Cameroun - Politique. Albert Dzongang : Je suis prêt à rentrer au gouvernement

Mutations Vendredi le 07 Janvier 2011 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Elecam, inscription sur les listes électorales, Rdpc, opposition, Assemblée nationale, gouvernement, présidentielle de 2011, le président de la Dynamique n’élude aucune question.

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Il y a deux ans, lors de la mise sur pied des organes d’Elecam, vous estimiez qu’il s’agit d’un non événement. Votre jugement a-t-il changé ?
Est-ce que deux ans après, les hommes qui le composaient ont changé ? Les derniers développements me donnent raison que c’était un non événement. Parce qu’en dehors de Me Ebanga Ewodo que je connais particulièrement et qui est une goutte d’eau dans la mer, tous ceux que l’on a nommés étaient des activistes du Rdpc. Quand je dis activistes, je parle de ces gens qui militent pour un objectif précis, pour se faire voir, pour gagner des choses. Pas ceux qui militent pour soutenir et défendre la politique de leur chef, M. Paul Biya. Quand je disais que c’était un non événement, je pensais qu’étant donné que ce sont des fonctionnaires, et même des anciens de l’administration territoriale qui vont l’animer, c’est la continuation de l’Etat dans cette organisation. Je continue à penser que le résultat d’une élection ne dépend pas seulement de l’organisme qui la conduit, mais surtout des électeurs qui défendent leur vote. Le jour où le peuple camerounais souverain décidera de s’inscrire, de prendre sa carte de vote, de voter, de surveiller son vote, le résultat sera ce qu’il aura voulu, et non ce que d’autres auront fabriqué pour conquérir le pouvoir ou s’y maintenir.

 A votre avis à qui revient-il donc d’amener les Camerounais à s’inscrire, à voter à surveiller leur vote pour protéger celui-ci ?

D’abord aux Camerounais parce qu’il faut comprendre que le vote est un acte personnel. Quand j’entends dire qu’il ne faut pas s’inscrire, ça m’amuse. La carte de vote est une propriété personnelle dont on se sert pour accorder sa confiance ou pour la refuser à quelqu’un. Ceux qui s’essayent en politique et qui se disent leaders, doivent être des guides. Expliquer, enseigner, éduquer et conduire le peuple à prendre effectivement conscience de sa puissance dans le choix des gens qui doivent le gouverner. Passer le temps à dire  Elecam c’est rien, pour ensuite aller rencontrer ses dirigeants et même percevoir des perdiems est de nature à semer le trouble dans la tête des militants. Ce sont là des attitudes susceptibles de dérouter le peuple qui ne sait plus à quel saint se vouer.

Que fait la Dynamique dans ce processus ?
La Dynamique et je l’ai toujours dit n’est pas un parti populaire,  ou de masse. La Dynamique s’oriente pour le moment vers ceux qui, de par leur éducation et leur formation, peuvent vite comprendre une situation et devenir des formateurs. Nous avons mis sur le terrain, beaucoup de jeunes diplômés, à charge pour chacun d’inscrire au moins deux cent personnes autour d’eux et leur donner une éducation citoyenne en leur apprenant comment voter et protéger son. Nous préparons la population pour qu’elle comprenne que le résultat d’un vote relève de son choix et si elle ne va pas voter, d’autres le feront à sa place et elle en pâtira. La Dynamique n’est pas là pour faire de grands spectacles, encore moins pour de grandes déclarations, pour attirer l’attention sur elle en vue d’obtenir quelques subsides du pouvoir. Nous sommes un parti de formation et d’éducation.

Est-ce à dire que vous êtes parti du Rdpc qui lui se veut un parti de masse pour créer un parti d’élites ?
Le Rdpc n’était pas un parti de masse en tant que masse populaire type socialiste. Vous savez qu’au cours d’un congrès, son président national a dit que le Rdpc doit cesser d’être un parti de danseurs et de chanteurs. Lorsque M. Biya a créé ce parti, c’était un grand parti unique démocratique du Cameroun. Vous vous souvenez qu’il était impossible de tricher dans le Rdpc quand il était un parti unique. Certains en ont bavé. Et mon élection face à Jean Jacques Ekindi pour la conquête de la section du Wouri avait duré neuf heures. C’est lorsque cette caricature de démocratie est arrivée que les choses ont changé, chacun cherchant le populisme. La gestion saine des biens de l’Etat n’intéresse plus personne.

C’est ce qui vous a amené à quitter ce parti ?
Je suis parti du Rdpc parce que j’étais dans le courant des rénovateurs fondamentalistes. Le chef de l’Etat ayant lui-même défini sa politique comme celle du renouveau, on ne peut avoir une œuvre qui réussit que s’il y a des ouvriers pour la conduire. Nous avons remarqué qu’il y avait le renouveau sans rénovateurs. C’était comme disait mon parrain Georges Ngango, « du vin neuf dans de vieilles outres ». Et le vin prenait l’odeur du pourri. L’on ne pouvait plus savourer ce bon vin. Nous avons donc voulu créer le courant des rénovateurs, les soldats du renouveau au service du chef de l’Etat. Malheureusement nous avons été mis à mal, combattus à l’intérieur comme à l’extérieur du parti. Etant à l’étroit, nous avons eu l’honnêteté intellectuelle de partir. Ce que beaucoup n’ont pas fait. Ils ont préféré rester dans le parti pour s’enrichir et aujourd’hui ils combattent le Rdpc de l’intérieur, ils donnent des informations à l’extérieur pour attaquer le régime. C’est malhonnête ! C’est vrai que l’on dit que le fondement de la politique c’est la malhonnêteté, mais je crois que la politique c’est la continuation de l’œuvre de Dieu. Il s’agit de se mettre au service des autres. Et quand on le fait, ce doit être avec honnêteté.

Vous restez quand même membre du comité central du Rdpc, votre nom figurant toujours sur les tablettes de 1996.
Je ne sais pas. Ce sont eux qui tiennent ces tablettes qui doivent vous éclairer sur ce sujet. Moi je suis démissionnaire. Et quand on démissionne, on ne garde pas le grade. Quand vous refusez le pigeon, vous ne mangez pas ses œufs. Vous ne m’avez plus entendu prétendre être membre du comité central du Rdpc. Je n’ai jamais caché que j’étais militant du Rdpc. Ceux qui prétendent aujourd’hui n’y avoir jamais été, racontent des histoires. A l’époque du parti unique, l’on se bousculait et il n’était pas donné à tout le monde d’être maire ou député ou encore secrétaire de la plus importante section du Cameroun. C’est cette facilité de création de parti que le régime a apportée pour distraire, qui donne à chaque premier venu de croire qu’il est devenu un grand homme politique. Mais quel est leur parcours ? Connaissez vous un seul pays au monde où quelqu’un sorti de nulle part est devenu président de la République, sans avoir jamais été conseiller municipal, maire, député ou sénateur ? C’est une magie qui ne s’opère qu’au Cameroun.

Vous semblez avoir gardé quelques liens avec le Rdpc ce qui expliquerait que vous avez été récemment reçu par le secrétaire général de cette formation politique. Vous envisagez un retour dans le Rdpc ?
Je constate que vous passez le temps à espionner plus qu’à chercher des informations. René Sadi est un ami personnel. Je n’ai jamais renié mes amis. Vous ne m’avez jamais entendu insulter le chef de l’Etat. Je critique sa façon de gérer, mais c’est un monsieur pour qui j’ai beaucoup de respect. En matière politique, il ne faut pas confondre la vision politique des gens et les relations individuelles qu’ils peuvent avoir entre eux. J’ai dans le gouvernement des gens que j’ai formé, même s’ils sont ingrats. Ils sont arrivés à la politique grâce à moi. Grâce au Rdpc, je suis devenu député. Il y en a qui sont devenus ministre grâce à mon entregent. J’ai gardé des contacts avec beaucoup d’entre eux…

Qui par exemple ?
On ne cite pas les contemporains surtout quand il s’agit des arrivistes ingrats

Quels liens gardez-vous avec le Rdpc aujourd’hui ?
Rdpc en tant que parti aucun. Parce que le Rdpc est un nom vide. Vous voyez bien qu’ils n’ont pas organisé de congrès depuis 1996. Ils ont des textes qu’ils ne respectent pas. Ils ont créé un tas de structures qui n’existent pas dans leurs textes de base. Le Rdpc est un passage obligé pour tous les aventuriers en mal de positionnement dans le pays, ou d’asile pour de nombreux délinquants

Combien d’adhérents la Dynamique revendique-t-elle aujourd’hui ?
La Dynamique peut revendiquer un ou deux adhérents. Ce n’est pas le plus important pour nous. La Dynamique peut revendiquer aujourd’hui un courant de pensée bien connu et bien aimé de plusieurs milliers de camerounais.

On est à une année de l’élection présidentielle. Quel est à votre avis, le profil idéal pour le président camerounais de 2011 ?
Ce n’est pas à moi de définir le profil idéal du candidat à la présidentielle ou du président qui doit sortir de cette élection. Nous sommes arrivés à une situation d’extrême pauvreté. Pauvreté d’esprit, pauvreté matérielle et même sur le plan intellectuel. L’on pense que n’importe qui, ferait mieux que ceux qui sont là aujourd’hui. C’est cela le danger. Quand un pays arrive au stade où les gens sont découragés, abusés, et où on se dit « vraiment, on ne peut pas tomber plus bas que cela », c’est extraordinaire. Mais moi je dis que le fait de dire que pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut savoir lire et écrire est un danger. Ma mère a été à l’école sous l’arbre. Elle savait lire et écrire T A ta. Mais est-ce pour autant qu’elle pouvait se dire candidate à l’élection présidentielle ?

Vous faites injure à votre mère alors ?
Non ! Je n’injurie pas ma mère, mais ceux qui pensent que n’importe qui peut devenir président de la République. Nous sommes en Afrique et certains gardes fous doivent être mis. Pour être gardien de la paix, il y a un niveau d’étude exigé, un concours à passer et une formation. Pour être le 1er  des camerounais, il n’y a pas  de niveau, il n’y a pas de formation. La seule chose à faire est d’aller tromper les gens dans des discours creux et passer et pour un magicien qui attrape les balles avec la main. Non ! Vous savez que le rôle du président de la République c’est de gérer la nation. Et pour le faire, il faut appliquer des lois. Dès lors que vous ne pouvez pas faire la différence entre un décret et un arrêté, une loi et une ordonnance, vous allez faire comment ?  Certains disent qu’ils auront de bons conseillers. Si vous êtes entouré, ce n’est pas vous qui gérez. Il faut déjà avoir une idée  personnelle de la conduite des affaires de l’Etat. On aurait pu fixer un minimum. La loi ce n’est pas la Bible que des gens ne sachant ni lire ni écrire prétendent l’expliquer. La loi, vous ne la lisez pas au 1er degré. Sinon vous n’y comprendrez rien. Il faut comprendre ses tournures. Ils sont nombreux à être  candidat à l’élection présidentielle juste pour empocher le pactole de la campagne évalué à cinq millions de nos francs en ces temps de crise… C’est une manne pour quelqu’un qui n’a  même pas ou dormir. On a galvaudé et même banalisé cette fonction. C’est peut être une des raisons pour laquelle certains accordent peu de respect au Président de la République.

Pensez-vous avoir le profil du candidat à la présidentielle ?
Vous n’avez jamais vu un cochon qui se dit gras. Dans tous les cas, je pense que j’ai exercé des fonctions qui font qu’aujourd’hui si on m’en donnait l’opportunité, je pourrais faire des choses mieux que d’autres qui auront besoin d’une ou plusieurs années pour s’adapter ou pour assimiler certaines choses.

De façon plus simple, serez-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?
Non  ! Dans les conditions actuelles, je ne peux pas être candidat parce qu’il n’y aura pas élection. Pendant que des gens demandent que l’on n’aille pas s’inscrire, d’autres insistent pour qu’on le fasse. Et qui est dans cette catégorie, c’est le Rdpc. Ceux qui s’inscrivent sont ceux qui obéissent au Rdpc et qui voteront sans doute pour son candidat

La société civile obéit-elle au Rdpc ?
Qui est civil ? Je suis civil et vous l’êtes aussi. Beaucoup aujourd’hui, lorsqu’ils ne trouvent pas de place dans les partis politiques, créent ce que l’on appelle la société civile et le lendemain, ils deviennent des hommes politiques. C’est un mélange de genres inacceptable. Et puis dans cette affaire, vous entendez tout le monde dire : on veut un vote à deux tours. Moi je n’en veux pas…

Pourquoi ?

Rare sont les pays où celui qui est arrivé en tête au 1er tour a été battu. Résultat, ceux qui veulent le vote à deux tours sont ceux qui refusent de se mettre ensemble et de choisir l’un d’eux. Le deuxième tour est celui du marchandage. Vous ne pouvez pas gouverner parce que vous êtes obligé d’intégrer des éléments de gouvernement qui ne sont pas les vôtres. Si l’on est de l’opposition, il faut que l’on accepte cette position qui n’est pas un état, mais une situation passagère.

Vous semblez remettre au goût du jour la candidature unique de l’opposition...
Je n’ai jamais pensé à une candidature unique de l’opposition. Je demande aux gens d’être modestes. Ce ne doit pas être une affaire où chacun vient dans le but de rouler les autres.

Il y a déjà un certain nombre de candidatures annoncées pour cette élection. Combien en faut-il à votre avis pour la rendre crédible ?
Une pléthore. Mais on s’amuse. Vous savez, dans un pays comme la France, même Coluche était candidat. Il y a beaucoup de Coluche chez nous qui sont candidats. Et ils sont sérieux. Or Coluche en France s’amusait. Vous ne pouvez pas avoir plus de quatre candidats. Il y en aura deux qui vont vraiment se battre. Les autres profitent du temps de campagne pour passer un message. Moi je ne suis pas là pour limiter les candidatures. J’ai été candidat à l’élection présidentielle de 1997 et j’ai été plus combattu par l’opposition que par le pouvoir

Vous ne semblez pas très optimiste pour l’opposition en 2011
Vous pensez qu’elle va faire quoi ? Surtout dans les conditions actuelles ? Avec Elecam. Avec ceux qui demandent de ne pas s’inscrire sur les listes électorales. Moi je sais que M. Biya ou celui qu’il aura choisi va gagner. Mais pour quelle politique et jusqu’à quand ? Quand vous semez le vent, vous récoltez la tempête. Lorsque des hommes politiques ont dit à un moment : si on vient vous corrompre, prenez et mangez, c’est votre argent que l’on a volé. Ils ne savaient pas que lorsque tu dis à un enfant de prendre un bonbon, il ne s’arrêtera que quand la boîte sera vide. Dans un pays où les gens ont faim, ils vont attendre celui qui vient leur donner à manger. Aujourd’hui lorsque nous appelons les gens pour leur parler de la carte électorale, vous entendez certains qui disent : est-ce qu’il y a à boire ? On a dit aux gens que les hommes politiques sont ceux qui ont de l’argent. Or, qui sont ceux qui ont de l’argent en dehors de ceux qui pillent dans les caisses de l’Etat ?

Êtes-vous inscrit sur une liste électorale ?
Oui bien sûr !

Où ?
A Douala où je réside et entends jouir de tous mes droits.
Qu’est-ce qui à votre avis devrait être fait entre la révision des listes électorales et la refonte ?
Vous parlez de quoi ? Vous voyez des gens qui sont nommés. Ils ne prennent même pas la peine de lire les textes de loi qui les concernent et commencent un activisme qui rend le gouvernement ridicule. Le drame c’est que ce sont les gens du Rdpc qui veulent coincer le chef de l’Etat qui appellent le Sdf et lui glissent un truc à aller déposer à la Cour suprême. Je continue néanmoins de penser que ce n’est pas celui qui organise l’élection qui fait l’élection. Abraham Lincoln avait dit que « un bulletin de vote est plus puissant qu’une balle de fusil… ». Donc si le peuple camerounais va s’inscrire et va au vote, Elecam ne va rien y changer.

Mais justement Elecam invite les Camerounais à s’inscrire…
Ils le font parce qu’ils savent que de l’autre côté, ils ont aussi leurs amis qui disent exactement le contraire. Et puis avoir sa carte de vote ne veut pas forcément dire que l’on va voter.
Vous savez, ce qui a découragé les Camerounais, c’est de s’inscrire et ne pas avoir sa carte de vote.

On remet un recépissé au moment de l’inscription…
Il faut que l’on dise jusqu’à quand il est valable, et qu’après ce délai, vous entrerez en possession de votre carte d’électeur. On connaît la technique utilisée à cet effet. On inscrit 3 millions de personnes et il y a 500 qui retirent leurs cartes. Le reste, vous êtes inscrit à Nkoldongo et votre carte se retrouve à Mokolo.

Pourquoi vous ne pensez pas qu’il faut accorder le bénéfice du doute à Elecam?
Si mon père vous dit : je vais enseigner la physique à l’Université et vous allez me juger au pied du mur. Il faut que vous ne soyez pas sérieux pour penser que mon père qui n’est jamais allé à l’école peut enseigner la physique. Il y a des gens à Elecam qui ont fait montre d’un tribalisme outrancier. Il y en a qui ont commis des actes répréhensibles. L’Etat est très malin car il ne nomme que des gens qui sont susceptibles d’être inquiétés s’ils se donnaient une parcelle d’indépendance. Ils sont là pour faire plaisir. Je ne suis même pas sûr qu’avec certaines personnes la bas, le Rdpc a besoin de tricher pour gagner.

Dans le contexte actuel, le Rdpc a-t-il vraiment besoin de l’appui d’Elecam pour gagner une élection ?

Non. Je vous assure que non. L’élection étant à un tour et les gens s’étant suffisamment discrédités, certains ayant amassé suffisamment d’argent pour aller engager leurs familles à s’inscrire, et prêts à les encadrer également pour aller voter le Rdpc, ce dernier va gagner. Le seul contrepoids au Rdpc, c’est la volonté populaire de changement. Or celle-ci ne s’exprime que dans les paroles. On veut un changement dans les urnes. Et l’on ne met dans les urnes que les bulletins de vote.

Les jeux semblent alors faits pour 2011…
2011 pour moi ce n’est pas la fin du monde.

Quel souvenir gardez-vous comme député Rdpc à l’Assemblée nationale ?
C’était ma première législature. Et ça été l’occasion de constater la duperie des Camerounais. Nous étions les premiers députés de l’ère du multipartisme et le Rdpc n’était pas encore le champion de la tricherie. C’est pourquoi à Douala, nous étions 2 élus sur 9. Le Rdpc était minoritaire à l’Assemblée nationale. L’on attendait que l’opposition s’organise pour prendre la présidence de l’Assemblée nationale et peut-être exiger le poste de Premier ministre. Curieusement, nous nous sommes aperçus que chacun des chefs de groupe venait nuitamment voir le Rdpc pour négocier …

Cette attitude devait vous arranger non?

En tant que membre du Rdpc oui. Mais j’étais écœuré en tant que citoyen de constater que des gens qui avaient fait campagne parfois en utilisant des termes extrêmement violents ne s’assumaient plus. Le Rdpc a compris qu’en face il n’y avait rien. C’est le dernier larron qui est venu tirer les marrons du feu. Dakolé n’est pas un ami, mais je tiens à dire aux Camerounais qu’il a été le dernier à rentrer dans la danse quand il a su que les autres négociaient dans son dos. Vous savez, il y en a là en face qui sont pires que le président Biya. Lorsque l’on a donné des ministres à M. Kodock, il les a distribués aux Bassa. Bello Bouba a fait la même chose en donnant les postes ministériels aux siens. Les gens ne sont pas encore prêts à accepter la démocratie chez nous. La démocratie ne connaît pas l’autochtone. Elle ne connaît pas la minorité allogène. La démocratie ne connaît pas l’équilibre régional. C’est un gouvernement à la manière camerounaise.
Comment pouvez-vous accepter que dans une ville comme Douala qui a près de 5 millions d’habitants, que ceux qui gouvernent la ville soient moins de 3% et on vous que c’est la protection des minorités. Nous sommes le seul pays au monde où protéger la minorité veut dire donner le droit à la minorité pour écraser la majorité. Les minorités sont des races menacées de disparition. On peut y inclure les pygmées. Chez nous, l’on transforme cela en termes de village. Protéger les Pygmées veut dire que l’on ne détruit pas leur cadre de vie. Ça ne veut pas dire que l’on va faire d’un Pygmée le maire de Nanga Eboko s’il ne le mérite pas. Vous avez également les albinos. A l’Assemblée nationale, je me suis rendu compte qu’il y avait un sérieux travail d’éducation à faire pour les Camerounais.

Il y a eu lors de votre passage à l’Assemblée nationale, la révision constitutionnelle de 1996 pour laquelle beaucoup de choses ont été dites…
Quoique élu Rdpc, j’avais introduit 34 amendements à ce texte. J’avais combattu les notions d’autochtone et d’allogène parce que je trouvais que c’était très grave. On ne m’a pas compris. J’ai voté contre. Cette disposition qui faisait le lit à la division du Cameroun. Les réactions sont de plus en plus tribales. On organise un comice à Ebolowa, ça devient une affaire des fils d’Ebolowa, alors qu’il s’agit d’un évènement national. On vient y exposer les produits venant de tout le Cameroun. La plupart des députés étaient contre cette loi. Ils ont été corrompus…

De quelle façon ?
Ils ont eu de l’argent. Je crois que c’était un million par personne.

Vous en avez pris aussi ?
Ils ont refusé de m’en donner parce qu’ils avaient peur que je ne dénonce cela à la presse.

Qui a apporté cet argent à l’Assemblée nationale ?

L’Assemblée nationale est une sorte de fourre tout. Je ne sais pas si cela a changé. C’est un endroit où l’on va chercher de l’argent dans des cantines, on les place dans de grands coffres forts. Il y a un caissier et un secrétaire général qui prend un papillon sur lequel il écrit « donnez 5 millions à X ou Y ». Ce dernier va voir le caissier qui lui remet les 5 millions et il s’en va. C’est comme ça que ça se passe.

Combien de fois avez-vous pris de l’argent de cette façon ?
Moi je ne prends pas de l’argent de cette façon et je peux m’en vanter. J’ai eu la chance d’exercer un métier qui me permet de survivre. Et j’ai toujours pensé que tout finit par se savoir. Si on m’en avait donné, les Camerounais le sauraient aujourd’hui. L’Assemblée nationale est un Etat dans l’Etat. Effectivement d’après la constitution, il y a équilibre et séparation des pouvoirs. Curieusement pour nous embrouiller, l’Assemblée s’est mise du côté de l’exécutif, en s’octroyant une partie du budget qu’elle exécute sans possibilité de contrôle à cause de son immunité. Elle ne peut plus contrôler l’exécutif.
En s’octroyant 10 millions chacun par an, sans justificatifs à produire, les députés de l’Assemblée nationale se rendent coupables de détournement de fonds publics, doublé d’abus de pouvoir. Ça fait 50 millions par mandat et par personne, soit 9 milliards pour l’ensemble que l’Etat perd à chaque législature. Je suis en train d’engager une action contre les auteurs de ce hold-up, auprès de la Cour Suprême, faisant office de Cour Constitutionnelle. Les microprojets étaient à l’origine, des projets rapides que le député demandait au gouvernement d’exécuter dans sa circonscription pour se donner une valeur représentative. Par exemple, je demande que l’on creuse un puits. On ne me donne pas de l’argent, c’est l’Etat qui exécute le travail. Lors de l’inauguration, le député présente cette réalisation comme étant le fruit de sa démarche auprès du pouvoir exécutif. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé quand j’étais député.

Vous ne receviez pas de l’argent à l’époque ?
Non  ! Cette histoire a commencé avec l’arrivée du Sdf à l’Assemblée nationale. Ils ont exigé que l’on donne de l’argent frais aux députés et non plus aux représentants locaux  de l’Etat dans leur circonscription. Vous comprenez pourquoi les députés sont défaillants aujourd’hui. Cette situation plaît énormément au pouvoir, qui, comme l’écrivait le député Ndinga, tient en cela une épée de Damoclès sur leur tête. Il y a également cette histoire de crédit automobile non remboursable. C’est encore une trouvaille de l’Assemblée Nationale du Cameroun. Car, qui dit crédit, dit remboursement. C’est le principe même du crédit.

Vous n’avez rien eu du gouvernement Rdpc ?
Rien. Ils me doivent de l’argent, qu’ils refusent de payer. Je crois qu’ils ne perdent rien à attendre, car même après moi, mes enfants récupèreront cette dette. C’est une bonne partie de mon héritage.

Si on vous proposait d’entrer au gouvernement…
J’ai eu cette proposition plusieurs fois, et même très récemment. Pour moi, entrer au gouvernement c’est se mettre au service de son pays, et non de bénéficier de quelques prébendes.  Mes conditions sont difficiles à accepter…

Quelles sont vos conditions ?
Etre Ministre c’est être chargé d’une mission. Il faut donc savoir ce que l’on attend de vous,   quels sont les moyens matériel et humain mis à votre disposition pour accomplir la dite  mission, et  quel est la durée dont vous disposez. Je ne peux pas être ministre sans pouvoir de prendre des décisions, choisir mes collaborateurs, et avoir la maîtrise de l’exécution de mes projets. Si on me confie par exemple le ministère de l’Agriculture, j’attends que le président de la République me dise : monsieur, je vous nomme ministre de l’Agriculture. A charge pour vous de faire passer la production agricole du simple au quadruple. Je dirai oui, si cette nomination est accompagnée des moyens cités plus haut. Cela signifie que j’aurai à définir les voix et moyens pour atteindre cet objectif, sans qu’on ne me pose des peaux de banane sur le chemin, ou que l’on me fasse des croc-en-jambe.

Ça veut dire que si toutes les conditions sont réunies, vous êtes prêt à prendre l’Agriculture.
Tout de suite,  et je montrerai de quoi je suis capable, en faisant de mon pays le vrai grenier régional, en redonnant le goût de l’agriculture aux jeunes Camerounais, par une modernisation, et une autre politique de productivité.

Entretien mené par Jean Francis Belibi

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