Cameroun - Culture. Archives : La numérisation fait débat

Patricia Ngo Ngouem | Mutations Vendredi le 10 Juillet 2015 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Alors que le Minac semble avoir trouvé la solution pour préserver ces documents, les professionnels soutiennent que l’archivage électronique n’est pas prioritaire.

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Plus de 8.000 pages d’archives «précieuses» ont été numérisées à Buea (Sud-Ouest), dans le cadre du projet pilote de numérisation des archives en danger. Cette étape était la première phase d’un processus lancé en 2011 qui doit s’étendre à tout le pays, conformément au plan national de numérisation élaboré par le ministère des Arts et de la Culture (Minac). «Ce plan a été finalisé en fin 2013. On a soumis à la validation. C’est sur la table du Premier ministre», confie Michael Ngwang, le directeur des Archives nationales du Cameroun. Une institution placée sous la tutelle du Minac, dont la principale mission est de stocker et de conserver tous les documents écrits pouvant servir et intervenir dans l’histoire du pays.

Une étude nationale a également été commandée dans le pays pour faire un «inventaire exhaustif» des archives à numériser. Cette étude est en passe d’être finalisée, apprend-on. «Nous avons déjà eu le premier draft. Il y a eu des recommandations pour que l’entreprise qui avait gagné ce marché nous donne l’information exhaustive qui pourra nous permettre de travailler. On est en train d’attendre cela», confie Michael Ngwang. Au Minac, on reste persuadé que la numérisation du système d’archivage est une solution pour préserver et conserver les archives.  Un enthousiasme que ne partagent cependant pas les archivistes, qui estiment qu’avant de passer à la numérisation, il faudrait avoir mis en place au préalable une bonne organisation manuelle de l’archivage.

«Il faut organiser, rationnaliser, classer et inventorier les archives. Une fois que ce travail préalable a été fait par les archivistes, alors les numérisateurs que sont les informaticiens viennent transformer en bits numériques ces documents», soutient Louis Marie Ondoua. La numérisation, assure l’archiviste, vient donc en complémentarité de l’organisation des archives. «L’archivage, c’est des documents qui doivent être originaux, et avoir un intérêt public, soit administratif, soit historique.  Il est préférable que les cabinets de numérisation aient des archivistes chevronnés pour systématiser d’abord avant de numériser. Si on n’a pas mis cela, on risque de se retrouver avec des «poubelles numériques», prévient-il.

Problèmes

Au Cameroun, les difficultés dans la gestion de cette «mémoire collective» sont légion, souligne Thérèse Marcelle Akamba, chef de service de la documentation et des archives à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Elle cite notamment le déficit en ressources humaines qualifiées et la mauvaise perception du métier d’archiviste. «Lorsqu’une entreprise est en crise, les archives font partie des départements où les budgets subissent les plus gros coups», déplore-t-elle. Or, les archives ne sont pas des documents qui ne servent à rien comme le pense une grande partie de l’opinion publique.

«Les documents vivants, qui sont des papiers des administrations, sont des archives courantes. Après leur utilisation, elles deviennent des archives intermédiaires. Et quand elles ont atteint les délais légaux de conservation (confère la loi du 19 décembre 2000 régissant les archives au Cameroun, Ndlr), elles deviennent des archives mortes. Dans ces archives, il y en a qu’on va détruire parce qu’elles ne servent à rien et d’autres qui deviennent des archives historiques qu’on envoie aux Archives nationales», explique Louis Marie Ondoua. La numérisation ne saurait donc être la panacée puisque l’archivage électronique ne vient résoudre que deux problèmes : celui de l’espace «parce qu’on conserve plus dans un espace réduit», et le partage de l’information, assure Thérèse Marcelle Akamba.

L’espace, c’est ce qui manque le plus au siège des Archives nationales. Cette institution, qui a hérité d’un ancien bâtiment colonial à sa création en 1952, se retrouverait vite saturée si toutes les administrations publiques consentaient à y transférer leurs archives, comme l’exige la réglementation. D’ailleurs, la dernière fois où l’institution a reçu des archives provenant d’une administration publique remonte à 2005. Alors même que la conservation des archives publiques est une obligation légale. Du fait de l’exigüité des lieux, mais aussi de la vétusté de l’infrastructure, les équipements (scanneurs, ordinateurs, appareils de mise en réseau…) acquis l’année dernière en vue de l’automatisation des archives sont parqués dans un coin du bâtiment, encore dans leur emballage d’origine.

Formation

«Le bâtiment qui devait abriter ces équipements n’a pas été bien sécurisé. Nous sommes actuellement en train de fabriquer des antivols pour sécuriser la salle», confie Michael Ngwang, le directeur. Ce dernier reconnaît néanmoins qu’il est important d’avoir des archives manuelles «bien organisées», avant de passer à la numérisation. «Les archives se génèrent tous les jours, au fur et à mesure que les administrations fonctionnent. Donc, à aucun jour, on aura toutes les archives traitées. C’est un processus permanent. La numérisation est aussi un processus», dit-il. A l’en croire, 23 membres du personnel des Archives nationales ont déjà reçu une formation «basique» de numérisation. «Cette année, on a budgétisé la formation et l’achat du logiciel. Ce qui veut dire que d’ici l’année prochaine, on peut commencer avec la numérisation proprement dite au niveau national», se réjouit M. Ngwang.  «Les archives sont manuelles à 99% mais pour que nous arrivions à un niveau d’archivage numérique, ça demande énormément de ressources en temps, en personnel, en argent et en équipements», renchérit Thérèse Marcelle Akamba.

Mais il est primordial de préserver et de conserver ce patrimoine national, déclarait la ministre Ama Tutu Muna le 25 juin dernier à Yaoundé, à l’occasion de la Journée internationale des archives. Au cours de cette journée qui se célèbre normalement le 9 juin, la Minac a laissé entendre que le gouvernement «a pris la pleine mesure du rôle des archives» dans la conduite quotidienne des affaires publiques. Un ensemble de projets en vue de la conservation, de la préservation et de la valorisation des archives est en cours d’exécution au Minac, a-t-elle dit. Parmi ces projets, la création d’un centre national des archives, dont les missions n’ont pas été spécifiées.

 

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