Cameroun - Nigeria. Approvisionnement en armes: comment l’armée asphyxie Boko Haram

GUIBAÏ GATAMA | L’Oeil du Sahel Vendredi le 18 Juillet 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le Cameroun et le Tchad sont en passe d’étouffer la secte qui n’arrive plus à se ravitailler.

ADS


Les récentes attaques des brigades de gendarmerie de Zina et de Bunderi dans l’Extrême-Nord, sont loin d’être des actes isolés. Elles marquent un tournant dans la stratégie d’approvisionnement de la secte et consacrent le succès de la stratégie de l’armée camerounaise sur le terrain. En effet, depuis près de deux mois, des indices ont montré que la secte avait du mal à accroître sa réserve stratégique et que celle-ci avait même tendance à sérieusement diminuer du fait de la déstructuration de sa «division logistique au Cameroun» consécutive aux nombreuses arrestations opérées dans ses rangs, à un resserrement des contrôles sur les couloirs de transport et à son incapacité à stocker plus d’armes à la frontière entre le Tchad et le Cameroun, du fait de la pression des services de renseignement tchadiens.

L’installation annoncée d’un scanner géant sur le pont Ngueli reliant la ville Camerounaise de Kousseri et Ndjamena, la capitale du Tchad, ou encore au check-point stratégique de Maltam lui portera encore un coup fatal, à moins qu’elle n’y concentre ses efforts pour le détruire comme elle le fait déjà avec certaines infrastructures au Nigeria dans le but de réduire l’efficacité de l’armée.

Le travail d’assèchement effectué par l’armée camerounaise et les autorités tchadiennes devrait permettre à moyen terme aux forces nigérianes de reprendre l’initiative, la secte étant enfermée dans un étau structurel qui ne pourrait que réduire ses capacités de combat. Pour la secte, la situation a radicalement changé en très peu de temps. Jusqu’ici, elle avait toujours sous-traité ses achats d’armes via des intermédiaires qui se chargeaient de les livrer à la frontière tchado-camerounaise, où elles étaient entreposées en divers endroits le long des fleuves Logone et Chari ou encore dans les environs du Lac Tchad.

Là, la secte reprenait le relais en s’appuyant essentiellement sur ses réseaux locaux pour gérer le franchissement de la frontière avec le Cameroun, le stockage d’armes dans le département du Logone et Chari et son acheminement au Nigeria. La machine tournait à plein régime, ce d’autant que le Cameroun et le Tchad n’avaient pas pris la mesure du danger que représente la secte. «Le gros des armes passaient pas le Tchad où certaines personnes protégeaient ce buisines lucratif, puis était stocké au Cameroun.

C’est une chaîne qui est plus ou moins grippée aujourd’hui parce que chaque maillon est soumis à une trop forte pression. Si les Tchadiens continuent à s’activer comme ils le font en ce moment, le Cameroun aura moins d’armes à traiter et la secte ne recevra in fine qu’une quantité minime l’obligeant à abandonner les grosses opérations. C’est tout son approvisionnement qui est remis en cause, et donc son existence à moyen terme. A présent, elle va devoir gérer son stock et réduire ses objectifs. En un mot, elle va compter ses cartouches», explique une source autorisée.

Au lieu de l’affronter pour la réduire, les uns et les autres, consciemment ou non, ont pris le parti de l’assécher.

STRATÉGIE

«Plusieurs groupes contrôlent des pans du territoire nigérian à la frontière avec le Cameroun. Autrefois, ils se ravitaillaient auprès de l’armée nigériane à l’issue des combats ou par divers trafics. Maintenant que l’armée leur a abandonné la zone, ils ne leur reste plus qu’à se tourner vers le Cameroun, plus proche de leurs bases pour tenter de faire leurs emplettes. Or là, les choses ne sont pas si aisées», se réjouit un responsable du State security service (SSS) contacté à Maïduguri.

Pis, malgré la flambée des prix sur le «marché des armes au noir» dans les régions septentrionales du fait de la demande de la secte Boko Haram, l’offre ne suit plus. D’où, selon nos informations, les tentatives de la secte de s’alimenter directement sur les stocks de l’armée camerounais. Incapables pour le moment de s’en prendre aux unités du BIR et autres groupes tactiques de l’armée, ils auraient choisi de concentrer leur effort sur le maillon faible du dispositif de la sécurité nationale : les brigades de gendarmerie installées le long de la frontière.

Sous-équipées en hommes aptes au combat, elles sont en effet une proie facile pour Boko Haram. En quelques jours, elles se sont servies à Zina et à Bunderi. «Ce sont des cibles fixes, facile à étudier. De plus, ses éléments ne sont pas très combatifs et parfois mal commandés car les brigades sont généralement confiées aux éléments âgés en fin de carrière. Pis, beaucoup ont demandé à être affectés là du temps où travailler à la frontière était une prime, une récompense, la certitude de faire fortune. Ils n’avaient pas demandé à venir là pour combattre », explique un officier supérieur.

La gendarmerie devrait impérativement s’adapter à cette nouvelle donne que lui imposent les circonstances du moment. En a-t-elle seulement les moyens ? Certes elle dispose d’unités spéciales qui ont largement démontré leur aptitude au combat contre les éléments de la secte mais les disperser dans les brigades de gendarmerie le long de la frontière serait contreproductif selon des analystes militaires notamment en raison de leur faible nombre et du vide qu’ils laisseraient dans le dispositif de défense. «Les membres de Boko Haram que nous avons arrêtés et interrogés respectent les forces spéciales camerounaises.

Ceux qui nous ont ralliés en parlent avec respect. Cela nous gêne un peu sur les bords, mais il faut faire avec», explique un responsable du SSS à Maïduguri. Les unités spéciales restent donc l’atout maître du Cameroun dans cette bataille. «Ils n’attaquent pas une brigade par plaisir. Ils l’attaquent essentiellement pour récupérer des armes et des munitions. C’est cette problématique qu’il faut résoudre et nous avons les moyens de le résoudre», rassure un officier supérieur à Maroua.

Si les brigades de gendarmerie, mieux garnies en armes et en munitions, venaient à être hors de portée de leurs prétentions, les commissariats de police situés le long de la frontière deviendraient de nouvelles cibles pour la secte. «Protéger les commissariats est plus difficile car la police ne dispose pas d’hommes pour ce type de mission. Renforcer leur protection par des éléments de l’armée serait aussi mal perçu par le corps. Les déplacer vers l’intérieur serait donner un mauvais signal aux populations. Il ne restera qu’à réduire au strict minimum les stocks d’armes et de munitions dans les commissariats, réduisant ainsi les capacités de nos éléments, ou les déplacer et les installer non loin des postes de l’armée ou des brigades de gendarmerie », explique une source à la délégation régionale de la Sureté de l’Extrême-Nord.

Les analystes militaires sont formels : plus les armes vont se raréfier, plus la secte mettra les bouchées double pour s’approvisionner auprès des forces de défense camerounaises. Et il n’est pas alors exclu qu’elle s’attaque à de petites unités mobiles de l’armée, inaugurant ainsi l’ère des embuscades.

ADS

 

ADS

ADS

Les plus récents

Rechercher un article

ADS

ADS