Elections Côte d ivoire. Albert Ledoux Yondjeu : On m’a planté le bout du fusil dans l’oreille

Mutations Jeudi le 16 Décembre 2010 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le rédacteur en chef d’Equinoxe radio et Tv parle de la situation en Guinée et en Côte d’Ivoire à la faveur des récentes élections présidentielles dans ces deux pays.

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 Faire votre travail de reporter dans une Côte d’Ivoire au bord de la guerre a dû être éprouvant. Qu’est-ce qui était le plus dur pour vous ?
C'est dur d'être reporter de télévision dans un contexte de conflit come vous le notez vous même. Le journaliste est accompagné d'un caméraman qui, lui même, est flanqué d'une caméra qui n'est pas toujours la bienvenue. Il y a des militaires partout. Les militaires ne savent pas ce que c'est que la liberté de la presse. C'est le cas en Guinée où ceux qui constituaient la garde du Général Sékouba Konaté m'ont carrément planté le bout du fusil dans le creux de l'oreille alors que j'essayais de recueillir sa réaction au sortir du bureau de vote le 7 novembre dernier. En guinée comme en Côte d’Ivoire, nous couvrions des élections dites de sortie de crise. Et les camps sont si tranchés dans leurs positions qu'ils soupçonnent même les journalistes. Les militants sont extrêmement violents. Souvent armés d'armes à la fois automatique et blanches ils vous mettent en insécurité dans vos reportages. Tout cela était dur pour nous. Mais nous avons bravez ces difficultés comme vous vous en doutez.

Justement, quels étaient vos astuces pour contourner ces difficultés?

Nous prenions soins de rassembler les informations sur les lieux où nous nous rendions. Et nous agissions en prenant en compte la psychologie de ceux qui devaient être nos interlocuteurs. Lorsque nous descendions au campus de Cocody (à Abidjan, ndlr) contrôlé par la fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci ), nous savions que les membres de cette organisation, réputés violents, sont proches de Gbagbo. Nous les approchions et les rassurions. Mais attention, nous tenions à notre liberté d'action et nous menions reportages. Quand nous descendions à Yopougong (quartier populaire d’Abidjan, ndlr) pour couvrir les violences au siège du Rdr (parti d’Alassane Ouattara, ndlr) et au siège du Fpi (de Laurent Gbagbo, ndlr), nous prenions le soin de former une colonie importante de journalistes de divers médias. Cela a l'avantage de rassurer nos interlocuteurs sur le fait qu'il s'agit d'un sujet «journalistiquement» intéressant .Rien de plus.

On dit ces pays que certains médias sont alignés derrière les candidats…

Mais il faut savoir que la crédibilité du média compte beaucoup. Plus un média se met à équidistance des forces en présence, plus il est accepté en reportage. C’est ce que nous avons cultivé en Guinée comme en Côte d'ivoire. La neutralité. Evidement, il est des situations où même la neutralité ne suffit pas. Quand des jeunes du Rhdp (coalition pro-Ouattara, ndlr) envahissent violement un stade où des «parlementaires» de Gbagbo devisent, ils vous disent qu'ils ne veulent pas être filmés. Quand des jeunes de la Fesci, pro-Gbagbo, attaquent le siège du Pdci (parti de Konan Bédié, proche de Ouattara), devenu siège du Rhdp, ils sont aussi prêt à casser votre caméra. Ou alors quand la gendarmerie et la garde républicaine encerclent le siège de la Commission électorale indépendante (Cei) à Mopins, à deux heure du délai accordé à celle-ci pour proclamer les résultats provisoires, ils repoussent les caméras et journalistes. Dans ces cas, il faut savoir se mettre en retrait tout en recueillant discrètement images et informations de première main. D'où l'importance aussi d'un carnet d'adresse fourni.

Qu’est-ce que le journaliste, que vous êtes, tire de cette double expérience ivoirienne et guinéenne ?
Principalement, que le journalisme sur les terrains de conflits est différent du journalisme dans un pays en paix ou qui jouit d'une paix relative comme le nôtre. Il faut savoir y travailler en se protégeant. Etre neutre, astucieux, avoir des contacts avec le corps diplomatique. Mais aussi en tant que citoyen camerounais, je pense que le Cameroun gagnerait à tirer des leçons des situations de la Côte d'ivoire et de la Guinée dont les crises successives puisent leur source, fondamentalement, dans un déficit d'alternance qui aura plongé ces peuples dans l'incertitude et la mal-gouvernance. Toutefois, je suis heureux de constater qu'en Guinée comme en Côte d'Ivoire, la couverture des activités présidentielles est ouverte à toute la presse. En cela, ces pays en crise nous apprennent quelque chose d'important.

Après la Côte d’Ivoire et la Guinée, quels projets journalistiques nourrissez-vous désormais ?

Au moins trois personnes m'ont déjà suggéré d'écrire un ouvrage sur ce que j'ai vu. Je dis pourquoi pas. Mais je crois qu'il faut vivre davantage d'expériences du genre. Je rends hommage à la direction d'Equinoxe Tv qui a ainsi osé. Vous avez bien remarqué que nous étions quasiment les seuls [journalistes camerounais] là bas, pendant pratiquement deux mois. Et ça, il faut le faire!

Propos recueillis par  Brice T. Sigankwé

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