’amplification de la dépense à l’étranger est parfois volontaire, lorsque les responsables achètent des limousines, remplacent les équipements à tout bout de champ ou multiplient des missions à l’étranger. Il est également lié au désir réel de développer le pays, notamment quand le Gouvernement tente d’augmenter le taux d’investissement pour doper la croissance ou réalise les Grands Projets; comme le pays est technologiquement dépendant, cet investissement se traduit par de fortes importations d’équipements et des machines. Enfin, il vient de la modification du profil de consommation des agents publics dont le niveau moyen s’élève d’année en année, et on sait que le niveau intellectuel entraîne une tendance à l’achat des biens étrangers.

L’Etat contribuera ainsi pour 812 Milliards sur le déficit commercial du Cameroun estimé à 1251 Milliards à la fin 2013. Le reste de l’Economie contribuera aussi pour 438 Milliards, alors que c’est de lui qu’on aurait dû attendre un excédent capable de supporter le déficit créé par l’Etat. Cette situation s’explique par la nature de notre économie qui a tendance à s’étendre uniquement sur son secteur tertiaire dont le fonctionnement requiert lui-même des importations, alors que le revenu généré a aussi de plus en plus tendance à sortir à travers la friperie, le riz et les téléphones cellulaires.

C’est une situation totalement intenable qui ne peut, de toute évidence, conduire à la relance de la croissance et encore moins à l’émergence. Le budget récemment voté n’est pas réalisable sans compromettre grièvement les grands équilibres macroéconomiques et pousser le Trésor Public vers la cessation de paiement.

C’est précisément ce qui guette actuellement le Cameroun et il faudrait vraiment remercier Dieu si notre budget achève l’année 2013 sans de très, très sérieuses difficultés financières.

Il est impératif de revoir la manière dont le budget du Cameroun est confectionné, en y introduisant l’analyse économique qui va encadrer les choix politiques et non l’inverse. Pour cela, il faut prendre les mesures suivantes :

-réduire le gaspillage public, en créant un mécanisme de gestion des biens mobiliers de l’Etat (ordinateurs, chaises, etc.) qu’on renouvelle à tout bout de champ, comme le témoigne le renouvellement des meubles au moindre changement d’un responsable ;

-ne plus acheter les voitures de 25 Millions aux responsables, mais leur donner plutôt 7 Millions de FCFA à mains propres, afin qu’ils aillent acheter les congelés auprès des vendeurs disséminés à Yaoundé et Douala;

-privilégier les dépenses d’investissement peu consommatrices en devises et notamment, privilégier les approches HIMO ;

-taxer durement les habitations construites en marbre ou en tuiles importées, ainsi que tous les biens meubles et immeubles construits à partir des investissements massifs ;

-interdire purement et simplement les déplacements à l’étranger aux frais de l’Etat, que ces déplacements portent sur les séminaires, les voyages parlementaires, les visites à l’étranger, les prétendus recherches de financement, et autres ;

-reprendre de manière plus énergique l’agriculture d’exportation, en la subventionnant massivement ;

-limiter par des moyens de force les importations du riz, de la friperie et de tous les bibelots, en finançant et en subventionnant de manière vigoureuse les entreprises locales acceptant de produire les mêmes biens ;

-inscrire les Grands Projets dans le moyen et long terme, et éviter de les réaliser en même temps, car non seulement ils épuisent le système économique, mais ils n’ont pas pour vocation de résoudre les difficultés du Cameroun qui sont liées à l’hémorragie des devises ;

-créer de nouveaux acteurs économiques tels que les mairies ou les régions, capables de s’occuper des activités productives, eu égard à la disqualification de l’Etat ;

-Enfin, instaurer la monnaie binaire.

Dieudonné Essomba,

Economiste, Ingénieur Statisticien hors échelle,Cadre au MINEPAT

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