Affaire Marafa. Affaire Albatros: La Présidence retire le dossier à Magnaguemabe

GAITAMA GUIBAI | L'Oeil du Sahel Vendredi le 17 Aout 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Contesté de toutes parts, le magistrat est désormais accusé de tous les maux

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Accusé dans une note anonyme d'avoir dénaturé les faits avec la complicité du procureur de la République pour assurer à Jean Marie Atangana Mebara et à Ephraïm Inoni une «totale impunité» dans une affaire de détournement de derniers publics en coaction, des magistrats du Tribunal de grande instance de Yaoundé se retrouvent dans le viseur de la présidence de la République.

Il y a quelques jours, précisément dans la matinée du jeudi 3 août 2012, il y avait une fébrilité inhabituelle au palais de Justice de Yaoundé. Cette fébrilité n'était point due à l'audience du procès prévue ce jour-là de l'affaire de l'ancien ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya et de l'ancien directeur général de la Cameroon Airlines, Yves Michel Fotso. Mais à des concertations impliquant les magistrats concernés par l'affaire Albatros. Pendant de longues heures en cette matinée du 3 août, M. Ntamack, le Procureur de la République près du Tribunal de grande instance de Yaoundé et Maurice Soh, l'un de ses substituts chargé de l'affaire dite Albatros, ont longuement été reçus par leur patron, le procureur général près la Cour d'appel du Centre. Quelques minutes plus tard, le secrétaire général du ministère de la Justice, M. Gwanmesia en personne, est venu à bord d’une Toyota Land Cruiser blanche rencontrer Pascal Magnaguemabe, le magistrat chargé de l'instruction dudit dossier. Ils ont discuté quelques minutes dans la cour du bureau des juges d'instruction au lieu-dit Guantanamo, loin des oreilles indiscrètes du public qui s'y trouvait. Et M. Gwanmesia est reparti.

Sur quoi portaient tous ces conciliabules? Impossible de savoir avec exactitude. Mais, nos sources au palais de justice de Yaoundé centre-administratif indiquent que ce 3 août, l'un des vice-présidents de la Cour d'appel du Centre a, procédé au retrait du dossier de l'affaire Albatros du cabinet d'instruction de Pascal Magnaguemabe. Ainsi, sans être prévenu, le juge d'instruction a été dessaisi de tous les volets encore pendants de ce volumineux dossier. Les enquêtes concernant l'ancien Premier ministre Ephraïm Inoni, Jean-Marie Atangana Mebara, Yves-Michel Fotso, Hubert Patrick Marie Otélé Essomba, Jérôme Mendouga, etc. lui ont donc été retirées. D'après nos sources, la Cour d'appel devrait communiquer le dossier au Tribunal criminel spécial (Tcs) dont on attendrait le début du fonctionnement du greffe le 16 août prochain. Toutes les personnalités concernées par ces procédures ne seront plus en principe Jugées par le Tribunal de grande instance, mais bien par le Tcs.


Collusion avec le Parquet

Au Tribunal de grande instance de Yaoundé, le dessaisissement du magistrat Pascal Magnaguemabe a un parfum de désaveu. Nos sources indiquent que peu après la clôture de l'enquête judiciaire qui a conduit au renvoi en jugement de Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso, le Garde des sceaux avait demandé à PascaI Magnaguemabe de clore «dans les deux semaines» les volets encore en instance du dossier dont il avait la charge. Mais, le magistrat aurait traîné à le faire. Il projetait d'ailleurs, selon des sources bien introduites d'inculper de nouvelles personnes. On l'accuse d'avoir «transformé le dossier de l'affaire Albatros en fonds de commerce».

L'Œil du Sahel a aussi appris de ses sources à la présidence de la République que le 26 juillet dernier, le secrétaire général avait transmis au ministre d'Etat chargé de la Justice une note adressée au chef de l'Etat datée du 9 mai 2012 et non signée. Dans sa lettre de transmission, Ferdinand Ngoh Ngoh demande à Laurent Esso de lui faire connaître tant les observations que la note en question suscite de sa part ainsi que les mesures qu'il envisage au cas où les agissements y dénoncés seraient avérés. En des termes assez clairs, le secrétaire général de la présidence de la République suggérait la préparation des sanctions à l'égard de certains magistrats dont les agissements étaient dénoncés dans la fameuse note. Nos sources ont indiqué que les concertations du jeudi 3 mai 2012 avaient trait à l'enquête éventuellement née de la transmission de ce document au Garde des sceaux. Une note qui a précipité le retrait du dossier de l'affaire Albatros entre les mains de Pascal Maganguemabe.

En effet, le document en question, que L'œil du Sahel a consulté, stigmatise ce qu’il appelle «des agissements de certains magistrats dont la moralité distendue continue de mettre en panne de réalisation les engagements pris par le chef de l'Etat devant la nation et la Communauté internationale en matière de lutte contre la corruption». Le juge d'instruction Pascal Magnaguemabe y est présenté comme «l'un des magistrats les plus en verve» dans la bataille engagée contre les intérêts du Cameroun. Il est accusé d'agir en collusion avec le parquet du Tribunal de grande instance du Mfoundi qui serait resté sans réaction devant une de ses décisions.


La Magistrature à la moulinette

L'auteur anonyme de la note affirme que la décision du juge d'instruction mettant hors de poursuites, en janvier 2010, l'ancien ministre d'Etat, Jean Marie Atangana Mebara, et l'ancien Premier ministre, Inoni Ephraïm, «concernant les faits de détournement de deniers publics en coaction d'une somme de 657.511.470 FCFA» (sur lesquels nous revenons en détails dans le papier ci-dessous) est un véritable déni de justice. Le juge d'instruction est accusé d'avoir «dilué la responsabilité pénale des deux principaux accusés» en reproduisant «des déclarations et informations insuffisamment vérifiées, parfois présentées au conditionnel et laissant planer le doute chez des personnes non averties». Mieux, Pascal Magnaguemabe n'aurait rien fait d'autre que «de dénaturer les faits en cause et d'assurer à leurs auteurs une totale impunité».

Pour sa part, le procureur de la République est coupable selon la note de n'avoir pas relevé appel de la décision du juge d'instruction. Et il est rappelé qu'au cours de l'audition de l'alors Premier ministre Ephraïm Inoni sur ces faits, «le procureur de la République en personne (...) avait été rappelé à l'ordre par le commissaire divisionnaire Ntonga Benjamin, responsable de l'enquête, parce qu'il intervenait intempestivement pour orienter le suspect dans ses déclarations». La note se conclut par un appel à des sanctions «sans faiblesse» contre les magistrats mis à l'index.

Rappelons que la note transmise le 26 juillet dernier au Garde des sceaux est datée du 9 mai 2012, c'est-à-dire une semaine après l'acquittement prononcé par le Tribunal de grande instance de Yaoundé en faveur notamment de Jean Marie Atangana Mebara. Selon nos sources, elle avait déjà été transmise le 27 juin 2012 à la Division des affaires judiciaires de la présidence de la République pour étude. Après la demande d'explication de la présidence de la République décernée à Gilbert Schlick, le président du Tribunal de grande instance de Yaoundé qui avait présidé le collège des juges ayant pris la décision d'acquittement, la désormais affaire du juge Magnaguemabe instruite sur la base d'une note anonyme, semble constituer un pas supplémentaire du pouvoir exécutif dans sa marche vers un plus grand embrigadement du pouvoir judiciaire au Cameroun.


A propos des 657 millions de FCFA ...

En juin 2003, la société australienne Ansett Worldwide qui loue des avions à la Camair, dont le fameux Boeing 767 baptisé «Le Dja», saisit le gouvernement pour le règlement de ses factures alors impayées par la Camair. Le loueur d'avions informe les ministres en charge des Finances et des Transports, le secrétaire général de la présidence de la République et bien sûr la Direction générale de la Camair, que faute pour la compagnie aérienne d'honorer sa facture arrêtée à 4 milliards FCFA au plus tard le 2 juillet 2003, elle va récupérer ses avions et saisir les tribunaux pour faire réparer le préjudice qu'elle dit subir. Le chef de l'Etat est informé, il donne instruction au Secrétaire général de la présidence de la République de trouver une solution négociée afin d'éviter toute reprise des avions par Ansett Worldwide. A cette époque, «Le Dja» fait quasiment office d'avion présidentiel. M. Atangana Mebara se fait assister dans les négociations par son adjoint, Ephraïm Inoni, qui est par ailleurs Président du Conseil d'administration de Standard Chartered Bank Cameroon.

Les négociations se déroulent entre le 27 et le 28 juin 2003 et ne changent pas grand-chose aux attentes d'Ansett. Pour respecter le délai imposé par la société australienne du paiement des 4 milliards FCFA dans ses comptes, la Standard Chartered Bank est sollicitée via son Pca. La banque exige une garantie de paiement avant de s'exécuter. Le lundi 30 juin, le sg de la Prc adresse une lettre confidentielle à l'Administrateur Directeur général de la Snh pour faire virer la somme de 4 milliards FCFA dans le compte de la Standard Chartered Bank à New-York afin que cette dernière désintéresse Ansett Worlwide. Mais à la suite d'une discussion au téléphone entre M. Atangana Mebara et M. Adolphe Moudiki, il est arrêté que le virement soit fait directement du compte de la Snh pour celui du loueur d'avion. Il apparaît explique le Sgpr, que «la Snh pouvait effectuer ledit virement le 02 juillet 2003 au plus tard, avec un coût inférieur à ce que cela aurait été si c'est la Standard Chartered Bank qui exécutait le paiement». Une nouvelle lettre confidentielle est adressée le même jour à la Snh pour que le virement soit effectué directement dans le compte de Ansett Wordlwide. La dette est payée dans les délais.

Il se trouve qu'en ce même mois de juillet 2003, le ministre des Finances a ordonné un autre paiement de 3,342 milliards FCFA au profit de Ansett Worlwide à partir de son compte à la Standard Chartered Bank, question de solder totalement la dette de la Camair à l'égard de la société australienne. Ce paiement est bien distinct du virement des 4 milliards FCFA effectué directement à partir du compte de la SNH à l'agence centrale parisienne de la BNP. Mais en avril 2008, lorsque la Direction de la Police judiciaire est chargée d'enquêter sur «la gestion peu orthodoxe des 31 millions de dollars décaissés pour l'achat d’un avion présidentiel, elle abandonne cette enquête pour se consacrer aux autres dénonciations faites par le suspect Yves-Michel Fotso. Le commissaire divisionnaire Ntonga, chargé de l'enquête, qui a vu la trace du paiement des 3,342 milliards FCFA dans la comptabilité de la Camair, va conclure que cette écriture se rapporte aux 4 milliards FCFA virés par la SNH à la demande de Jean-Marie Atangana Mebara. Et que le différentiel entre ces deux montants a été empoché par l'ancien Sg de la présidence de la République.

A l'instruction judiciaire, l'accusation formulée par le commissaire divisionnaire Ntonga est contredite par les témoignages du patron de la SNH et du Directeur général adjoint de la. Standard Chartered Bank de même que de nombreuses correspondances versées au dossier de la procédure. Il en est ainsi d'une lettre datée du 26 août 2003 par laquelle M. Yves Michel Fotso «rend compte à sa tutelle financière que Ansett Worldwide a reçu au mois de juillet 2003 une somme totale de l'équivalent de plus de 7 milliards FCFA », qui intègre bien les deux virements. Et Martin Atanga, Dga de la Standard Chartered Bank explique au juge d'instruction que le virement des 3,342 milliards FCFA ordonné par le ministre des Finances en 2003 «a déjà (été) remboursé par deux bons de virement d'égal montant de 1,671 milliard FCFA» des 17 et 31 juillet 2003 émis par le ministre des Finances, donneur d'ordre de l'opération. Le juge d'instruction conclu «qu'il n'existe donc pas, dans cette affaire, de différentiel que Atangana Mebara aurait détourné». Il décide d'élargir l'ancien Sg de la présidence de la République pour ce chef d'inculpation. Mais garde en instruction l'accusation du détournement des 4 milliards FCFA qui pèse encore sur Jean-Marie. Atangana Mebara.

 

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